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Rachat de SFR par Altice : l'Autorité ne reconduit pas les engagements et maintient certaines injonctions

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Compte tenu de l’évolution des marchés, l’Autorité de la concurrence ne reconduit pas les engagements souscrits par Altice lors du rachat de SFR.

En revanche, les injonctions sous astreintes prononcées par l’Autorité en 2017 concernant l’accord de co-déploiement du réseau de fibre optique conclu avec Bouygues Telecom (accord « Faber ») sont maintenues.

Les deux décisions de l’Autorité qui encadrent le comportement d’Altice depuis le rachat de SFR

 

Le 30 octobre 2014, l’Autorité de la concurrence a autorisé l’opération de prise du contrôle exclusif de SFR par Altice sous réserve de la mise en œuvre de plusieurs engagements. Plusieurs engagements avaient été souscrits pour une période de cinq ans à compter du 30 octobre 2014. Arrivés à terme aujourd’hui, ils pouvaient être  renouvelés une fois si les conditions de marché le justifiaient.

  • La décision du 8 mars 2017 (17-D-04) sanctionnant Altice pour ne pas avoir respecté les engagements pris en 2014 relatifs à l’accord de co-déploiement d’un réseau de fibre optique conclu avec Bouygues Telecom/voir communiqué de presse

Constatant le retard accumulé par Altice dans le raccordement des immeubles fibrés de la zone couverte par l’accord « Faber » au réseau co-financé par Bouygues Telecom, alors qu’elle avait pris un engagement fixant les conditions de ce raccordement, l’Autorité avait sanctionné Altice à 40 millions d’euros et l’avait enjoint de respecter un nouveau calendrier d'exécution, assorti d'astreintes. Le 23 janvier 2019, Altice a demandé la levée de ces injonctions. L’Autorité a donc également procédé à l’analyse de la situation concurrentielle dans la zone couverte par l’accord.

 

L’évolution des marchés depuis 2014 conduit l’Autorité à ne pas prolonger les engagements souscrits par Altice pour cinq années supplémentaires. Elle maintient en revanche les injonctions sous astreintes prononcées en 2017.

 

  • Sur l’ouverture du réseau câblé aux opérateurs concurrents 

L’existence du réseau câblé de Numericable (appartenant à Altice) avait conduit l’Autorité à identifier un risque de préemption par Altice de la clientèle très haut débit dans les zonesoù le câble était déployé alors que la fibre ne l’était pas encore. Altice s’était donc engagée à permettre l’accès à son réseau câblé à tout opérateur télécom (par le biais de deux offres de référence), et à ne pas utiliser les informations dont elle est destinataire en tant qu’opérateur déployant un réseau de fibre optique pour commercialiser des offres de très haut débit sur le réseau câblé dans les logements éligibles à la fibre.

    Engagement levé

    Les opérateurs de détail, en particulier Orange, ont significativement déployé leur réseau fibre optique de telle sorte que le risque de préemption en zone câblée a significativement diminué.

    En conséquence, l’Autorité n’a pas jugé nécessaire de renouveler les engagements relatifs à l’accès au réseau câblé et aux informations dont Altice est destinataire.

    • Sur l’interdiction de proposer des offres câbles dans les bureaux de Poste 

    Altice s’était par ailleurs engagée à ne pas commercialiser d’offres très haut débit sur le réseau câblé dans les agences du groupe La Poste avec lequel SFR avait conclu un accord de distribution exclusive.

    Engagement levé

    L’Autorité a pris note de l’évolution du marché de la distribution d’accès à internet et de la fin de la clause d’exclusivité dans le contrat de distribution conclu entre La Poste et SFR. Elle n’a, en conséquence, pas renouvelé l’engagement relatif à la distribution des offres câbles dans les bureaux de poste.

    • Sur les offres, dites de fibre optique noire (ou FON), à destination des opérateurs télécoms et celles permettant l’accès à ses boucles locales de fibre optique, via les offres BLOD (marché amont entreprises) 

    L’Autorité avait identifié un risque de retrait du marché ou d’augmentation des prix des offres de FON de SFR à la suite de l’opération. Ces offres permettent à des opérateurs de télécommunications de construire ou de compléter le cœur de leur réseau. Altice s’était alors engagée à maintenir des offres sur les marchés de la fourniture de FON dans des conditions au moins aussi avantageuses qu’avant l’opération.

    L’Autorité avait également identifié un risque d’augmentation des prix ou de retrait du marché des offres de gros de services de capacité sur le segment terminal sur boucle locale optique dédiée (ou BLOD) à l’amont du marché entreprises). Ces offres permettent aux opérateurs de télécommunications entreprises de construire des offres de détail à destination des entreprises et donc de concurrencer les opérateurs dits « intégrés » tels que Orange et Altice. Altice s’était alors engagée à maintenir des offres de gros BLOD à des conditions au moins aussi avantageuses qu’avant l’opération.

