Rémunération des droits voisins : l’Autorité sanctionne Google à hauteur de 500 millions d’euros pour le non-respect de plusieurs injonctions

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Rémunération des droits voisins des éditeurs et agences de presse : l’Autorité sanctionne Google à hauteur de 500 millions d’euros pour le non-respect de plusieurs injonctions prononcées à son encontre en avril 2020.

Elle lui ordonne, par ailleurs, de se conformer aux injonctions 1 et 2 prononcées par sa décision initiale, sous peine d’astreintes journalières.

L'essentiel

Dans une décision rendue publique ce jour, l’Autorité inflige à Google une sanction de 500 millions d’euros pour avoir méconnu plusieurs injonctions prononcées dans le cadre de sa décision de mesures conservatoires d’avril 2020 (décision n° 20-MC-01 du 9 avril 2020 relative à des demandes de mesures conservatoires présentées par le Syndicat des éditeurs de la presse magazine, l'Alliance de la presse d'information générale e.a. et l’Agence France-Presse).

L’Autorité ordonne, par ailleurs, à Google de présenter une offre de rémunération pour les utilisations actuelles de leurs contenus protégés aux éditeurs et agences de presse ayant saisi l’Autorité et de leur communiquer les informations nécessaires à l’évaluation d’une telle offre, sous peine de se voir infliger des astreintes pouvant atteindre 900 000 euros par jour de retard, si Google n’y a pas procédé dans un délai de deux  mois.

La Présidente de l’Autorité, Isabelle de Silva a déclaré à propos de la décision de ce jour :

« Lorsque l’Autorité impose des injonctions aux entreprises, celles-ci sont tenues de les appliquer scrupuleusement, en respectant leur lettre et leur esprit. Au cas d’espèce, tel n’a malheureusement pas été le cas.

Au terme d’une instruction approfondie, l’Autorité a constaté que Google n’avait pas respecté plusieurs injonctions formulées en avril 2020. Tout d’abord, la négociation de Google avec les éditeurs et agences de presse ne peut être regardée comme ayant été menée de bonne foi, alors que Google a imposé que les discussions se situent nécessairement dans le cadre d’un nouveau partenariat, dénommé Publisher Curated News, qui incluait un nouveau service dénommé Showcase. Ce faisant, Google a refusé, comme cela lui a été pourtant demandé à plusieurs reprises, d’avoir une discussion spécifique sur la rémunération due au titre des utilisations actuelles des contenus protégés par les droits voisins. En outre, Google a restreint sans justification le champ de la négociation, en refusant d’y intégrer les contenus des agences de presse repris par des publications (images par exemple) et en écartant l’ensemble de la presse non IPG de la discussion, alors même qu’elle est incontestablement concernée par la loi nouvelle, et que ses contenus sont en outre associés à des revenus significatifs pour Google. Ces manquements ont été aggravés par la non transmission des informations qui auraient permis une négociation équitable, et par la violation des obligations visant à assurer la neutralité de la négociation vis-à-vis de l’affichage des contenus protégés et des relations économiques existant par ailleurs entre Google et les éditeurs et agences de presse.

La sanction de 500 millions d’euros tient compte de l’exceptionnelle gravité des manquements constatés et de ce que le comportement de Google a conduit à différer encore la bonne application de la loi sur les droits voisins, qui visait à une meilleure prise en compte de la valeur des contenus des éditeurs et agences de presse repris sur les plateformes. L’Autorité sera extrêmement vigilante sur la bonne application de sa décision, une non-exécution pouvant désormais déboucher sur des astreintes. »

Infographie

Plusieurs éditeurs et agences de presse ont saisi l’Autorité, invoquant le non-respect, de la part de Google, des mesures conservatoires prononcées par l’Autorité en avril 2020

Le Syndicat des éditeurs de presse magazine (SEPM), l'Alliance de Presse d'information Générale (APIG) et l'Agence France Presse (AFP) ont saisi, respectivement fin août/début septembre 2020, l’Autorité de la concurrence du non-respect des injonctions prononcées par l'Autorité de la concurrence à l’encontre de Google dans sa décision 20-MC-01 du 9 avril 2020 (voir communiqué de presse du 9 avril 2020).

