L'Autorité rend un avis favorable, assorti de plusieurs réserves, sur les modalités de fonctionnement du GIE « France Agriclimat »

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L'essentiel

L’Autorité de la concurrence a été saisie par le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, concernant la constitution d’un groupement de co‑réassurance des risques climatiques en agriculture, le GIE « France Agriclimat ».

La loi prévoit, en effet, que l’agrément de la convention de constitution d’un tel groupement ne peut être accordé qu’après l’avis de l’Autorité et, en particulier, « qu’en cas d’avis favorable de l’Autorité ou, à défaut, que si des modifications à la convention ont été faites pour répondre aux réserves émises par l’Autorité ».

France Agriclimat est un groupement de co‑réassurance à adhésion obligatoire pour l’ensemble des assureurs distribuant des produits d’assurance multirisque climatique des récoltes subventionnés, dont les deux missions sont, d’une part, la mutualisation de 65 % des risques assurés et, d’autre part, l’exploitation et le retraitement des données de sinistralité.

L’Autorité émet aujourd’hui un avis favorable, assorti de plusieurs réserves, notamment concernant les conditions d’accès et de fonctionnement du groupement ainsi que les modalités d’échanges d’informations au sein de celui‑ci.

Le projet de groupement soumis à l’avis de l’Autorité

  • Les avis de 2021 et de 2022

C’est la troisième fois que l’Autorité a l’occasion de se prononcer dans le secteur de l’assurance multirisque climatique des récoltes (MRC) en France. Dans son avis 21‑A‑16, l’Autorité était interrogée sur plusieurs dispositifs visant à promouvoir une meilleure mutualisation des risques entre assureurs et à permettre à ces derniers de mieux connaître ces différents risques pour éviter une attrition de l’offre d’assurance MRC qui pèserait sur les agriculteurs.

Puis, en 2022, le ministre de l’économie avait interrogé l’Autorité sur les dispositions d’un projet d’ordonnance relatives à la constitution d’un groupement de co‑réassurance dans le secteur de l’assurance MRC. Dans son avis 22‑A‑06, l’Autorité avait émis un avis favorable sous différentes réserves, telles que l’apport de précisions sur le niveau de granularité retenu pour la diffusion des analyses de sinistralité, un encadrement strict des procédures d’exclusion du groupement et la réalisation d’un bilan d’évaluation du groupement au terme d’un délai raisonnable.

  • Le présent projet de groupement

Le groupement envisagé, dénommé France Agriclimat, présente les mêmes caractéristiques que celles examinées dans l’avis de 2022 puisqu’il s’agit d’un groupement de co‑réassurance à adhésion obligatoire pour l’ensemble des assureurs distribuant des produits d’assurance MRC subventionnée et dont les missions sont, d’une part, la mutualisation de 65 % des risques assurés et, d’autre part, l’exploitation et le retraitement des données de sinistralité. Dès lors, l’avis se concentre sur les modalités de fonctionnement du groupement, au regard notamment des réserves que l’Autorité avait émises dans l’avis de 2022.

La participation de chaque adhérent dans le groupement dépendra de la part que représente sa prime sur l’ensemble des primes techniques. Elle permettra notamment de déterminer les droits de vote de chaque adhérent au sein des instances du groupement. Cette prime, corrigée d’un coefficient de surveillance individuelle (CSI), permettra également de calculer l’engagement financier de chaque adhérent dans le groupement.

Au moment de sa création, le groupement réunit  Groupama, Pacifica, Abeille assurances, Crédit mutuel, Allianz, L’Étoile, Suisse Grêle et SI Insurance.

 

Les réserves émises par l’Autorité sur la gouvernance du groupement

Pour pouvoir distribuer des contrats d’assurance MRC, les assureurs devront obligatoirement adhérer au groupement France Agriclimat. Or, l’Autorité rappelle que les conditions d’adhésion à une association professionnelle peuvent porter atteinte à la libre concurrence si cette adhésion est une condition d’accès au marché ou si elle constitue un avantage concurrentiel et si ces conditions d’adhésion sont définies ou appliquées de façon non objective, non transparente ou discriminatoire.

  • Sur les conditions d’accès et d’exclusion au groupement

L’Autorité considère que les modalités d’accès et d’exclusion sont définies de façon objective, transparente et non discriminatoire, à condition que les ajouts et clarifications apportés au cours de l’instruction et lors de la séance soient intégrés dans la documentation finale du groupement.

  • Sur les conditions d’accès aux instances dirigeantes et les modalités de vote

Concernant les votes en assemblée générale, l’Autorité souhaite que soient modifiées les règles de vote afin de s’assurer qu’un adhérent ne puisse pas disposer de plus du tiers des voix en assemblée générale. Cette modification permettrait d’éviter qu’un adhérent puisse disposer d’un droit de véto sur les décisions prises en assemblée générale extraordinaire, dont certaines sont stratégiques pour le fonctionnement du groupement.

Concernant l’accès au conseil d’administration, l’Autorité constate que les adhérents candidats devront notamment représenter au moins 2 % des primes techniques avant CSI du groupement, seuil qui n’a aucune justification et qui ne s’applique pas aux adhérents fondateurs, membres de droit du conseil d’administration. Outre, la modification de cette règle, l’Autorité souhaite que les modalités de candidature des nouveaux membres soient plus explicitement mentionnées.

