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21-D-11
relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la publicité sur Internet
DécisionMise en ligne le : 07 juin 2021
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relative au respect des injonctions prononcées à l’encontre de Google dans la décision n° 20-MC-01 du 9 avril 2020
le texte intégral
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le communiqué de presse
Aux termes de la présente décision, l’Autorité de la concurrence (ci-après l’« Autorité ») sanctionne les sociétés Google LLC, Google Ireland Limited et Google France (ci-après « Google ») pour ne pas avoir respecté les mesures conservatoires qu’elle a prononcées dans le cadre de sa décision n° 20-MC-01 du 09 avril 2020 relative à des demandes de mesures conservatoires présentées par le Syndicat des éditeurs de la presse magazine, l'Alliance de la presse d'information générale e.a. et l’Agence France-Presse (ci-après la « Décision de mesures conservatoires »). Ces mesures conservatoires portent sur les modalités de mise en œuvre par Google de la Loi n° 2019-775 du 24 juillet 2019 tendant à créer un droit voisin au profit des agences et des éditeurs de presse (ci-après, la « Loi »).
La Loi, qui transpose en droit français l’article 15 de la directive n° 2019/790 du 17 avril 2019 sur le droit d’auteur et les droits voisins dans le marché unique numérique, a pour objectif de mettre en place les conditions d’une négociation équilibrée entre éditeurs, agences de presse et services de communication au public en ligne, afin de redéfinir le partage de la valeur entre ces acteurs. Or, au motif de se conformer à la Loi, Google a décidé unilatéralement qu’elle n’afficherait plus les extraits d’articles, les photographies et les vidéos au sein de ses différents services, sauf à ce que les éditeurs lui en donnent l’autorisation à titre gratuit. Dans la Décision de mesures conservatoires, l’Autorité a ainsi constaté que les pratiques en cause étaient susceptibles de constituer un abus de position dominante et qu’elles portaient une atteinte grave et immédiate au secteur de la presse. Elle a prononcé, dans la Décision de mesures conservatoires, sept injonctions en vue de rééquilibrer le rapport de force entre les différents acteurs de la presse et les plateformes numériques et définir un cadre de négociation impératif et adapté aux circonstances de l’espèce. Ces injonctions imposaient à Google les obligations suivantes :
Par un arrêt du 8 octobre 2020, la cour d’appel de Paris a confirmé cette décision, en précisant la formulation de l’injonction n° 5 par l’ajout des termes suivants :
« Cette injonction ne fait pas obstacle aux améliorations et innovations des services offerts par les sociétés Google LLC, Google Ireland Ltd et Google France, sous réserve qu’elles n’entraînent, directement ou indirectement, aucune conséquence préjudiciable aux intérêts des titulaires de droits voisins concernés par les négociations prévues par les articles 1 et 2 de la présente décision. ».
La présente décision intervient à la suite de la saisine, le 30 août 2020 et le 2 septembre 2020, de l’Autorité par le Syndicat des Éditeurs de la Presse Magazine (ci-après « le SEPM »), l'Alliance de la Presse d'Information Générale, le Syndicat de la Presse Quotidienne Nationale, le Syndicat de la Presse Quotidienne Régionale, le Syndicat de la Presse Quotidienne Départementale et le Syndicat de la Presse Hebdomadaire Régionale
(ci-après, conjointement, « l’APIG »), lesquels représentent les intérêts d’un très grand nombre d’éditeurs de presse publiant des titres de journaux et de magazines en France, et l’Agence France-Presse (ci-après « l’AFP ») (ci-après, conjointement, les « saisissantes ») pour inexécution par Google des mesures conservatoires prononcées dans la Décision.
Dans la présente décision, l’Autorité considère que Google n’a pas respecté les Injonctions n° 1, 2, 5 et 6 prononcées dans la Décision de mesures conservatoires.
