Vie de l'institution

Après une activité très soutenue en 2020, l’Autorité de la concurrence annonce ses priorités pour 2021, qui seront centrées sur l’économie numérique

Priorités

A quelques jours de la fin de l’année, l’Autorité dresse le bilan de son activité et trace les grandes lignes de son action pour 2021.

Pour Isabelle de Silva, présidente de l’Autorité, « malgré le contexte que nous connaissons tous, l’Autorité s’est toute entière mobilisée en 2020 pour tenir ses objectifs et assurer au mieux sa mission de défense de la concurrence. Grâce à la forte mobilisation de nos équipes, nous avons fait en sorte que l’examen des concentrations d’entreprises se poursuive avec des délais très brefs, nonobstant les contraintes liées à l’état d’urgence sanitaire. En 2021 notre action restera résolument tournée vers l’économie numérique, avec notre étude sur le secteur financier, les fintechs et le développement des plateformes vers les services de paiement. Par ailleurs, notre action sera marquée par l’entrée en vigueur d’outils d’intervention renforcés, avec la transposition de la directive ECN+ et la possibilité de renvoyer pour examen à la Commission des acquisitions réalisées « sous les seuils » obligatoires de notification, s’agissant par exemple d’acquisitions prédatrices ou consolidantes ».

Une année 2020 marquée par une forte activité malgré le contexte sanitaire difficile

L’année 2020 a été largement marquée par la grave crise sanitaire que notre pays a traversée. En dépit de ces difficultés, l’Autorité de la concurrence s’est attachée à maintenir un niveau élevé d’activité et à mettre en œuvre ses priorités.

 

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Afin de ne pas pénaliser l’activité des entreprises dans un contexte de crise économique, l’Autorité a mis un point d’honneur, malgré les contraintes liées aux confinements et restrictions, à maintenir les délais très courts qu’elle pratique habituellement pour l’examen des concentrations, sans faire usage des délais supplémentaires qui étaient prévus par les ordonnances prises dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire.

A titre d’exemple, elle a rendu :

  • Près de 200 décisions au titre du contrôle des concentrations
  • 23 décisions en matière de pratiques anticoncurrentielles
  • 12 avis

Elle a prononcé près de 1,8 milliard d’euros de sanction

(Chiffres arrêtés au 22/12/2020)

Des décisions et avis marquants

Plusieurs décisions importantes ont été rendues par l’Autorité dans le secteur du numérique, notamment la décision ordonnant à Google, dans le cadre de mesures conservatoires, de négocier avec les éditeurs et agences de presse la rémunération au titre des droits voisins.

Dans le secteur de la distribution des produits électroniques Apple, la décision sanctionnant Apple et ses deux grossistes à hauteur de 1,2 milliard d’euros a mis au jour des pratiques restreignant la concurrence et la liberté tarifaire des distributeurs, et abusant de leur dépendance économique.

Pour la première fois, l’Autorité a mis en œuvre les pouvoirs qui lui ont été confiés par la loi EGALIM, qui ont débouché sur des engagements remédiant aux risques pour la concurrence suscités par deux  rapprochements à l’achat d’envergure en matière de MDD (Auchan/Casino/Metro/Schiever et Carrefour/Tesco).

L’Autorité a également sanctionné un cartel de grande ampleur dans le secteur du jambon.

Très active dans le secteur de la santé, elle a sanctionné des pratiques abusives commises par 3 laboratoires pharmaceutiques en matière de traitement de la DMLA et a par ailleurs condamné fermement des pratiques de boycott à l’encontre du réseau de soins Santéclair, mises en œuvre par l’ordre des chirurgiens-dentistes ainsi que par deux fédérations syndicales.

L’Autorité de la concurrence a continué de veiller de façon vigilante à la concurrence en outre-mer, notamment dans le contexte de crise sanitaire.

Enfin, elle a rendu, à la demande du ministre de l’économie, un avis d’envergure analysant la situation concurrentielle en Corse et formulant des recommandations pour remédier aux dysfonctionnements identifiés.

