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24-D-04
relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur des biens de consommation courante
DécisionMise en ligne le : 19 mars 2024
relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la fabrication et de la distribution de produits électroménagers
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Aux termes de la présente décision, l’Autorité de la concurrence (ci-après l’« Autorité ») sanctionne à hauteur de 611 millions d’euros plusieurs entreprises actives dans le secteur de la fabrication et de la commercialisation de produits de gros et de petit électroménager. Elle sanctionne, d’une part, dix fournisseurs pour avoir, chacun, mis en œuvre une entente généralisée avec ses distributeurs pour fixer, directement ou indirectement, le prix de vente au détail de ses produits et, d’autre part, deux distributeurs pour avoir chacun mis en œuvre une entente généralisée avec ses fournisseurs aux mêmes fins.
Ces pratiques ont été révélées notamment par plusieurs indices transmis à l’Autorité par la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes en 2011 et 2012.
Les 17 octobre 2013 et 27 mai 2014, des opérations de visite et de saisie ont été menées dans les locaux de seize fabricants ou distributeurs de produits de petit et gros électroménagers, ainsi que dans ceux du syndicat professionnel du secteur, le Groupement interprofessionnel des fabricants d’appareils d’équipements ménagers (ci-après le « GIFAM »).
À la suite de ces opérations, la société BSH Électroménager SAS et d’autres sociétés du même groupe ont présenté une demande de clémence. L’Autorité a rendu, le 19 juillet 2015, un avis lui accordant le bénéfice conditionnel d’une réduction de sanction.
Le 16 août 2016, le rapporteur général adjoint a disjoint une partie des faits relatifs à des pratiques d’entente horizontale, qui ont fait l’objet d’une procédure distincte et ont conduit à une décision du 5 décembre 2018 sanctionnant six entreprises.
Dans la présente affaire, le rapporteur général a notifié treize griefs à dix-sept entreprises, fabricants ou distributeurs, ainsi qu’au GIFAM, pour des pratiques prohibées au titre de l’article 101, paragraphe 1, du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne et de l’article L. 420-1 du code de commerce.
Le premier grief, notifié à quatorze fabricants ainsi qu’au GIFAM, concernait l’échange de données individualisées et récentes sur les volumes de ventes par catégorie de produits de petit électroménager, par l’intermédiaire d’un module informatique mis à disposition par le GIFAM.
Les douze autres griefs concernaient des ententes verticales généralisées entre fabricants et distributeurs consistant à fixer, directement ou indirectement, le prix de vente au détail de produits de petit et gros électroménager.
Non-acquisition de la prescription décennale
Plusieurs entreprises mises en cause ont soutenu que les pratiques qui leur étaient reprochées étaient prescrites, en application de la règle de prescription décennale prévue par l’article L. 462-7 du code de commerce.
Cet article dispose que ladite prescription est suspendue pendant la durée d’une éventuelle procédure de recours formée contre une opération de visite et de saisie. Il a été soutenu que les entreprises qui n’ont pas fait l’objet d’une telle opération ou qui n’ont pas fait de recours devaient a contrario bénéficier de la prescription résultant de l’écoulement d’une durée de dix ans depuis la fin des pratiques en cause.
L’Autorité a rejeté cet argument, en considérant que les causes de suspension de la prescription décennale prévues par l’article L. 462-7 suspendent la prescription vis-à-vis de toutes les parties en cause, et non seulement vis-à-vis de celles qui, comme en l’espèce, ont introduit un recours à l’encontre des opérations de visite et de saisie.
Entente verticale sur les prix de vente au détail entre fabricants et distributeurs de produits électroménagers (griefs n° 2 à 13).
Dix entreprises ont choisi de ne pas contester la réalité des griefs et de bénéficier de la procédure prévue par le III de l’article L. 464-2 du code de commerce, en vertu de laquelle le rapporteur général soumet une proposition de transaction fixant les montant minimal et maximal de la sanction pécuniaire envisagée. Seules les sociétés des groupes SEB et Boulanger ont contesté les griefs, et notamment les griefs d’entente verticale sur les prix de vente au détail.
Au regard des multiples pièces saisies par les services d’instruction, éclairées par les déclarations de plusieurs distributeurs, l’Autorité a examiné la stratégie de SEB face au développement des ventes en ligne, la communication continue de prix conseillés aux distributeurs et les mesures prises à la suite de cette communication. Elle a observé que SEB non seulement exerçait elle-même un contrôle des prix de revente de ses produits sur Internet, mais bénéficiait en outre du contrôle de ces prix que les distributeurs exerçaient les uns à l’égard des autres, ce qui lui permettait d’agir en cas de non-respect des prix conseillés pour favoriser leur maintien au niveau souhaité.