    Engagements levés

    L’Autorité a constaté, depuis 2014, l’émergence d’alternatives crédibles aux offres d’Altice, de telle sorte que ce dernier ne dispose plus de la capacité à verrouiller l’accès à ses offres de gros BLOD ou FON pour les opérateurs télécoms. En conséquence, l’Autorité n’a pas considéré qu’il était nécessaire de prolonger les engagements BLOD et FON.

    • Sur les raccordements des immeubles de la zone couverte par l’accord « Faber » au réseau fibré cofinancé par SFR et Bouygues

    Altice aurait été en mesure, postérieurement à l’opération, de priver Bouygues Telecom de l’accès à la clientèle très haut débit sur une part importante de la zone très dense. En effet, Bouygues Telecom était dépendant de SFR pour le raccordement au réseau commun déployé entre SFR et Bouygues Telecom des immeubles fibrés. Altice s’était donc engagée à raccorder les immeubles fibrés dans cette zone au réseau déployé par SFR et Bouygues Telecom. Cet engagement devait permettre à Bouygues Telecom d'exploiter le réseau dans lequel elle avait investi avec SFR et d’animer la concurrence dans cette zone. Ces raccordements devaient être effectués dans des délais et selon les modalités fixées par les engagements.

    Altice n’ayant pas respecté cet engagement, l’Autorité l’a sanctionnée en 2017 (voir communiqué du 9 mars 2017). Elle a en parallèle prononcé des injonctions visant à assurer qu’Altice procède effectivement au raccordement des immeubles fibrés dans la zone couverte par l’accord Faber. Ces injonctions distinguaient deux situations : pour le stock d’immeubles fibrés non raccordés à la date de la décision de 2017, Altice disposait d’un an supplémentaire pour procéder au raccordement (injonctions sous astreintes) ; pour les immeubles qui seraient fibrés à compter de la décision, Altice devait procéder au raccordement dans les conditions prévues par les engagements initiaux (injonctions hors astreintes).

    Les injonctions sans astreintes sont levées

    S’agissant des injonctions relatives au contrat Faber et les engagements auxquels elles sont adossées, l’Autorité a constaté que le groupe Altice avait modifié sa stratégie et privilégie désormais le déploiement de la fibre optique. En conséquence, ses intérêts sont désormais alignés avec ceux de Bouygues Telecom dans le raccordement des immeubles de la zone dite « Faber ». Par ailleurs, l’Autorité a tenu compte des modifications apportées au contrat Faber par le biais d’un avenant, signé entre Altice et Bouygues Telecom en décembre 2018. Ces modifications intègrent au contrat lui-même des mécanismes similaires à ceux qui avaient été mis en place pour les engagements souscrits en 2014 et repris par les injonctions prononcées en 2017. En conséquence, l’Autorité a considéré qu’il n’était pas nécessaire de maintenir ces injonctions pour l’avenir, ces évolutions garantissant que les immeubles fibrés à compter de la date de la présente décision seront bien reliés, par Altice, au réseau cofinancé avec Bouygues Telecom.

    Les injonctions sous astreintes sont maintenues

    En revanche, l’Autorité maintient les injonctions sous astreintes prononcées en 2017, en ce qu’elles visaient à compenser, dans des délais donnés, les conséquences directes du non-respect par Altice de ses engagements (c’est-à-dire l’absence de raccordement d’un stock d’immeubles fibrés avant 2014 ou entre 2014 et 2017). L’Autorité se prononcera sur leur liquidation et leur levée dans le cadre d’une instruction distincte, actuellement en cours, qui devrait donner lieu à une décision au premier semestre 2020.

    Rappel du contexte

    30 octobre 2014 (décision n° 14‑DCC‑160) : L’Autorité autorise la prise de contrôle exclusif de SFR par le groupe Altice sous réserve d’engagements structurels et comportementaux

    19 avril 2016 (décision n° 16‑D‑07) : L’Autorité sanctionne le groupe Altice à hauteur de 15 millions d’euros pour ne pas avoir respecté certains des engagements liés à la cession des activités de téléphonie mobile d'Outremer Telecom souscrits dans le cadre de la décision n° 14‑DCC‑160.

    8 novembre 2016 (décision n° 16-D-24) : L'Autorité sanctionne le groupe Altice à hauteur de 80 millions d'euros pour avoir réalisé de manière anticipée deux opérations notifiées en 2014 dont l’opération autorisée par la décision n° 14-DCC-160.

    8 mars 2017 (décision n° 17‑D‑04) : L'Autorité sanctionne le groupe Altice à hauteur de 40 millions d'euros pour ne pas avoir respecté ses engagements relatifs au contrat « Faber » souscrits dans le cadre de la décision n° 14‑DCC‑160. Elle prononce par ailleurs plusieurs injonctions dont certaines sous astreintes.

    Contact(s)

    Yannick Le Dorze
    Yannick Le Dorze
    Adjoint à la directrice de la communication
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