L’Autorité se félicite de l’annonce de la Commission européenne, qui acceptera désormais que les autorités nationales de concurrence puissent lui renvoyer pour examen des opérations de concentration sensibles, y compris lorsqu’elles ne sont pas soumises au contrôle national

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Cette nouvelle approche, annoncée par Margrethe Vestager, vice-présidente exécutive de la Commission, s’inscrit dans le cadre d’une lecture renouvelée de l’article 22 du règlement européen de 2004 sur les concentrations. Elle répond notamment aux propositions formulées par l’Autorité pour combler certaines lacunes du contrôle européen et national des concentrations, s’agissant par exemple d’acquisitions par des entreprises en position dominante ou bien d’acquisitions prédatrices ou consolidantes réalisées par des plateformes numériques.

L’Autorité de la concurrence salue les déclarations en matière de contrôle des concentrations de Margrethe Vestager, vice-présidente exécutive de la Commission européenne, lors de la 24e rencontre de l’International Bar Association du 11 septembre 2020. L’Autorité se félicite en particulier de la décision de la Commission européenne d’accepter désormais les renvois par les autorités nationales de concurrence, au titre de l’article 22 du règlement européen sur les concentrations, des opérations qui ne sont pas de dimension européenne, y compris lorsque celles-ci ne franchissent pas les seuils de notification au niveau national. L’Autorité avait, à plusieurs reprises, appelé de ses vœux une telle évolution quant à l’application de l’article 22, afin de mieux appréhender le phénomène des acquisitions prédatrices ou consolidantes « sous les seuils », que l’on constate en particulier dans l’économie numérique, mais aussi dans le secteur pharmaceutique ou les biotechnologies, ainsi que dans certains secteurs industriels très concentrés.

Cette nouvelle orientation s’insère dans une revue d’ensemble par la Commission européenne des procédures d’examen des concentrations.

L’article 22 du règlement n°139-2004 du Conseil du 20 janvier 2004 permet à une autorité nationale de concurrence de renvoyer à la Commission européenne une opération de concentration qui ne serait pas de dimension européenne, mais qui affecterait le commerce entre États membres et menacerait d'affecter de manière significative la concurrence sur le territoire du ou des États membres qui formulent cette demande. Le règlement n’exige pas que ce ou ces États membres soient eux-mêmes compétents pour contrôler l’opération en cause. La Commission européenne avait néanmoins jusqu’ici toujours annoncé qu’elle n’accepterait un renvoi fondé sur cet article que dans l’hypothèse où l’opération franchissait les seuils de notification au niveau national d’au moins un État membre. Modifiant sa doctrine en la matière, la Commission européenne a annoncé le 11 septembre 2020 qu’elle accepterait, dès mi-2021, d’examiner les demandes de renvoi au titre de cet article présentées par les autorités nationales de concurrence, y compris lorsque les opérations de concentration en cause ne franchissent les seuils nationaux de notification d’aucun État membre, et ce dès lors que les conditions fixées par cet article sont remplies.

Cette évolution, souhaitée par l’Autorité depuis 2017, constitue une avancée majeure en vue d’une meilleure appréhension des opérations de concentrations, notamment celles portant sur des acteurs innovants.