Pour mémoire, dans sa décision de mesures d’urgence 20-MC-01, l'Autorité avait constaté qu’à la suite de l’adoption de la n° 2019-775 du 24 juillet 2019 tendant à créer un droit voisin au profit des agences et des éditeurs de presse, transposant la directive n° 2019/790 du 17 avril 2019 sur le droit d’auteur et les droits voisins dans le marché unique numérique, Google avait unilatéralement décidé qu’elle n’afficherait plus les extraits d’articles, les photographies et les vidéos au sein de ses différents services, sauf à ce que les éditeurs lui en donnent l’autorisation à titre gratuit. L’Autorité avait considéré que ce comportement était susceptible de constituer un abus de position dominante et qu’il portait une atteinte grave et immédiate au secteur de la presse. Elle avait prononcé, dans l'attente d'une décision au fond, sept injonctions à l'égard de Google. Cette décision a été confirmée par la cour d’appel de Paris dans un arrêt du 8 octobre 2020, et est devenue définitive (Google n’ayant pas formé de pourvoi en cassation).

En particulier, il avait été enjoint à Google :

-  d’entrer en négociation de bonne foi avec les éditeurs et agences de presse qui le désirent (Injonction n° 1) pendant une période de trois mois à compter de la demande de l’éditeur ou de l’agence de presse (Injonction n° 4) ;

-  de communiquer les informations nécessaires à l’évaluation transparente de la rémunération prévues à l’article L. 218-4 du code de la propriété intellectuelle (le « CPI ») (Injonction n° 2) ;

- de veiller à respecter un principe de stricte neutralité au cours des négociations, afin de ne pas affecter l'indexation, le classement et la présentation des contenus protégés repris par Google sur ces services (injonction 5) ; la décision indiquait à cet égard que : « Il s’agit ainsi d’éviter que les éditeurs ne puissent subir des conséquences défavorables sur les conditions habituelles d’affichage, d’indexation et de classement de leurs contenus sur Google, du fait ou en liaison avec les négociations en cours ». La cour d’appel de Paris dans son arrêt du 8 octobre 2020 a précisé la portée de l’injonction n° 5, en indiquant que : «  Cette injonction ne fait pas obstacle aux améliorations et innovations des services offerts par les sociétés Google LLC, Google Ireland Ltd et Google France, sous réserve qu’elles n’entraînent, directement ou indirectement, aucune conséquence préjudiciable aux intérêts des titulaires de droits voisins concernés par les négociations prévues par les articles 1 et 2 de la présente décision » ;

- de veiller à respecter un principe de stricte neutralité des négociations sur toute autre relation économique qui existerait entre Google et les éditeurs et agences de presse (injonction 6) ; la décision précisait à cet égard que : « Il s’agit ainsi d’éviter que Google vide de leurs effets les négociations sur les droits voisins en compensant sur d’autres activités les rémunérations versées aux éditeurs au titre des droits voisins. Il s’agit aussi d’éviter que Google ne se serve de sa position dominante sur le marché des services de recherche généraliste pour imposer, au cours des négociations avec les éditeurs et les agences de presse, le recours à certains de ses services » ;

- d’envoyer à l’Autorité des rapports réguliers sur les modalités de mise en œuvre de la décision (Injonction n° 7).

 

Les injonctions non respectées par Google

L’Autorité s’est appuyée, pour prendre sa décision, sur une instruction contradictoire approfondie qui l’a conduite à prendre en considération un grand nombre de pièces produites par les parties relatives au déroulement des négociations (emails, comptes rendus de réunions, etc.). Les observations produites lors de la procédure menée devant l’Autorité au titre du respect des mesures conservatoires, les déclarations et pièces recueillies auprès d’éditeurs ou agences de presse tiers, et enfin les échanges tenus devant le collège lors de la séance du 5 mai 2021 ont conduit l’Autorité à estimer que Google a méconnu, à plusieurs titres, plusieurs injonctions de la décision et notamment, l’injonction 1, la plus importante, relative à l’obligation de négociation de bonne foi.

Injonction 1 : l’obligation de négocier de bonne foi dans les conditions fixées par l'article L. 218-4 du CPI et selon des critères objectifs, transparents et non discriminatoires
 

Le déplacement de la négociation vers le nouveau service Showcase

Google a imposé de manière unilatérale que les discussions avec les éditeurs et l’AFP portent sur un partenariat global dénommé Showcase consacré principalement à l'offre de nouveaux services par les éditeurs, et dans lequel les droits voisins au titre des utilisations actuelles de contenus protégés ne constituaient qu'une composante accessoire et dépourvue de valorisation financière distincte.

L’Autorité a ainsi constaté qu’alors que les saisissantes ont demandé de façon constante que la négociation porte de façon spécifique et transparente sur la rémunération due au titre de l’utilisation actuelle des contenus protégés par le droit voisin, Google a systématiquement imposé une discussion globale portant de façon prépondérante sur l’adhésion des éditeurs et des agences de presse à un nouveau partenariat global, dénommé Publisher Curated News, ou PCN, lequel portait, notamment, sur un nouveau service dénommé Showcase.