L’Autorité estime que Google a manqué à son obligation de négociation de bonne foi avec les éditeurs et agences de presse ayant présenté une demande d’entrée en négociation au titre de la Décision de mesures conservatoires.
En particulier, l’Autorité relève que Google a entretenu, de manière constante, un lien entre les discussions portant sur la rémunération des droits voisins au titre des utilisations actuelles des contenus protégés par la Loi et la conclusion d’un nouveau partenariat global dénommé Publisher Curated News, ou PCN, lequel portait principalement sur de nouveaux services, notamment le service dénommé Showcase. Par ce partenariat, Google a cherché à obtenir une licence portant sur l’intégralité des contenus des éditeurs, dont les droits voisins au titre des utilisations actuelles des contenus protégés n’étaient, au mieux, qu’une composante accessoire, sans valorisation financière spécifique.
L’Autorité considère que Google a, en outre, réduit de façon significative le champ d'application de la Loi, pourtant dénué d'ambiguïté, en excluant le principe d'une rémunération des contenus de presse issus d’éditeurs ou agences de presse ne disposant pas d'une qualification « information politique et générale » (IPG) et en refusant aux agences de presse, pendant la quasi-totalité des négociations, le bénéfice d'une rémunération de leurs contenus repris par les éditeurs.
L’Autorité constate également que Google a retenu une conception excessivement restrictive de la notion de revenus tirés de l’affichage de contenus de presse au titre de l’article
L. 218-4 du CPI : Google n’a retenu, au titre de cette assiette, que les seuls revenus publicitaires (Google Ads) des pages de Google Search sur lesquelles s’affichent des contenus protégés, et a exclu la prise en compte de toute autre forme de revenus indirects générés par la présence de contenus protégés sur Google Search, ou sur d’autres services comme Google Actualités ou encore Discover. Or, la Décision, comme l’arrêt de la cour d’appel, ont relevé que l’affichage de contenus protégés sur les différents services de Google contribuait à l’attractivité de ses services et à leur amélioration, et pouvait notamment procurer des avantages en termes de déclenchement des visites des internautes et d’allongement des durées de consultation, ce qui induit l’accès pour Google à des données qui peuvent ensuite être utilisées et valorisées.
L’Injonction 2 devait garantir l'effet utile de l'Injonction 1, en permettant aux éditeurs et agences de presse entrant en négociation de disposer des éléments nécessaires à une évaluation transparente de la rémunération due.
L’Autorité constate que les communications d’informations par Google ont été soit partielles, s’agissant du périmètre des services et des revenus de Google, soit tardives par rapport à l’échéance des négociations, soit non spécifiques aux contenus protégés de l’entité à laquelle la communication était adressée. Ces communications étaient insuffisantes pour permettre à l’éditeur ou à l’agence de presse de faire le lien entre l’utilisation par Google de contenus protégés, les revenus qu’elle en tire, et sa proposition financière.
L’Autorité constate que les données communiquées par Google pendant la plus grande partie de la période de négociations se sont limitées au seul service de moteur de recherche en ligne Google Search, à l’exclusion des autres services de Google et de tout autre revenu indirect que Google tire de l’exploitation de ces contenus, ce qui illustre la conception excessivement restrictive retenue par Google de la notion de revenus tirés de l’affichage de contenus de presse.
L’Autorité relève en outre que, dès le début des négociations et tout au long de celles-ci, Google avait pourtant reçu des demandes de communication d’informations qu’elle a choisi d’ignorer, alors même qu’elles étaient pertinentes et conformes aux prescriptions des dispositions législatives applicables et de la Décision de mesures conservatoires.
Google, pendant la quasi-totalité de la période de négociation, a conditionné l’accès au programme de partenariat global Showcase à l’acceptation par les éditeurs et agences de presse d’une rémunération globale, sans rémunération spécifique au titre de l’utilisation actuelle de contenus protégés au titre des droits voisins, en violation de l’Injonction n°1 ainsi qu’il a été dit ci-dessus. Or, l’Autorité constate que l’accès au programme Showcase emportait des conséquences significatives en termes de visibilité pour les éditeurs et agences de presse. Le mécanisme mis en place par Google était ainsi de nature à inciter fortement ces derniers à accepter les conditions imposées par Google sous peine de voir leurs conditions de visibilité se dégrader à l’égard des autres éditeurs et agences de presse ayant accepté de participer à ce programme.
