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25-A-01
relatif aux systèmes de notation visant à informer les consommateurs sur les caractéristiques liées au développement durable des produits et des services de consommation
AvisMise en ligne le : 09 janvier 2025
relatif à une demande d’avis de la commission des affaires économiques du Sénat dans le secteur de l’agroéquipement
Le texte intégral
PDF - 902.28 Ko - 18/12/2025
Le communiqué de presse
De nombreux élus ayant appelé son attention sur « la part croissante des charges de mécanisation parmi les coûts de production des exploitations agricoles », la commission des affaires économiques du Sénat a saisi l’Autorité de la concurrence (ci-après, « l’Autorité ») d’une demande d’avis sur le fonctionnement concurrentiel du secteur de l’agroéquipement, sur le fondement de l’article L. 462-1 du code de commerce.
Le secteur de l’agroéquipement englobe une grande variété de matériels, utilisés pour les travaux agricoles mais également pour l’entretien des espaces verts. Cette grande diversité, à laquelle s’ajoute celle des systèmes de production et des pratiques agriculturales, rend difficile l’étude du secteur des agroéquipements dans sa globalité.
Toutefois, la quasi-totalité des exploitants agricoles possèdent au moins un tracteur. Par ailleurs, les tracteurs représentaient en 2022 environ 40 % du chiffre d’affaires du secteur de l’agroéquipement et constituent une part importante des coûts de production des exploitations agricoles françaises, la traction figurant comme le premier poste de dépense parmi les charges de mécanisation et ces dernières représentant environ un quart des charges d’exploitation des agriculteurs. Enfin, les tracteurs représentent en valeur la principale famille d’agroéquipements produite en France.
Dès lors, l’Autorité a estimé pertinent de concentrer son analyse sur les tracteurs.
À titre liminaire, l’Autorité partage le constat de la commission des affaires économiques du Sénat de hausse importante du prix des tracteurs depuis 2020. Si cette hausse s’est inscrite dans un contexte général inflationniste, elle est également susceptible de résulter d’autres facteurs propres au secteur, tels que les besoins croissants des exploitants agricoles (notamment en termes de puissance des tracteurs et de services connectés) et l’application de nouvelles normes.
L’Autorité s’est par ailleurs attachée à examiner le fonctionnement concurrentiel du secteur des tracteurs, afin de déterminer si d’éventuels facteurs étaient de nature à en limiter l’intensité concurrentielle.
L’Autorité relève, tout d’abord, que les marchés amont de la production et de la commercialisation de tracteurs présentent une structure oligopolistique, avec une concentration marquée autour de quatre principaux acteurs (AGCO, John Deere, CNH et CLAAS) qui totalisent ensemble près de 90 % des parts de marché. Ces marchés se caractérisent également par de fortes barrières à l’entrée, liées notamment à l’importance des investissements nécessaires.
De plus, ces marchés sont relativement transparents en raison de la mise à disposition par l’Agence nationale des titres sécurisés d’informations relatives aux immatriculations des tracteurs, qui peuvent ensuite être reprises par différents opérateurs tiers pour fournir des statistiques aux constructeurs ou aux opérateurs actifs sur le marché aval de la distribution. À ce titre, l’Autorité rappelle dans son avis les règles applicables aux échanges d’informations commercialement sensibles, notamment lorsqu’ils portent sur des données passées.
S’agissant, par ailleurs, des marchés aval de la distribution et de la réparation de tracteurs, l’Autorité relève que ces marchés se caractérisent par une forte exigence de proximité entre le client et son concessionnaire, ce dernier assurant généralement le service après-vente.
Ce résumé a un caractère strictement informatif. Seuls font foi les motifs de l’avis numérotés ci-après.
Par ailleurs, la distribution des tracteurs est organisée par les constructeurs via un réseau de concessions généralement exclusives : le distributeur est le seul à pouvoir vendre des tracteurs d’une marque donnée dans une zone définie par le contrat de concession, de sorte que la concurrence intra-marque est fortement limitée (circonscrite aux ventes passives, dont les ventes en ligne).
S’agissant plus particulièrement du marché de la distribution, qui est de dimension locale, bien que les réseaux de distribution des constructeurs couvrent une très grande partie du territoire hexagonal, certaines zones peuvent néanmoins rester insuffisamment couvertes, avec potentiellement, dans certaines zones locales, un nombre d’opérateurs limité, voire réduit à un seul. De plus, ce marché se caractérise par d’importantes barrières à l’entrée (nécessité pour un opérateur de conclure un contrat de concession, de disposer d’importantes capacités financières pour l’achat ou la location d’entrepôt et de recruter des techniciens qualifiés notamment). Compte tenu de ces éléments, il ne peut être exclu que des opérateurs détiennent une position dominante dans certaines zones locales. L’Autorité estime donc nécessaire de rappeler la responsabilité particulière qui incombe à un opérateur en position dominante et précise notamment que l’opérateur doit veiller à ne pas entraver le fonctionnement concurrentiel du marché, par exemple en s’abstenant de favoriser les membres de son réseau de distribution pour l’accès aux intrants nécessaires aux opérations d’entretien et de réparation.