La poursuite des travaux de modernisation de l’Autorité

Poursuivant le chantier ouvert pour mieux prendre en compte les objectifs de développement durable, l’Autorité de la concurrence a créé une équipe thématique dédiée au sein de ses services d’instruction et participe activement aux travaux menés dans le cadre du réseau européen de concurrence. 

L’Autorité a par ailleurs inauguré en 2020 son nouveau service dédié à l’économie numérique, désormais pleinement opérationnel, et qui  renforcera son expertise en  matière  de plateformes,  algorithmes ou sciences de la donnée.

Pendant la crise du Covid-19, l’Autorité a enfin mis en place une équipe dédiée pour guider les entreprises dans cette période délicate et veiller à l’absence de pratiques anticoncurrentielles qui auraient pu nuire à l’économie et aux consommateurs. Elle a ainsi pu intervenir, dans ce cadre, pour éclairer une association professionnelle qui s’interrogeait sur les possibilités de discuter les conditions de paiement des loyers commerciaux pendant la crise Covid, ou pour remédier à des pratiques d’exclusivité qui risquaient de  freiner l’accès des hôpitaux ultra-marins à des respirateurs. En 2021, l’Autorité de la concurrence entend poursuivre son action de mise en œuvre du droit de la concurrence à un niveau élevé.

Les priorités 2021

 

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Le numérique

L’Autorité de la concurrence accordera, cette année encore, toute son attention au secteur du numérique. L’Autorité rendra tout d’abord son avis sur la transformation concurrentielle du secteur financier. Cet avis, qui fait suite à une autosaisine, lui permettra de revenir sur l’évolution de la dynamique concurrentielle dans le secteur financier, avec l’émergence des Fintechs, mais aussi sur les conséquences liées à l’arrivée massive des GAFA dans la sphère des services de paiement.

L’Autorité continuera à participer activement aux discussions menées au niveau européen sur la régulation du numérique, tout particulièrement celles portant sur le Digital Market Act et le Digital Services Act, qui définiront un nouveau cadre de régulation applicable aux plateformes numériques. L’Autorité participera également, dans le cadre du réseau européen de concurrence, à la révision de la communication de la Commission européenne sur les marchés pertinents.

Plusieurs enquêtes contentieuses, initiées notamment à la suite de l’avis de 2018 sur la publicité en ligne, devraient aboutir en 2021. Tel est le cas pour deux affaires, l’une concernant les services d’intermédiation dans le secteur de la publicité en ligne et l’autre, les pratiques de collecte massive de données. L’Autorité de la concurrence se prononcera également sur le respect, par Google, des mesures conservatoires prononcées à son encontre concernant les droits voisins ainsi que sur le fond du dossier. L’Autorité tiendra par ailleurs une séance au début de l’année sur la demande de mesures conservatoires présentée par IAB France, MMA France, UDECAM et SRI [1] et relative aux modifications annoncées par Apple concernant son prochain système d’exploitation pour iPhone iOS14.

Le service de l’économie numérique poursuivra sa montée en puissance, avec la mise en place d’outils permettant de suivre en temps réel l’évolution des conditions générales d’utilisation des plateformes numériques et d’approfondir la surveillance des marchés publics par le biais d’algorithmes. Il pilotera en outre les travaux du groupe transversal des services d’instruction sur le numérique.

La transposition de la Directive ECN+ et la poursuite de la modernisation des outils de l’Autorité de la concurrence

D’un point de vue institutionnel, l’Autorité de la concurrence a vu ses pouvoirs renforcés en 2020 avec l’adoption de la loi DDADUE. Parmi les améliorations notables, il convient de relever l’élargissement du champ de la procédure simplifiée, qui sera désormais applicable à un plus grand nombre d’entreprises, dans le cadre du régime de sanction général, et la suppression de la procédure de l’avis de clémence, qui permettra de traiter encore plus rapidement les demandes de clémence, outil essentiel à la détection des cartels secrets.

