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23-D-12
relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur des thés de luxe
DécisionMise en ligne le : 11 décembre 2023
relative à des pratiques dans le secteur de la fabrication et la vente de denrées alimentaires en contact avec des matériaux pouvant ou ayant pu contenir du bisphénol A
Le texte intégral
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Le communiqué de presse
Aux termes de la présente décision, l’Autorité de la concurrence (ci-après « l’Autorité ») sanctionne plusieurs organismes professionnels (Fédération française des Industries d’Aliments Conservés (ci-après «FIAC»), l’Association des Entreprises de Produits Alimentaires Elaborés (ci-après « ADEPALE »), l’Association Nationale des Industries Alimentaires (ci-après « ANIA ») et le Syndicat National des Fabricants de Boîtes (ci-après « SNFBM ») pour avoir, selon des modalités propres à chacun, participé à une infraction unique, complexe et continue visant à empêcher les industriels du secteur de la fabrication et de la vente des matériaux (boîtes de conserves, canettes, etc.) destinés à être en contact avec des denrées alimentaires de communiquer sur l’absence de Bisphénol A (ci-après « BPA ») dans leurs produits et, ainsi, de se faire concurrence sur ce paramètre. Plusieurs entreprises membres de ces organismes professionnels sont également sanctionnées.
Cette infraction, dont la durée s’étend sur plus de 4 ans, s’est déroulée dans le contexte de l’adoption de la loi n° 2012-1442 du 24 décembre 2012 visant à suspendre l’utilisation du BPA dans tous les contenants alimentaires à compter du 1er janvier 2015 et dont l’application a entraîné une période de mise sur le marché simultanée de boîtes avec et sans BPA.
Deux griefs avaient été notifiés par les services d’instruction. Le premier grief concernait une entente relative à la limitation de la communication sur l’absence de BPA, l’encadrement de la commercialisation et la réduction des dates limites d’utilisation optimale (désormais dénommées dates de durabilité minimale) des produits avec BPA. Le second grief concernait une entente visant à restreindre l’information sur les substituts au BPA employés dans les matériaux au contact avec les denrées alimentaires. Seul le premier grief, dont le champ a été réduit, a été retenu par l’Autorité.
Les pratiques des organismes professionnels
Les pratiques sanctionnées ont, d’abord, consisté en la mise en place, par la FIAC, puis par l’ADEPALE et l’ANIA, d’une communication à tous les acteurs du secteur, visant à les alerter sur la nécessité de ne pas se faire concurrence sur la présence ou l’absence de BPA dans leurs conserves, puis à concevoir un argumentaire largement communiqué à tous les acteurs, à l’étendre aux fabricants de boîtes, par l’action du SNFBM, et à tenter de rallier la grande distribution par l’intermédiaire de la Fédération du Commerce et de la Distribution (ci-après « FCD »). Invoquant la conformité au droit de la consommation de la stratégie commune décidée, les différents organismes professionnels mis en cause ont, en outre, instauré une véritable surveillance des comportements déviants de l’entente en intervenant auprès de plusieurs acteurs ayant fait le choix de communiquer sur l’absence de BPA dans leurs produits. Ces organismes ont, enfin, mis en œuvre des pratiques visant à refuser la livraison de boîtes sans BPA avant la date du 1er janvier 2015 et à refuser d’arrêter de commercialiser des conserves avec BPA après cette date, alors pourtant que la grande distribution formulait des demandes en ce sens.
L’Autorité considère que, eu égard à leur nature, à leur finalité et au contexte dans lequel elles s’inscrivaient, ces pratiques étaient, par leur objet même, anticoncurrentielles.
Les justifications alléguées par les mises en cause, relatives au risque de déstabilisation de la filière ou au risque d’infractions au code de la consommation, n’ont pas permis d’exonérer ces pratiques.
