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Raccordements des immeubles à la fibre (contrat Faber) : l’Autorité prononce à l’encontre d’Altice une sanction globale de 75 millions d’euros au titre de la liquidation des astreintes et du non-respect d’injonctions prononcées en 2017

Fibre

L’essentiel

Pour mémoire, en 2014, l’Autorité de la concurrence avait autorisé la prise de contrôle de SFR par la société Altice (à l’époque Numéricable) sous-réserve d’engagements structurels et comportementaux. Par la suite, en 2017, l’Autorité avait sanctionné Altice pour ne pas avoir mis en œuvre les engagements qu’elle s’était engagée à prendre et a prononcé une sanction de 40 millions d’euros assortie de plusieurs injonctions dont certaines sous astreintes.

L’Autorité rend aujourd’hui une décision dans laquelle elle procède à la liquidation des astreintes prononcées lors de sa décision de 2017 et sanctionne Altice pour ne pas avoir correctement exécuté les injonctions de l’Autorité dans les délais impartis.

Altice a sollicité le bénéfice de la procédure de transaction. Dans le cadre de cette procédure négociée, l’Autorité a prononcé une sanction de 75 millions d’euros.

Il s’agit de la première décision de l’Autorité de liquidation d’astreintes sur le fondement de l’article L. 430-8 du code de commerce.

La décision d’autorisation du rachat de SFR par Altice et les risques alors identifiés vis-à-vis de la poursuite du déploiement de la fibre optique

Le rachat de SFR par Altice a été autorisé par l’Autorité de la concurrence en octobre 2014 (décision 14-DCC-160 du 30 octobre 2014) sous réserve de plusieurs engagements (consulter le communiqué de presse du 27 octobre 2014) pour prévenir les risques d’atteinte à la concurrence identifiés. L’Autorité avait notamment estimé que l’opération était susceptible de remettre en cause l’incitation de la nouvelle entité à honorer ses obligations contractuelles en matière de déploiement de la fibre, tout particulièrement vis-à-vis de Bouygues Telecom.

Bouygues Telecom avait en effet signé en novembre 2010 un accord de co-investissement avec SFR dit “contrat Faber”, portant sur le déploiement d’un réseau horizontal en fibre optique dans 22 communes situées en zone très dense. Or, compte tenu du taux de couverture très important du réseau câblé en zone très dense, SFR aurait eu peu d’intérêt à poursuivre le déploiement (la plus grande partie des  prises FttH que SFR envisageait de déployer en zone très dense étant devenues redondantes avec le réseau câblé de Numericable après l’opération).

Pour remédier à ce problème de concurrence, Altice s’était engagée, d’une part, à poursuivre le développement de la fibre dans le périmètre géographique du contrat Faber, en procédant à l’adduction des points de mutualisation dans un calendrier contraint, et d’autre part, à garantir la maintenance du réseau de façon transparente et non-discriminatoire.

Infographie

La décision de non-respect des engagements prononcés en 2017

Lors de sa décision de 2017 (17-D-04 du 8 mars 2017/voir communiqué de presse), l’Autorité a constaté qu’Altice n’avait pas respecté ses engagements pris en 2014 vis-à-vis de Bouygues Telecom : le rythme des adductions s’était très fortement ralenti après la réalisation de l’opération, et n’avait véritablement repris qu’au bout d’un an, générant un retard substantiel par rapport aux engagements pris. De plus, ce manquement s’était accompagné d’une dégradation des conditions de maintenance du réseau, ce qui a pénalisé Bouygues Telecom.

L’Autorité a alors prononcé une sanction de 40 millions d’euros, ainsi que plusieurs injonctions afin de s’assurer qu’Altice s’abstienne de poursuivre ces comportements. Elle a en particulier fixé à Altice un nouveau calendrier d’exécution comprenant des paliers de réalisation, dont certains ont été assortis d’astreintes progressives, afin de la contraindre à procéder à l’adduction de l’ensemble des points de mutualisation non effectivement adductés. L’Autorité a également enjoint Altice de respecter la maintenance du réseau relevant du contrat Faber.

