L’Autorité de la concurrence (ci-après « l’Autorité ») émet un avis réservé sur le mécanisme d’équilibrage prévu par le projet d’arrêté modificatif relatif à la procédure d’agrément et portant cahier des charges des éco-organismes de la filière des emballages ménagers, soumis à son examen. Ce mécanisme instaure, entre les éco-organismes, une juste répartition de leurs obligations relatives à la reprise et au recyclage de certains flux, à due proportion de leur part de marché respective en amont. Le projet d’arrêté prévoit également que les modalités de mise en œuvre de ce mécanisme d’équilibrage seront définies par une convention conclue entre les éco-organismes, à l’exception des conditions servant de base au calcul du mécanisme d’équilibrage et des conditions de reprise de tonnages excédentaires, prévues par le projet d’arrêté. L’instauration de ce mécanisme s’intègre dans une réorganisation générale de la filière prévue par l’arrêté du 15 mars 2022, non soumis initialement à l’examen de l’Autorité, et en constitue la conséquence opérationnelle. Aussi, afin d’apprécier le bien-fondé de ce mécanisme, l’Autorité a examiné les conséquences sur la filière de l’exclusivité accordée aux éco-organismes pour la reprise de certains déchets d’emballages ménagers plastiques pour lequel elle émet un avis également réservé.
L’Autorité rappelle qu’afin d’apprécier l’impact concurrentiel d’une réglementation qui restreint la liberté d’entreprendre, il convient d’en vérifier, d’une part, le caractère justifié par un objectif d’intérêt général et d’autre part, le caractère nécessaire et proportionné à la réalisation de l’objectif en question.
L’objectif de l’exclusivité accordée aux éco-organismes pour la reprise de certains déchets consiste à parvenir rapidement à des résultats significatifs en termes de valorisation des déchets d’emballages ménagers plastiques par le développement d’une véritable filière industrielle du tri et du recyclage. Dans ces conditions, l’exclusivité apparaît à la fois nécessaire, en raison du pouvoir de structuration des investissements des éco-organismes, et proportionnée, en ce qu’elle ne concerne que certaines catégories de déchets encore non ou peu valorisables. L’Autorité relève, cependant, que l’application du dispositif devrait revêtir un caractère temporaire.
S’agissant du mécanisme d’équilibrage, la mesure, à la supposer nécessaire, ne paraît pas proportionnée en ce qu’elle conforte la part de marché très élevée du groupe Citeo dans un contexte de fortes barrières à l’entrée sur les marchés concernés. De surcroît, l’Autorité relève un risque de déséquilibre en faveur du groupe Citeo dans la mise en œuvre du mécanisme d’équilibrage résultant de la définition, par voie de convention entre les éco- organismes, des modalités de mise en œuvre et opérationnelles du mécanisme.
Par conséquent, l’Autorité recommande de modifier le projet d’arrêté soumis à son examen. D’abord, afin de limiter la durée de l’exclusivité, elle préconise d’examiner l’opportunité de son maintien sur la base d’un audit réalisé en 2025. Ensuite, afin de limiter les effets restrictifs de concurrence induits par le mécanisme d’équilibrage, l’Autorité recommande d’en limiter le bénéfice aux éco-organismes détenant une part de marché amont inférieure à 50 %, d’évaluer les effets du mécanisme sur le marché, d’habiliter l’ADEME à collecter et rendre disponibles des informations optimales, et, enfin, de faire contrôler la convention conclue entre les éco-organismes par un organisme indépendant.