Le vote de la loi DDADUE habilite également le gouvernement à transposer par ordonnance la directive ECN+ sur le renforcement des autorités nationales de concurrence. L’année 2021 sera marquée par l’adoption de cette ordonnance, dernière étape nécessaire pour que l’Autorité bénéficie de ce cadre rénové.

Parmi les avancées qui deviendront réalité, on notera :

  • l’introduction du principe d’opportunité des poursuites, qui permettra à l’Autorité de mieux adapter ses moyens aux enjeux les plus significatifs pour la concurrence
  • la possibilité pour l’Autorité de se saisir d’office en matière de mesures conservatoires 
  • la faculté de prononcer des injonctions structurelles dans le cadre de pratiques anticoncurrentielles ;
  • ou encore, le relèvement sensible du plafond applicable aux associations d’entreprises, qui passe à 10 % du chiffre d’affaires global.

Dans ce cadre, l’Autorité procédera à la révision de ses lignes directrices sur le calcul des sanctions pour en tirer les conséquences.

Le pouvoir dont disposera l’Autorité de la concurrence de se saisir d’office sera particulièrement important afin de lui permettre d’intervenir de manière encore plus rapide sur les pratiques les plus dommageables pour l’économie. L’Autorité a déjà pu éprouver l’efficacité de cette nouvelle modalité de saisine dans le secteur de la grande distribution, avec son intervention en matière de rapprochement entre grandes centrales d’achat. Cette nouvelle faculté  pourra se révéler  particulièrement précieuse dans le secteur du  numérique, eu égard aux effets difficilement réversibles de certaines pratiques sur des marchés très évolutifs.

L’Autorité s’attache à accompagner les entreprises dans leurs démarches de conformité

L’Autorité souhaite favoriser résolument les démarches de conformité des entreprises (compliance). Au début de l’année 2021, elle présentera les conclusions d’un groupe de travail qu’elle a piloté en 2020. Ce groupe rassemblait des responsables d’entreprises, d’organismes professionnels et d’experts et devrait formuler des recommandations sur les principes à suivre par les entreprises et les actions/outils souhaités de la part de l’Autorité.

Afin d’aider les entreprises à mieux préparer leurs opérations de concentration, l’Autorité a achevé en 2020 une profonde rénovation de ses Lignes directrices, après une concertation avec les professionnels. Le nouveau document cadre permettra aux entreprises d’appréhender, de façon actualisée et pédagogique, le cadre d’analyse, les méthodes d’examen, les options possibles, afin de les éclairer sur la façon dont l’Autorité est susceptible de se prononcer sur les rapprochements ou fusions-acquisitions. L’adoption de ces Lignes directrices s’accompagnera de changements mis en œuvre à la demande des entreprises afin de faciliter les procédures de concentration (désignation de l’équipe en charge du cas, prénotification, etc).

Enfin l’Autorité publiera, au tout début de l’année 2021 une étude dédiée aux organismes professionnels. Celle-ci  examinera la façon dont ils peuvent favoriser auprès de leurs membres une meilleure application du droit de la concurrence mais illustrera également les risques concurrentiels liés au fonctionnement de ces organismes, en donnant des clés pour les prévenir. L’Autorité a choisi de réaliser cette étude dans un contexte où la transposition de la directive ECN+ expose ces organismes, et les entreprises ou professionnels qui en sont membres, à des sanctions pécuniaires potentiellement beaucoup plus élevées que par le passé.

Le développement durable

Les préoccupations liées au  développement durable continueront à être intégrées en 2021 dans la pratique décisionnelle de l’Autorité, qui s’attachera à cibler les pratiques  anticoncurrentielles les plus dommageables en la matière. Plusieurs dossiers pouvant relever de cette catégorie devraient déboucher en 2021. L’Autorité continuera par ailleurs à accompagner les  entreprises qui souhaitent bénéficier d’orientations sur ce sujet, par exemple lorsqu’elles envisagent de mener des actions concertées ayant un objectif environnemental. L’Autorité participera en outre aux travaux menés au niveau européen sur ce thème dans le cadre du Green Deal lancé par la Commission européenne.