Google a également réduit de façon injustifiée le champ de la négociation en ce qui concerne le périmètre des revenus tirés de l’affichage de contenus protégés : selon Google, seuls les revenus publicitaires des pages de Google Search affichant des contenus devraient être pris en compte pour fixer la rémunération due. L’Autorité a estimé que cette position, conduisant à exclure les revenus tirés d’autres services Google et l’ensemble des revenus indirects liés à ces contenus était contraire à la Loi et à la Décision ; il en est d’autant plus ainsi que la Décision avait relevé l’importance pour Google des contenus de presse, qui jouent un rôle dans le déclenchement des visites des internautes et dans l’allongement des durées de consultation, renforçant ainsi la position de Google et les données dont celle-ci peut disposer.

 

Le refus de négocier avec les éditeurs de presse ne disposant pas d’une certification Information Politique et Générale (« IPG »)

Google a volontairement circonscrit le champ d'application de la loi relative au droit voisin en excluant le principe d'une rémunération des contenus de presse issus de titres ne disposant pas d'une certification Information Politique et Générale et, en s'appuyant pour ce faire, sur une interprétation de mauvaise foi de l'article L. 218-4 du code de la propriété intellectuelle, qui est pourtant dénué d'ambiguïté. Cette position de négociation apparaît contraire à la décision de l'Autorité de la concurrence, confirmée par la cour d'appel de Paris. Ce manquement est d’autant plus sérieux que, selon les propres évaluations de Google, les revenus directs qu'elle tire des contenus « non IPG » sont supérieurs à ceux qu'elle retire des contenus « IPG ».

 

Le refus de Google de négocier avec les agences de presse une rémunération au titre des droits voisins

En outre, Google a signifié à l'AFP et à la Fédération Française des Agences de Presse, à plusieurs reprises, qu'en tant qu'agences de presse, elles ne pouvaient bénéficier d'une rémunération de leurs contenus repris par des éditeurs tiers dans leurs publications.

L’Autorité a estimé que cette attitude de négociation était contraire à la Décision du 9 avril 2020, qui s’appuyait elle-même sur les termes de la loi, pour considérer que les agences de presse pouvaient prétendre aux droits voisins. L’Autorité a relevé, dans la présente décision, comme dans celle d’avril 2020, que le législateur avait clairement exprimé son intention d’accorder au producteur de contenus journalistiques un droit patrimonial, en vue de rémunérer leurs investissements pour la production de contenus de presse de qualité, et d’opérer un meilleur partage de valeur entre les producteurs de contenus de presse et les services de communication au public en ligne. Le législateur français s’est montré très explicite sur la nécessité d’inclure dans ce dispositif les agences de presse, qui contribuent activement au dynamisme du secteur de la presse.

 

Injonction 2 : l’obligation de communiquer aux éditeurs et agences de presse les informations nécessaires « à une évaluation transparente de la rémunération due »

La loi sur les droits voisins a imposé aux plateformes (services de communication au public en ligne) de « fournir aux éditeurs de presse et aux agences de presse tous les éléments d’information relatifs aux utilisations de publication de presse par leurs usagers ainsi que tous les éléments d’information nécessaires à une évaluation transparente de la rémunération [due au titre des droits voisins] et de sa répartition » (article L. 218-4 du CPI).

L’injonction 2 obligeait Google à communiquer aux éditeurs et agences de presse les informations prévues par cette disposition.

Les éléments recueillis pendant l’instruction montrent que cette communication a été

  • partielle, car limitée aux seuls revenus publicitaires directs générés par le service Google Search, à l'exclusion de l'ensemble des revenus, notamment indirects, liés à l’utilisation de ces contenus.
  • tardive au regard du cadre temporel imposé, puisque des informations relatives aux services Discover et Google Actualités ont été données quelques jours à peine avant la fin du délai fixé par l'injonction ;
  • et enfin insuffisante pour permettre aux saisissantes de faire le lien entre l'utilisation par Google de contenus protégés, les revenus qu'elle en tire et ses propositions financières globales. À cet égard, L’Express a notamment déclaré que « Google ne nous a pas communiqué de formules, ni de données à l’appui de sa proposition. Google nous a indiqué qu’il disposait d’une enveloppe globale pour les éditeurs dans le cadre de Publisher Curated News au niveau français. ». Pour sa part, Libération a indiqué également n’avoir pas “ […] obtenu d’éléments sur la construction de cette rémunération, quoique nous les ayons demandés. Nous n’avons pas non plus d’idée de la valorisation qu’a faite Google pour l’utilisation de nos droits voisins. Il y a une formulation du contrat qui dit que c’est une licence globale qui comprend la rémunération des droits voisins. ».