En outre, concernant l’exercice des droits de vote en conseil d’administration, l’Autorité souligne la nécessité que les droits de vote se limitent à un maximum de 25 % des voix pour éviter qu’un seul adhérent dispose d’une minorité de blocage. Enfin, l’Autorité souhaite que des représentants de l’État soient conviés lors des réunions du conseil d’administration du groupement en tant qu’invités permanents sans droit de vote.

  • Sur les modalités de surveillance du fonctionnement du groupement

Plus largement, concernant l’existence même du groupement, l’Autorité souligne l’importance que l’État réalise un bilan d’évaluation du groupement pour en vérifier les effets escomptés, compte tenu notamment des fortes réserves exprimées dans les réponses à la consultation publique et lors de la séance. L’Autorité propose la réalisation d’un bilan intermédiaire après deux ans de création puis un bilan définitif au bout de quatre ans, avant toute reconduction.

 

Les réserves émises par l’Autorité sur les informations échangées au sein du groupement

Les adhérents ont l’obligation de communiquer à France Agriclimat et à l’État, par l’intermédiaire d’un tiers indépendant, un certain nombre de données individuelles. Les parties devront limiter l’étendue des échanges d’informations à ce qui est requis par les dispositions applicables et prendre des mesures de précaution si des informations commercialement sensibles sont échangées.

  • Sur la collecte d’informations auprès des adhérents et leur traitement

L’Autorité relève que les données à collecter sont clairement définies et qualifiées de strictement nécessaires au fonctionnement du groupement dans le document relatif aux modalités de sécurisation des données. Elle constate toutefois des contradictions dans la documentation transmise quant au destinataire des données et à l’entité responsable du retraitement de ces données.

Compte tenu de la sensibilité des données collectées et afin de limiter tout risque du point de vue du droit de la concurrence, l’Autorité préconise l’intervention d’un tiers de confiance pour l’ensemble des tâches.

  • Sur la diffusion des informations retraitées

L’Autorité relève qu’à ce stade, les modalités de restitution des données et de diffusion des analyses de sinistralité n’ont pas encore été définies. Or, ces modalités devront être prévues en amont de la constitution du groupement afin de s’assurer de leur conformité avec le droit de la concurrence. En particulier, il conviendra de vérifier que des règles concrètes d’agrégation et d’anonymisation ont été définies pour éviter tout risque de ré‑identification des données individuelles des adhérents, notamment dans les zones géographiques, cultures ou périls où très peu d’acteurs sont actifs.

En outre, l’Autorité rappelle que les autres adhérents ne doivent pas recevoir d’éventuelles informations individuelles d’un adhérent, à l’exception des résultats agrégés d’analyses techniques (une fois ces derniers anonymisés).

 

Pour finir, l’Autorité souligne, d’une part, que tout comportement des assureurs qui excéderait le strict cadre imposé par la loi au dispositif retenu serait susceptible de se voir appliquer le droit des ententes et, d’autre part, qu’il ne peut être exclu que les effets de ladite loi puissent être contestés au regard du droit de l’Union.

L’Autorité émet un avis favorable sur la convention de groupement et ses annexes portant constitution du groupement de co‑réassurance France Agriclimat, sous les réserves suivantes :

1. préciser les modalités d’adhésion au groupement ;

2. clarifier la participation des nouveaux adhérents aux frais de constitution du groupement ;

3. exclure toute possibilité qu’un adhérent puisse détenir plus d’un tiers des voix en assemblée générale ;

4. préciser les modalités de candidature des nouveaux adhérents au conseil d’administration ;

5. réviser les critères de candidature des nouveaux adhérents au conseil d’administration, ainsi que les conditions de perte de la qualité d’administrateur, afin que ceux-ci ne créent pas de discrimination entre les membres fondateurs (membres de droit) et les nouveaux adhérents ;

6. exclure toute possibilité qu’un administrateur puisse détenir 30 % ou plus des voix en conseil d’administration ;

7. inviter des représentants de l’État de manière permanente au conseil d’administration du groupement ;

8. clarifier l’article 22 du contrat de groupement quant à l’auteur du bilan d’évaluation et aux conditions de dissolution du groupement en cas de bilan négatif ;

9. réviser l’article 22 dudit contrat quant à l’appréciation du caractère négatif du bilan ;

10. réaliser un bilan concurrentiel détaillé du groupement à l’issue de la période de quatre ans et un bilan intermédiaire à l’issue d’une période de deux ans après la création du groupement ;

11. préciser que seul le tiers de confiance est destinataire des données brutes des adhérents du groupement ;

12. faire intervenir un tiers de confiance pour l’ensemble des retraitements des données des adhérents du groupement ;

13. prévoir, en amont de la constitution du groupement, les modalités de restitution des données et de diffusion des analyses de sinistralité afin de s’assurer de leur conformité avec le droit de la concurrence ;

14. clarifier le fait que les seules informations diffusées par France Agriclimat aux adhérents seront des données agrégées et anonymisées.

Contact(s)

Maxence Lepinoy
Chargé de communication, responsable des relations avec les médias
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