S’agissant du marché de l’entretien et de la réparation de tracteurs, qui est de dimension locale ou nationale, l’Autorité relève que la concurrence y est encore plus limitée. La concurrence des réparateurs tiers ou des concessionnaires d’une autre marque est susceptible d’être freinée par différents avantages concurrentiels dont bénéficient les concessionnaires agréés. Ces derniers ont en effet directement accès aux pièces d’origine, aux logiciels techniques, aux outils de diagnostic ainsi qu’aux manuels d’entretien propres à la marque concédée et leurs personnels sont spécifiquement formés pour réparer les tracteurs de cette marque. Les clients ont ainsi tendance à se tourner vers le concessionnaire agréé de la marque concernée. Or, ce dernier bénéficie généralement d’une exclusivité territoriale, de sorte que les possibilités des clients d’arbitrer entre différents membres du réseau considéré sont très limitées.
L’Autorité considère ainsi qu’il existe certaines limites à la concurrence inter-marques sur les marchés aval de la distribution et de l’entretien-réparation. Ces dernières pourraient être en partie compensées par une concurrence intra-marque proposant une offre plus variée aux clients en complétant l’offre inter-marques. Dans ce cadre, l’Autorité a analysé de manière plus approfondie les relations entre les constructeurs et les concessionnaires, à la fois sous l’angle du droit des ententes et de la dépendance économique.
Concernant en premier lieu le droit des ententes, l’Autorité relève que diverses clauses des contrats de concession sont susceptibles de restreindre la concurrence intra-marque, déjà très limitée compte tenu de l’existence de clauses d’exclusivité territoriale. En effet, certaines clauses imposent aux concessionnaires une obligation d’achat exclusif auprès du fournisseur. D’autres limitent la possibilité pour le concessionnaire de prendre des participations dans des entreprises commercialisant des marques concurrentes. En outre, concernant les ventes en dehors du territoire contractuel, bien que les contrats n’interdisent pas formellement les ventes passives, celles-ci sont susceptibles d’être restreintes par certaines mesures indirectes, telles que notamment le signalement des ventes passives au distributeur de la zone concernée, ou l’absence de prise en compte des ventes passives dans le montant des remises accordées à un concessionnaire.
L’Autorité estime, d’une part, que ces différentes pratiques, si elles étaient avérées, pourraient être de nature à entraver le fonctionnement concurrentiel du marché aval de la distribution de tracteurs et, d’autre part, qu’il ne peut être exclu que la multiplication des obligations d’exclusivité à la charge de certains distributeurs soit susceptible d’entraîner un effet cumulatif, qui pourrait limiter la concurrence.
L’Autorité invite ainsi les constructeurs à clarifier certaines clauses et à informer leurs distributeurs de l’étendue de leurs droits et obligations, notamment en matière de vente passive.
Concernant en second lieu l’éventuelle dépendance économique des concessionnaires à l’égard des constructeurs, l’Autorité relève que la combinaison des différents mécanismes contractuels et organisationnels est susceptible de soulever des interrogations quant à l’indépendance économique effective des distributeurs vis-à-vis de leur fournisseur.
En effet, les obligations de monomarquisme, combinées à l’exclusivité d’approvisionnement, contribuent à restreindre de manière significative les possibilités de diversification des distributeurs vis-à-vis du constructeur auquel ils sont contractuellement liés. Certains constructeurs sont aussi susceptibles d’imposer à leurs distributeurs de commercialiser une gamme étendue, ce qui contribue également à restreindre leurs possibilités de diversification en verrouillant toute une partie de l’offre. En outre, les clauses contractuelles sont issues de contrats-type dont il n’est pas démontré que leur portée puisse être négociée par les distributeurs. Enfin, ces obligations rendent d’autant moins probables les solutions de substitution pour les distributeurs qu’elles sont mises en œuvre par la plupart des constructeurs interrogés.
De plus, plusieurs constructeurs prévoient des obligations qui, en restreignant la capacité de leurs distributeurs à se diversifier, sont susceptibles de renforcer leur dépendance économique, qu’il s’agisse des clauses de non-participation ou encore des obligations de référencement.
L’Autorité invite donc les constructeurs à être particulièrement vigilants et à ne pas mettre en œuvre d’obligations qui seraient susceptibles de renforcer un éventuel état de dépendance économique de leurs concessionnaires. Sans que cela soit exhaustif, les constructeurs pourraient par exemple supprimer les clauses de non-participation, ou à tout le moins réduire leur champ le plus strictement possible, en limitant leur durée et en les subordonnant à des justifications explicites et objectives. Ils pourraient également veiller à ce que les obligations relatives au référencement par le distributeur de produits autres que les tracteurs ne soient pas utilisées pour inciter ce dernier, de manière directe ou indirecte, à référencer une gamme de produits complémentaires.
| Origine de la saisine | saisine de la commission des affaires économiques du Sénat |
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| Fondement juridique |