Dans la présente décision, l’Autorité constate qu’Altice n’a pas correctement exécuté les injonctions et procède, pour la première fois, à une liquidation d’astreintes

L’Autorité constate qu’en dépit « de l’obligation de résultat » qui incombe à Altice, l’entreprise n’a pas, dans les délais impartis, respecté les injonctions.

Ainsi, en ce qui concerne les injonctions sous astreintes, l’Autorité relève que le nombre d’adductions réalisé par Altice demeure très éloigné des paliers de réalisation qu’elle avait fixé dans sa décision. L’Autorité considère par ailleurs, que, dans une mesure significative, les cas d’inexécution n’étaient pas liés aux difficultés extérieures alléguées par Altice et qu’à cet égard cette dernière n’avait pas rapporté la preuve d’une difficulté survenue qui ne lui serait pas imputable.

En ce qui concerne l’injonction de maintenance, l’Autorité  considère qu’Altice n’a pas atteint l’objectif qui lui était assigné et cela pendant toute la période considérée quand bien même elle relève une amélioration sur le dernier trimestre.

Dans le cadre de l’instruction menée par l’Autorité, Altice a sollicité le bénéfice de la procédure de transaction. Cette procédure permet à une entreprise qui ne conteste pas les faits qui lui sont reprochés d'obtenir le prononcé d'une sanction pécuniaire à l'intérieur d'une fourchette négociée avec le rapporteur général, fixant un montant maximal et minimal.

Altice n’a pas contesté la réalité de ces manquements et a signé le 11 mai 2022 un procès-verbal de transaction.

Compte tenu de l’ensemble de ces éléments, l’Autorité prononce à l’encontre d’Altice une sanction globale de 75 millions d’euros au titre de la liquidation des astreintes et de la sanction pécuniaire infligée en raison du non-respect de certaines injonctions.

Enfin, à la demande d’Altice, l’Autorité a levé les injonctions sous astreintes prononcées par la décision n° 17-D-04 du 8 mars 2017, considérant que, pour l’avenir, leur maintien ne se justifiait pas. Elle a en effet relevé qu’Altice s’est progressivement rapprochée, sur la période récente, de l’objectif qui lui était fixé par les injonctions et que le nombre de points de mutualisation restant à adducter était dorénavant résiduel. Par ailleurs,  elle relève dans sa décision que le contrat Faber a fait l’objet en 2018, d’un avenant entre les parties, lequel s’inspire des injonctions prononcées par l’Autorité.

Rappel du contexte

  • 30 octobre 2014 (décision n° 14‑DCC‑160/voir le communiqué de presse) : L’Autorité autorise la prise de contrôle exclusif de SFR par le groupe Altice sous réserve d’engagements structurels et comportementaux.
  • 19 avril 2016 (décision n° 16‑D‑07/voir le communiqué de presse) : L’Autorité sanctionne le groupe Altice à hauteur de 15 millions d’euros pour ne pas avoir respecté certains des engagements liés à la cession des activités de téléphonie mobile d'Outremer Telecom souscrits dans le cadre de la décision n° 14‑DCC‑160.
  • 8 novembre 2016 (décision n° 16-D-24/voir le communiqué de presse) : L'Autorité sanctionne le groupe Altice à hauteur de 80 millions d'euros pour avoir réalisé de manière anticipée deux opérations notifiées en 2014 dont l’opération autorisée par la décision n° 14-DCC-160.
  • 8 mars 2017 (décision n°17‑D‑04/voir le communiqué de presse) : L'Autorité sanctionne le groupe Altice à hauteur de 40 millions d'euros pour ne pas avoir respecté ses engagements relatifs au contrat « Faber » souscrits dans le cadre de la décision n° 14‑DCC‑160. Elle prononce par ailleurs plusieurs injonctions dont certaines sous astreintes.
  • 28 octobre 2019 (décision n°19-DCC-199/voir le communiqué de presse) : L’Autorité de la concurrence ne reconduit pas les engagements souscrits par Altice lors du rachat de SFR. En revanche, les injonctions sous astreintes prononcées par l’Autorité en 2017 concernant l’accord de co-déploiement du réseau de fibre optique conclu avec Bouygues Telecom (accord « Faber ») sont maintenues.

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Maxence Lepinoy
Maxence Lepinoy
Chargé de communication, responsable des relations avec les médias
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