L’Autorité estime que cette pratique est très grave, car elle a privé les consommateurs de la faculté de choisir des produits sans BPA, à une époque où de tels produits étaient disponibles, alors que cette substance était, à l’époque, considérée comme dangereuse pour la santé.
L’analyse du dossier n’a, en revanche, pas permis d’établir, s’agissant du grief n° 1, l’existence d’une concertation visant à accélérer la commercialisation des boîtes sans BPA dès 2013, dont l’objectif aurait été d’éviter d’avoir à apposer un avertissement sanitaire sur les risques que présentait le BPA et à réduire les dates limites d'utilisation optimale des produits contenant du BPA. En outre, il n’est pas établi que les parties mises en cause auraient collectivement décidé de limiter l’information concernant la composition des vernis employés en substitution de ceux contenant du BPA (grief n° 2). L’Autorité prononce donc un non-lieu à l’encontre d’une partie des pratiques relevant du premier grief et de l’intégralité du second grief.
La participation individuelle de membres des organismes professionnels
Un certain nombre de remplisseurs et de fabricants de boîtes ont participé à titre individuel à la pratique syndicale. Il s’agit d’Andros, Bonduelle, Charles et Alice, Cofigeo, Conserves France, D’Aucy, General Mills, et Unilever (conserveurs) ainsi que Ardagh, Crown et Massilly (fournisseurs de boîtes).
La mise hors de cause de plusieurs organismes et entreprises
Après examen des éléments figurant au dossier, il a été constaté, en application de l’article L. 462-7 du code de commerce aux termes duquel « [l]a prescription est acquise lorsqu'un délai de dix ans à compter de la cessation de la pratique anticoncurrentielle s'est écoulé sans que l'Autorité de la concurrence ait statué sur celle-ci », que les pratiques étaient prescrites pour plusieurs entreprises. L’Autorité met donc hors de cause, l’Alliance 7, Ball, Bel, Boissons Rafraîchissantes de France, Brasseurs de France, Chancerelle, Danone, la Confédération des Industries de Traitement des Produits des Pêches Maritime et de l’aquaculture (ci-après « la CITPPM »), Carlsberg, Coca-Cola, Coca-Cola European Partners (ci-après « CCEP »), la FEDALIM, La Fédération nationale des coopératives laitières (ci-après « la FNCL »), Fleury Michon, Gendreau, Mom, Nestlé, PepsiCo, Suntory, Unijus et l’UPPIA.
L’Autorité met, en outre, hors de cause les distributeurs Carrefour, Leclerc, Les Mousquetaires et Système U, ainsi que leur fédération, la FCD, qui ont, au contraire, cherché à communiquer sur l’absence de BPA et à s’approvisionner en boîtes sans BPA avant le 1er janvier 2015 pour en faire profiter les consommateurs.
Par ailleurs, aucun élément du dossier n’établit que le Centre Technique de la Conservation des Produits Agricoles (CTCPA), établissement d’utilité publique qui exerce des missions de service public et dont le rôle est notamment de mener des recherches collectives, aurait joué un rôle de « facilitateur » des pratiques sanctionnées. L’Autorité le met donc également hors de cause.
La sanction de ces pratiques
S’écartant du communiqué sanctions, compte tenu notamment de l’hétérogénéité des entités mises en cause, l’Autorité a infligé les sanctions pécuniaires suivantes :
ADEPALE : 482 400 euros
ANIA : 2 700 000 euros
FIAC : 138 000 euros
SNFBM : 374 000 euros
Ardagh : 1 689 000 euros
Crown : 4 200 000 euros
Massilly : 1 513 000 euros
Andros : 1 000 euros
Bonduelle : 2 884 000 euros
Charles et Alice : 117 000 euros
Cofigeo : 566 000 euros
Conserves France : 130 000 euros
D'Aucy : 3 080 000 euros
General Mills : 298 000 euros
Unilever : 1 381 000 euros
Total : 19 553 400 euros
Origine de la saisine | Autosaisine |
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Entreprise(s) concernée(s) |
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