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16-D-11
relative à des pratiques mises en oeuvre dans le secteur de la diffusion de la télévision par voie hertzienne terrestre
DécisionMise en ligne le : 06 juin 2016
relative à une pratique mise en oeuvre dans le secteur de la diffusion de la télévision numérique terrestre
20-D-01
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Aux termes de la décision ci-après, l’Autorité de la concurrence considère que le grief d’abus de position dominante notifié à l’encontre de la société TDF sur le fondement des articles 102 du TFUE et L. 420-2 du code de commerce n’est pas établi.
Dans cette affaire, l’Autorité a été saisie par la société towerCast, qui estimait que la prise de contrôle de la société Itas par la société TDF, le 13 octobre 2016, constituait un abus de position dominante, contraire aux dispositions de l’article L. 420-2 du code de commerce.
Cette opération de concentration, qui ne franchissait ni les seuils européens de notification obligatoire définis à l’article 1er du règlement n° 139/2004, ni les seuils français prévus à l’article L. 430-2 du code de commerce, n’avait pas fait l’objet d’une notification, ni d’un examen au regard du contrôle des concentrations.
Cependant, la société towerCast soutenait que cette opération aurait substantiellement entravé la concurrence sur les marchés de gros amont et aval de la diffusion de la TNT, en renforçant de façon significative la position dominante de TDF sur ces marchés et constituait, de ce fait, une violation des dispositions de l’article L. 420-2 du code de commerce. La saisine fondait notamment son argumentation sur l’arrêt de la Cour de justice du 21 février 1973 Continental Can (aff. C-6/72, Rec. 1973 00215), portant sur l’appréciation d’une concentration d’entreprises au regard de l’article 102 du TFUE.
Dans cette affaire, la Cour avait estimé que la Commission européenne pouvait légalement appliquer, en l’absence de textes régissant spécifiquement le contrôle des concentrations, l’article 86 du traité CEE (devenu article 102 du TFUE) aux opérations de concentrations. Elle avait notamment estimé, à cet égard, qu’est « susceptible de constituer un abus le fait, par une entreprise en position dominante, de renforcer cette position au point que le degré de domination ainsi atteint entraverait substantiellement la concurrence, c'est-à-dire ne laisserait subsister que des entreprises dépendantes, dans leur comportement, de l'entreprise dominante ».
Toutefois, cet arrêt a été rendu antérieurement à l’adoption d’un dispositif de contrôle des concentrations au niveau de l’Union européenne, introduit par le règlement (CEE) n° 4064/89 du Conseil du 21 décembre 1989, ultérieurement remplacé par le règlement (CE) n° 139/2004 du Conseil du 20 janvier 2004. L’Autorité a donc considéré que l’institution, au niveau européen, d’un système de contrôle préalable des concentrations par le règlement n° 4064/89 précité, éclairé notamment par les déclarations du Conseil et de la Commission lors de son adoption, a rendu sans objet l’application de l’article 102 du TFUE à une opération de concentration, en l’absence d’un comportement distinct de l’entreprise en cause à la suite de cette opération. Il en résulte que l’application de la jurisprudence Continental Can est, de facto, devenue obsolète, ainsi qu’en atteste notamment le fait que la Commission n’ait plus appliqué l’article 86 du traité CEE (devenu article 102 du TFUE) à une opération de concentration postérieurement à l’entrée en vigueur du règlement n° 4064/89.
Au regard du droit interne, l’Autorité a rappelé qu’il résulte de la pratique décisionnelle du Conseil de la concurrence puis de l’Autorité, confirmée par la jurisprudence de la cour d’appel de Paris et de la Cour de cassation, que les procédures relatives au contrôle des ententes et abus de position dominante d’une part, et au contrôle des concentrations, d’autre part, sont différentes et inconciliables entre elles. À la date des faits examinés dans la
présente affaire, le code de commerce comporte, de façon exclusive, d’une part, un ensemble de règles applicables aux concentrations d’entreprises, soumises à notification obligatoire dès lors que les conditions définies par la loi, notamment le franchissement de seuils en valeur de chiffres d’affaires, sont remplies ; d’autre part, des règles applicables à d’autres comportements d’entreprises, desquelles il résulte que sont notamment prohibés les ententes et abus de position dominante. Il résulte de ces dispositions qu’une concentration ne saurait, en l’état des règles applicables, être considérée en elle-même comme un abus de position dominante. En revanche, les comportements abusifs détachables de l’opération même de concentration peuvent constituer des pratiques anticoncurrentielles susceptibles d’être sanctionnées. Ils peuvent, notamment, tomber dans le champ de l’article L. 430-9 du code de commerce, qui permet de défaire une concentration lorsque celle-ci a permis les abus. Tel peut être le cas, ainsi, alors même que la concentration aurait été autorisée ex ante, lorsque l’entreprise en cause a commis une exploitation abusive d’une position dominante ou d’un état de dépendance économique.
Ainsi, tant en droit de l’Union européenne qu’en droit interne, les opérations de concentration sont régies par un ensemble de règles propres, distinct de celles applicables au contrôle des pratiques anticoncurrentielles.
Au titre des règles régissant le contrôle des concentrations d’entreprise, une opération de concentration peut faire l’objet d’un contrôle ex ante par l’Autorité ou par la Commission européenne, dès lors que les seuils posés par l’article L. 430-2 du code de commerce ou l’article 1er du règlement n° 139/2004 sont franchis. Néanmoins, une opération de concentration qui n’atteindrait pas les seuils définis à l’article 1er du règlement n° 139/2004 peut être renvoyée par l’Autorité à la Commission lorsque les conditions prévues à l’article 22 du règlement précité sont remplies et ce, alors même qu’elle ne serait pas soumise à une notification obligatoire au regard des dispositions du code de commerce. Mais, au cas d’espèce, l’opération de concentration litigieuse n’a pas donné lieu à un tel renvoi à la Commission.
Compte-tenu de ce qui précède, l’Autorité a écarté le grief d’abus de position dominante et déclaré qu’il n’y avait pas lieu de poursuivre la procédure.
Origine de la saisine | towerCast |
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Entreprise(s) concernée(s) |
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