Résumé
- Le 19 décembre 2024, le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie a saisi l’Autorité de la concurrence (ci‑après « l’Autorité ») d’une demande d’avis concernant la constitution d’un groupement de co‑réassurance des risques climatiques en agriculture, le GIE France Agriclimat.
- Cette demande d’avis intervient à la suite de deux avis rendus par l’Autorité en matière d’assurance multirisque climatique (à savoir, les avis n° 21‑A‑16[1] et n° 22‑A‑06[2]), dont le dernier portait précisément sur l’impact de la création d’un groupement de co‑réassurance (ci‑après « l’avis de 2022 »). Elle s’inscrit dans le cadre fixé aux articles L. 442‑1‑2, III et D. 443‑4 du code des assurances, qui prévoient que l’agrément de la convention de constitution d’un tel groupement ne peut être accordé qu’après l’avis de l’Autorité et, plus particulièrement, « qu’en cas d’avis favorable de l’Autorité ou, à défaut, que si des modifications à la convention ont été faites pour répondre aux réserves émises par l’Autorité ».
- Le groupement envisagé, dont la création est prévue par une loi et une ordonnance de 2022 portant sur la gestion des risques climatiques en agriculture[3], présente les mêmes caractéristiques que celui présenté dans l’avis de 2022. Il s’agit d’un groupement de co‑réassurance à adhésion obligatoire pour l’ensemble des assureurs distribuant des produits d’assurance multirisque climatique des récoltes (ci‑après « MRC ») subventionnée, dont les deux missions sont, d’une part, la mutualisation de 65 % des risques assurés et, d’autre part, l’exploitation et le retraitement des données de sinistralité. L’Autorité avait émis un avis favorable sur le projet présenté en 2022, sous différentes réserves.
- Dans la mesure où, d’une part, le principe de la création d’un groupement de co‑réassurance est prévu par des textes législatifs et réglementaires et, d’autre part, l’Autorité a déjà mené en 2022 une analyse étayée concernant l’impact de la création d’un groupement de co‑réassurance, l’examen poursuivi dans le présent avis se concentre sur les modalités de fonctionnement du groupement, au regard notamment des réserves que l’Autorité avait émises dans l’avis de 2022.
- L’Autorité a ainsi examiné :
- d’une part, les conditions d’accès au groupement, afin de s’assurer de l’existence de règles d’accès et de fonctionnement qui ne seraient pas de nature à favoriser ou à exclure certains opérateurs, l’adhésion au GIE France Agriclimat étant obligatoire pour qu’un opérateur puisse distribuer des produits d’assurance MRC subventionnée ; et,
- d’autre part, les modalités d’échanges d’informations au sein du groupement, afin de s’assurer que ces échanges entre concurrents ne portent que sur des informations strictement nécessaires au fonctionnement du groupement et non sur des informations commercialement sensibles.
- L’Autorité rend un avis favorable sous différentes réserves dont les principales sont présentées ci-dessous.
- S’agissant des conditions d’accès et de fonctionnement du groupement, l’analyse de l’Autorité s’articule autour de trois points : les nouveaux adhérents, les modalités de répartition des votes et les conditions de dissolution du groupement.
- Sur le premier point, l’Autorité a notamment relevé que la nécessité pour un nouvel adhérent de représenter au moins 2 % des primes techniques du groupement pour pouvoir candidater au conseil d’administration n’était pas justifiée et pouvait créer une discrimination entre les adhérents fondateurs, qui sont membres de droit du conseil d’administration, et les nouveaux adhérents.
- Sur le deuxième point, elle a estimé que les modalités d’évolution des droits de vote au sein du conseil d’administration et de l’assemblée générale, dans l’hypothèse où les deux principaux adhérents représenteraient ensemble moins de 50 % des primes techniques du groupement, étaient susceptibles de conférer un poids important au principal adhérent pouvant remettre en cause l’équilibre de fonctionnement du groupement. En outre, elle a considéré qu’il était essentiel que des représentants de l’État soient conviés en tant qu’invités permanents sans droit de vote au conseil d’administration du groupement, cet organe prenant des décisions importantes affectant la totalité du marché de la distribution d’assurance MRC subventionnée et étant un lieu d’échanges réguliers entre ses différents membres qui sont en concurrence sur ce marché.
- Sur le troisième point, l’Autorité a notamment souligné qu’il était primordial qu’un bilan du groupement soit réalisé par le Gouvernement en se fondant sur des indicateurs précis à l’issue d’une période de quatre ans et qu’un bilan intermédiaire soit dressé à l’issue d’une période de deux ans. Par ailleurs, elle a estimé que le fait que le bilan établisse une absence de gains d’efficience ou que les restrictions de concurrence n’apparaissent plus nécessaires devrait suffire à lui conférer un caractère négatif et à entraîner sa dissolution.
- S’agissant des échanges d’informations, l’Autorité a notamment examiné les modalités de collecte et de restitution des données.
- D’une part, elle a relevé que, compte tenu de la sensibilité des données collectées et afin de limiter tout risque du point de vue du droit de la concurrence, il conviendrait de faire intervenir un tiers de confiance pour l’ensemble des tâches où cela est possible.
- D’autre part, elle a rappelé que les modalités de restitution des données retraitées et la diffusion des analyses de sinistralité devront être prévues en amont de la constitution du groupement afin de s’assurer de leur conformité avec le droit de la concurrence. En particulier, elle a indiqué qu’il conviendra de vérifier que des règles concrètes d’agrégation et d’anonymisation ont été définies pour éviter tout risque de ré‑identification des données individuelles des adhérents, notamment dans les zones géographiques, cultures ou types de périls où très peu d’acteurs sont actifs.
[1] Avis de l’Autorité n° 21‑A‑16 du 22 novembre 2021 portant sur trois dispositifs de coopération horizontale entre assureurs en matière d’assurance multirisques climatiques.
[2] Avis de l’Autorité n° 22‑A‑06 du 25 juillet 2022 concernant un projet d’ordonnance portant développement des outils de gestion des risques climatiques en agriculture.
[3] À cet égard, voir les limites du périmètre de l’analyse conduite par l’Autorité, telles que précisées au paragraphe 83 et à la note n° 9 ci‑dessous.