L’Autorité précise que, s’il était loisible à Google de proposer de nouveaux partenariats, tels que Showcase ou Subscribe With Google (SwG), aux éditeurs et agences de presse, il lui appartenait de permettre à ces derniers de négocier une rémunération distincte portant sur les utilisations actuelles des contenus protégés.
L’Autorité constate qu’en établissant un lien entre les négociations sur la rémunération des droits voisins au titre des utilisations actuelles et celles sur la rémunération de nouveaux partenariats tels que Showcase, ce qui pouvait emporter des conséquences importantes sur la visibilité des éditeurs et agences de presse sur les services de Google, cette dernière a violé l’obligation de neutralité des négociations sur la présentation des contenus protégés sur ses services.
***
Au vu de ce qui précède, l’Autorité considère que Google n’a pas respecté, tant au regard de leur lettre que de leur objet, les Injonctions n° 1, 2, 5 et 6 dans le cadre temporel fixé par les Injonctions. Les négociations intervenues postérieurement au délai de trois mois fixé par les Injonctions ne conduisent pas à revenir sur ce constat.
L’Autorité relève l’exceptionnelle gravité d’un tel manquement, en particulier au regard de la stratégie délibérée, élaborée et systématique de non-respect de l’Injonction 1 mise en œuvre par Google. Elle considère que le comportement de Google a porté atteinte à l’objectif poursuivi par la Décision, découlant de la Loi, de permettre aux éditeurs et agences de presse de négocier avec Google dans un cadre équilibré en vue de définir tant les modalités d’une reprise et d’un affichage de leurs contenus que les rémunérations pouvant y être associées. L’Autorité note que l’établissement de liens entre la rémunération des droits voisins au titre des utilisations actuelles des contenus protégés et la participation à des nouveaux services de Google constitue un détournement de l’objectif des Injonctions au profit de Google, qui est susceptible d’accroître encore davantage sa position dominante sur le marché des services de recherche généraliste.
L’Autorité estime qu’il y a lieu de prononcer une sanction de 500 millions d’euros.
Pour assurer la pleine exécution des injonctions prononcées dans la Décision de mesures conservatoires, l’Autorité enjoint Google :
Pour assurer l’exécution efficace de ces injonctions, il est infligé une astreinte de
300 000 euros par jour de retard à l’expiration du délai de deux mois courant à compter de la demande formelle de réouverture des négociations formulée, le cas échéant, par chacune des saisissantes. Ainsi, cette astreinte sera appréciée séparément pour chaque processus de négociation qui serait rouvert par chacune des saisissantes, après la notification de la présente décision.
Google devra également justifier du respect de la présente décision dans le cadre des rapports mensuels de suivi transmis en application de l’Injonction n° 7 de la Décision de mesures conservatoires.
L’Autorité rappelle que Google reste tenue au respect des Injonctions telles que validées par la cour d’appel de Paris dans son arrêt du 8 octobre 2020 jusqu’à la publication par l’Autorité de la décision au fond. Le respect de ces Injonctions demeure ainsi soumis au contrôle de l’Autorité de la concurrence, qui peut être saisie à nouveau par tout éditeur ou agence de presse conformément à l’article L. 464-3 du code de commerce, jusqu’à la date à laquelle l’Autorité rendra sa décision sur le fond.
Origine de la saisine | Syndicat des éditeurs de presse magazine (SEPM), Alliance de Presse d'information Générale (APIG), Agence France Presse (AFP) |
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Dispositif(s) |
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Fondement juridique |
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Entreprise(s) concernée(s) |
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20-MC-01 (French version)
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