 

L’injonction 5 : l’obligation de neutralité sur les modalités d’indexation, de classement et de présentation des contenus protégés des éditeurs et agences de presse sur les services de Google au cours des négociations relatives aux droits voisins

Google a violé l’obligation de neutralité des négociations que lui imposait la décision de mesures conservatoires en liant la négociation sur la rémunération au titre de l’utilisation actuelle des contenus protégés par le droit voisin à la conclusion d’autres partenariats pouvant avoir un impact sur l’affichage et l’indexation des contenus des éditeurs et agences de presse.

L’Autorité a noté que si rien n’interdit à Google de lancer un nouveau programme en vue d’améliorer la visibilité des éditeurs sur ses services, le fait, dans les circonstances de l’espèce, d’avoir conditionné l’accès à ce nouveau programme à une rémunération globale, qui ne comprenait aucune valorisation spécifique des droits voisins au titre des utilisations actuelles des contenus protégés et risquait, en cas de refus de l’accord, de dégrader la visibilité des éditeurs sur ses services, caractérisait un manquement à l’Injonction 5.

La stratégie mise en place par Google a ainsi fortement incité les éditeurs à accepter les conditions contractuelles du service Showcase et à renoncer à une négociation portant spécifiquement sur les utilisations actuelles des contenus protégés, qui était l’objet des Injonctions, sous peine de voir leur exposition et leur rémunération dégradées par rapport à leurs concurrents qui auraient accepté les termes proposés. Google ne peut dès lors soutenir avoir pris les mesures nécessaires pour éviter que ses négociations n’affectent  la présentation des contenus protégés dans ses services.

 

L’injonction 6 : l’obligation de neutralité des négociations  relatives aux droits voisins vis-à-vis de toute autre relation économique qu’entretiendrait Google avec les éditeurs et agences de presse

Cette injonction visait à éviter que Google « vide de leurs effets les négociations sur les droits voisins en compensant sur d’autres activités les rémunérations versées aux éditeurs au titre des droits voisins. » Il s’agissait aussi « d’éviter que Google ne se serve de sa position dominante sur le  marché des services de recherche généraliste pour imposer, au cours des négociations avec les éditeurs et les agences de presse, le recours à certains de ses services. »

Pendant la quasi-totalité de la période de négociation, Google a lié les discussions relatives à une éventuelle rémunération pour l’utilisation actuelle de contenus protégés à celles relatives au nouveau programme Showcase. Or, contrairement à ce que soutient Google, Showcase ne se limite pas à un nouveau format d’affichage des contenus protégés, mais constitue un nouveau service, qui n’existait pas lors de l’adoption des mesures conservatoires, et qui repose par ailleurs sur de nouvelles obligations mises à la charge des éditeurs de presse. Ceux-ci doivent en effet à la fois fournir un travail éditorial spécifique de sélection des articles appelés à figurer sur Showcase, mais aussi consentir à mettre à disposition des internautes des contenus reprenant de larges extraits, voire l’intégralité d’articles de presse créés par les éditeurs ou les agences de presse.

Par ailleurs, Google a pu également lier la participation au programme Showcase à la souscription au service Subscribe with Google (SwG). Google a ainsi fait un lien entre la négociation sur les droits voisins et la souscription de nouveaux services, ceux-ci conduisant par ailleurs Google à bénéficier de nouveaux avantages ou services, le service SwG se traduisant notamment par un prélèvement, au profit de Google, d’un pourcentage sur tous les flux financiers perçus par l’éditeur au titre des abonnements souscrits.

 

Des pratiques extrêmement graves

Le non-respect d’une injonction constitue en soi, une pratique d’une gravité exceptionnelle.

Le comportement de Google relève d’une stratégie délibérée, élaborée et systématique de non-respect de l’Injonction 1 et apparaît comme la continuation de la stratégie d’opposition de Google, mise en place depuis plusieurs années, pour s’opposer au principe même des droits voisins lors de la discussion de la directive sur les droits voisins, puis pour en minimiser au maximum ensuite la portée concrète.

Il apparaît ainsi que la stratégie de négociation mise en place par Google s’agissant des négociations menées dans le cadre de la Décision s’inscrivait dans une stratégie plus globale, mise en place au niveau mondial, et visant à éviter ou à cantonner autant que possible le versement d’une rémunération aux éditeurs, à utiliser le service Showcase afin de résoudre à bon compte le débat de fond sur l’attribution de droits spécifiques aux éditeurs et agences pour la reproduction des contenus de presse, et, enfin, à utiliser les négociations sur les droits voisins pour obtenir la réalisation de nouveaux contenus par les éditeurs de presse, via Showcase, et la souscription par ces derniers du service SwG, qui permet à Google de percevoir des revenus additionnels prélevés sur les abonnements aux titres de presse.