Le secteur des musiques nouvelles

L’Autorité rendra, dans les premiers mois de l’année, l’avis qui lui a été demandé par la Commission des affaires culturelles de l’Assemblée nationale sur le sujet de la concentration dans le secteur des musiques actuelles. Elle a mené une vaste consultation en 2020 et entendra en audition plusieurs acteurs de la filière en janvier, avant de rendre ses conclusions. Ce sera la première fois que l’Autorité se penchera, dans un avis d’ensemble, sur le secteur des musiques actuelles pour examiner les évolutions concurrentielles qui le traversent, sous l’effet notamment du développement des supports et modes de consommation numériques.

Les marchés publics

L’Autorité continuera, comme par le passé, d’accorder une attention toute particulière aux cartels qui viennent fausser les processus de commande publique. L’Autorité mettra en place en 2021 de nouveaux dispositifs de contrôle, y compris de façon préventive, et en mettant à profit les outils numériques fondés sur l’OSINT.

Les opérations de concentrations en période de COVID-19

Lors de l’examen des opérations de concentration, l’Autorité sera attentive en 2021 au contexte de crise économique, liée à la crise sanitaire. L’année 2020 a conduit l’Autorité à examiner un grand nombre d’opérations portant sur des enseignes du commerce de détail en difficulté économique. L’année 2021 devrait voir cette tendance se poursuivre. L’Autorité veillera à ce  que certaines opérations n’échappent pas artificiellement à son contrôle en raison de la faiblesse du chiffre d’affaires réalisé en 2020 par les entreprises en cause. Elle s’attachera par ailleurs à tenir compte du contexte dans lequel interviendront ces opérations, tout en maintenant un contrôle vigilant sur l’impact de ces opérations sur la concurrence.

Une novation importante pour les entreprises : la possibilité de voir des opérations d’acquisition non soumises à notification obligatoire renvoyées pour examen à la Commission européenne dans le cadre de l’article 22 du règlement européen de 2004.

L’Autorité a milité, depuis plus de deux ans, pour qu’il soit remédié à ce qu’elle considérait comme une faille dans le contrôle national et européen des concentrations : il était en effet possible que des acquisitions ayant potentiellement un fort impact sur la dynamique concurrentielle échappent à tout contrôle, lorsque le chiffre d’affaires de la cible n’atteignait pas les seuils de notification obligatoire, et ce y compris lorsque la cible était rachetée pour un montant considérable, comme dans l’opération Facebook – WhatsApp. La Commission européenne a répondu favorablement à cet appel, en annonçant en 2020, qu’elle accepterait désormais, revenant sur la doctrine qui était jusqu’alors la sienne, les renvois, par des autorités nationales de concurrence, d’opérations de concentration « sous les seuils », dans le cadre fixé par l’article 22 du règlement européen de 2004.

L’année 2021 sera la première année de mise en œuvre de cette nouvelle approche. L’Autorité entend participer activement à la définition d’orientations en la matière, démarche qui a été annoncée par la Commission européenne. Elle fera ainsi des propositions sur le cadre procédural qui pourrait être appliqué et sur les catégories d’opérations qui pourraient être concernées. Elle mettra par ailleurs en place, avec effet immédiat, une veille sur les marchés afin de détecter les opérations qui pourraient être soumises à renvoi à la Commission européenne.

 

[1] L’IAB France représente les acteurs de l’écosystème de la publicité en ligne, et est membre du réseau international IAB ; la MMA rassemble les principaux acteurs présents sur les médias mobiles (agences de marketing mobile, agences médias, opérateurs mobiles, etc.) ; l’UDECAM est une association de mise en relation des différents acteurs des médias et de la communication ; et le SRI est le Syndicat des Régies Internet, qui fédère des membres, régies internet, et des partenaires, exerçant une activité complémentaire et/ou technologique de monétisation publicitaire.

Contact(s)

Virginie Guin
Directrice de la communication
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