Au cours des travaux de réflexion lancés par l’Autorité de la concurrence en 2017 en vue de moderniser et renforcer le contrôle des concentrations, et qui ont donné lieu à plusieurs concertations avec les entreprises, avocats et syndicats professionnels, l’Autorité a en effet pu identifier une lacune dans le cadre existant, fondé au niveau national comme au niveau européen sur la prise en compte des chiffres d’affaires de l’entreprise cible et de l’acquéreur. Un risque identifié était que certaines opérations portant sur des acteurs très innovants, qui commencent tout juste à valoriser leur innovation sur le marché, puissent échapper au contrôle des concentrations, la cible ayant un chiffre d’affaires insuffisant pour que les seuils de notification s’appliquent. Le rachat par Facebook d’Instagram ou de WhatsApp en sont des exemples topiques. Pouvait également s’avérer problématique la possibilité pour une entreprise en position dominante d’acheter ses différents concurrents, de petite taille, sur des marchés déjà concentrés. Un tel angle mort pouvait poser problème, d’un point de vue concurrentiel, en termes notamment de dynamique concurrentielle des marchés, ou de maintien des incitations à innover. L’Autorité avait ainsi soumis à consultation en 20171, au côté d’autres options reposant sur des modifications de la législation française, une solution à cette lacune par le recours, à droit constant, au mécanisme de renvoi prévu par l’article 22 du règlement n°139/2004. Dans sa décision contentieuse TDF/Itas2 du 16 janvier 2020, l’Autorité avait à nouveau relevé que le système européen de contrôle des concentrations permettait aux autorités de concurrence nationales de renvoyer des opérations à la Commission européenne, dans les conditions fixées par l’article 22 du règlement n°139/2004, même lorsqu’elles sont « sous les seuils » nationaux de notification obligatoire, afin qu’elles puissent être examinées par cette dernière. Dans sa contribution au débat sur la politique de concurrence et les enjeux numériques du 19 février 20203, l’Autorité avait encore appelé de ses vœux un retour à l’interprétation la plus large de ces dispositions. Enfin, dans la nouvelle version de ses lignes directrices relatives au contrôle des concentrations, publiées le 23 juillet 20204, l’Autorité a, à nouveau, rappelé que l’article 22 devrait trouver à s’appliquer, y compris en l’absence de compétence de l’État membre à l’origine du renvoi (paragraphe 340).

Cette évolution de la doctrine de la Commission européenne concernant l’article 22 du règlement européen sur les concentrations est une excellente solution, qui contribue à répondre aux préoccupations qui se sont fait jour sur le risque que certaines opérations ayant une incidence négative sur la concurrence puissent échapper au contrôle des autorités de concurrence. Elle présente l’avantage de pouvoir être réalisée à brève échéance. Elle permettra ainsi d’apporter une première réponse à la problématique des acquisitions prédatrices et consolidantes, notamment dans l’économie numérique.

Comme cela a été annoncé par la vice-présidente exécutive Margrethe Vestager, cette initiative s’inscrit, par ailleurs, dans le cadre plus large du chantier de modernisation du contrôle des concentrations, en cours aussi bien à l’échelle nationale5 (plusieurs mesures de simplification et de modernisation du droit français des concentrations ont déjà été mises en œuvre par l’Autorité de la concurrence) qu’européenne (qu’il s’agisse de la consultation publique sur la révision de la communication sur la définition des marchés pertinents ou de l’évaluation de la pertinence des seuils de notification existants qui sera menée à terme dans le courant de l’année 2021).

 

1https://www.autoritedelaconcurrence.fr/sites/default/files/consultation_concentrations20oct17.pdf

2Décision 20-D-01 du 16 janvier 2020 relative à une pratique mise en œuvre dans le secteur de la diffusion de la télévision numérique terrestre.

3https://www.autoritedelaconcurrence.fr/sites/default/files/2020-02/2020.02.28_contribution_adlc_enjeux_num.pdf

4https://www.autoritedelaconcurrence.fr/sites/default/files/Lignes_directrices_concentrations_2020.pdf

5En complément, l’Autorité a formulé des propositions, dans le cadre de sa contribution au débat sur la politique de concurrence et les enjeux numériques, afin de renforcer les mécanismes de contrôle des opérations de concentration mises en œuvre par des acteurs en position structurante. Elle a notamment préconisé dans ce cadre la mise en place d’une liste d’opérateurs structurants, fondée sur des critères objectifs, qui seraient soumis à des obligations d’information des autorités de concurrence concernant les opérations de concentration qu’ils envisagent de réaliser.

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Yannick Le Dorze
Yannick Le Dorze
Adjoint à la directrice de la communication
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