L’absence de communication d’informations permettant de rendre transparentes les propositions de Google a constitué un obstacle dirimant à la tenue de négociations de bonne foi, et ce d’autant que l’asymétrie d’informations est considérable entre Google et les éditeurs et agences de presse, s’agissant tant des données chiffrées sur la consultation des pages et services de Google sur lesquels apparaissent des contenus protégés par la Loi, que des revenus que Google tire de l’utilisation actuelle de contenus protégés. De même, l’absence de mesure prise par Google pour assurer la neutralité des négociations sur la manière dont sont indexés, classés et présentés les contenus protégés des éditeurs et agences de presse dans ses services est de nature à placer les éditeurs dans une situation contrainte, qui fait obstacle à la réalisation de l’objectif  de mise en œuvre d’une négociation de bonne foi visé par les Injonctions. Par ailleurs, l’établissement de liens entre la rémunération des droits voisins au titre des utilisations actuelles des contenus protégés et la participation à des nouveaux services et/ou l’utilisation de services de Google constitue un détournement de l’objectif des Injonctions au profit de Google, susceptible d’accroître encore davantage sa position sur le marché des services de recherche généraliste.

La circonstance que l’APIG, comme d’autres éditeurs à titre individuel, aient signé un accord postérieurement au cadre temporel fixé par les Injonctions ne saurait, par elle-même, faire obstacle au constat d’un non-respect des Injonctions. En effet, celui-ci doit être apprécié au regard des termes et de l’objet de la décision de mesures conservatoires. Dès lors que l’Autorité constate que la négociation n’a pas été menée de bonne foi dans le respect des Injonctions applicables, la circonstance que des accords aient été signés ne saurait démontrer par elle-même un tel respect, d’autant plus que les éditeurs signataires se trouvaient dans une situation d’infériorité et d’asymétrie dans cette négociation. Au demeurant, si la présente décision ne prive pas par elle-même d’effet les accords signés, elle constitue une circonstance pouvant justifier une demande de résiliation ou de modification du contrat de la part des éditeurs.

 

La sanction et l’obligation de se conformer aux injonctions sous astreintes

Compte tenu des circonstances de l’espèce, l’Autorité prononce à l’encontre de Google une sanction de 500 millions d’euros et lui enjoint par ailleurs :

  • au titre de l’exécution de l’Injonction 1, de proposer une offre de rémunération répondant aux prescriptions de la Loi et de la Décision au titre de l’utilisation actuelle des contenus protégés sur les services de Google aux saisissantes qui en feraient la demande ;
  • au titre de l’exécution de l’Injonction 2, d’assortir cette offre des informations prévues à l’article L. 218-4 du code de propriété intellectuelle. Ces informations devront comprendre une estimation des revenus totaux qu’elle génère en France par l’affichage de contenus protégés sur ses services, en indiquant la part des revenus générés par l’éditeur ou l’agence de presse à l’origine de la demande d’offre de rémunération. Cette estimation devra détailler un certain nombre de postes de revenus détaillés dans la présente décision.  

Enfin, pour s’assurer de l’exécution efficace des injonctions visées au paragraphe précédent, l’Autorité a assorti ces dernières d’une astreinte de 300.000 euros par jour de retard à l’expiration du délai de deux mois courant à compter de la demande formelle de réouverture des négociations formulée, le cas échéant, par chacune des saisissantes. Ainsi, cette astreinte sera appréciée séparément pour chaque processus de négociation qui serait rouvert par chacune des saisissantes, après la notification de la présente décision. Google devra également justifier du respect de la présente décision dans le cadre des rapports mensuels de suivi transmis en application de l’Injonction 7. En cas de non-respect du délai imparti de deux mois, Google s’expose donc à des astreintes pouvant atteindre 900 000 euros par jour de retard.

L’Autorité rappelle que Google reste tenue au respect des Injonctions telles que validées par la cour d’appel de Paris dans son arrêt du 8 octobre 2020 jusqu’à la publication par l’Autorité de la décision au fond. Le respect des Injonctions demeure ainsi soumis au contrôle de l’Autorité de la concurrence, qui peut être saisie à nouveau par tout éditeur ou agence de presse conformément à l’article L. 464-3 du code de commerce, jusqu’à la date à laquelle l’Autorité rendra sa décision sur le fond.

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