L’Autorité a conclu qu’il résultait d’un faisceau d’indices graves, précis et concordants qu’il a existé entre SEB et ses distributeurs, entre le 12 novembre 2008 et le 15 octobre 2013, un accord de volontés sur l’application de la stratégie unilatérale de SEB quant au niveau des prix de détail des produits de petit électroménager. Il est apparu que cette pratique avait un caractère généralisé, en ce qu’elle révélait la volonté de SEB de voir maintenir, par un éventail large de distributeurs, le prix de revente de ses produits à un niveau artificiellement élevé.
L’Autorité a considéré que cette entente verticale, qui a présenté un degré de nocivité certain pour le libre jeu de la concurrence par les prix, constituait une restriction par objet de la concurrence sur le marché des produits de petit électroménager.
Quant à Boulanger, l’Autorité a constaté, au regard des preuves documentaires issues d’échanges avec les fabricants, ainsi que des échanges internes aux fabricants eux-mêmes, une adhésion et une participation active de ce distributeur à la politique de prix de ces derniers. Les pièces du dossier ont mis en évidence en outre que Boulanger a exercé une surveillance à l’égard des autres distributeurs en vue d’assurer l’application de cette politique.
L’Autorité a relevé l’existence d’un faisceau d’indices graves, précis et concordants selon lesquels Boulanger a acquiescé aux demandes de fixation, de maintien ou de remontée de prix de produits électroménagers formulées par plusieurs fournisseurs, en l’espèce six d’après les éléments du dossier caractérisant un accord de volontés. Boulanger s’est ainsi inscrite de manière manifestement délibérée dans un fonctionnement de marché où les deux principaux distributeurs, Boulanger et Darty, contribuaient à maintenir les prix de vente à un niveau considéré comme acceptable par les fournisseurs, au nom de la « préservation de la valeur ».
L’acquiescement de Boulanger, de même que les invitations auxquelles elle répondait, portait sur un éventail large de familles de produits de petit comme de gros électroménager, et concernait un nombre très significatif de fabricants et fournisseurs, donnant dès lors à l’entente un caractère généralisé.
Considérant que le comportement de Boulanger tendait par essence à diminuer la pression concurrentielle à laquelle elle faisait face, et tenant compte du degré certain de nocivité de ce comportement, l’Autorité a conclu que Boulanger avait participé à une entente constitutive d’une restriction de concurrence par objet entre le 16 juin 2010 et le 15 octobre 2013.
En conséquence, l’Autorité a prononcé au titre de ces douze griefs des sanctions pécuniaires d’un montant total de 611 000 000 d’euros, qui se répartit comme suit :
- BSH : 54 000 000 euros
- Candy Hoover : 22 750 000 euros
- Eberhardt : 100 000 euros
- Electrolux : 44 500 000 euros
- Whirlpool (en tant que successeur d’Indesit) : 27 750 000 : euros
- LG : 15 500 000 euros
- Miele : 14 250 000 euros
- SEB : 189 500 000 euros
- Smeg : 4 800 000 euros
- Whirlpool : 44 500 000 euros
- Boulanger : 84 350 000 euros
- Darty : 109 000 000 euros
En sus des sanctions pécuniaires infligées, l’Autorité enjoint aux entreprises sanctionnées de publier un résumé de la décision dans l’édition papier et sur le site internet des journaux Le Monde et Les Échos.
Échanges de données par l’intermédiaire du GIFAM (grief n° 1)
S’agissant du premier grief, relatif à des échanges de données individualisées et récentes sur les volumes de ventes par catégorie de produits de petit électroménager par l’intermédiaire du module Échange par marque de l’extranet GIFAM Instantané mis à disposition par le syndicat professionnel du secteur, l’Autorité a considéré, au vu du fonctionnement concret du marché et des circonstances spécifiques à l’espèce, que les informations échangées n’avaient pas un caractère stratégique au sens où leur transmission aurait eu pour effet de restreindre l’autonomie des entreprises participantes. Par conséquent, l’Autorité a écarté tout effet restrictif de concurrence, même potentiel, et prononcé un non-lieu pour ce grief.
Origine de la saisine | Saisine d'office |
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Entreprise(s) concernée(s) |
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