Professions réglementées

Liberté d’installation des avocats au Conseil d’État et à la Cour de cassation : l’Autorité rend son avis pour les années 2025-2027

Liberté d’installation des avocats au Conseil d’État et à la Cour de cassation

L’Autorité de la concurrence rend un 5ème avis au gouvernement sur la liberté d’installation des avocats au Conseil d’État et à la Cour de cassation pour la période 2025-2027 et recommande la création d’un nouvel office d’ici 2027.

L'essentiel

En application de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, qui prévoit un réexamen de la situation au moins tous les deux ans, l’Autorité a déterminé le nombre d’offices qu’il y a lieu de créer pour la période 2025-2027.

L’analyse menée s’est appuyée sur l’examen des évolutions possibles du contentieux devant les hautes juridictions, Conseil d’État et Cour de cassation, et de l’activité des professionnels actuellement en exercice. La situation financière des offices créés depuis 2017 confirme le constat des précédents avis, selon lequel le modèle économique des professionnels nouvellement installés leur a permis de réussir leur démarrage, sans bouleverser les conditions d’activité des offices existants.

À l’issue de son examen, l’Autorité recommande, au vu des différents paramètres pris en compte et des objectifs poursuivis par la réforme, notamment de l’augmentation progressive du nombre des offices, la création d’un nouvel office d’avocats au Conseil d’État et à la Cour de cassation[1] d’ici 2027, en sus des onze offices déjà créés depuis 2017, portant le nombre total d’offices à 72.  

 

 

Calendrier

Cet avis de l’Autorité sera prochainement publié au Journal officiel.

L’Autorité attire l’attention des candidats intéressés sur le fait que cette publication au JO fera courir le délai de deux mois au cours duquel les personnes intéressées peuvent déposer leur demande de nomination dans un office créé d’avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation[2].

Bilan de la mise en œuvre de la réforme

Après quatre avis ayant conduit à la création de 4 offices[3] en 2016, 4 offices[4] en 2018, 2 offices[5] en 2021 et un office en 2023[6] (portant le nombre total d’offices de 60 à 71), l’Autorité rend aujourd’hui un cinquième avis sur la liberté d’installation des avocats au Conseil d’État et à la Cour de cassation (« avocats aux Conseils »). Sur les 132 avocats aux Conseils que la profession compte aujourd’hui, quatorze se sont installés dans un office créé depuis la mise en œuvre de la réforme.

Dans son nouvel avis, l’Autorité dresse un bilan de la mise en œuvre de la réforme et établit un état des lieux actualisé du niveau et des perspectives d’évolution de l’offre et de la demande. Elle examine ainsi l'évolution de l'activité de la Cour de cassation et de la section du contentieux du Conseil ainsi que l’évolution de l’activité économique des avocats aux Conseils d'Etat au cours des cinq dernières années.

Pour établir ce bilan, l’Autorité a notamment mené une consultation publique, conformément à l’article L. 462‑4‑2 du code de commerce, ouverte le 19 septembre 2024.

 

Un potentiel de développement de l’offre

L’analyse de l’offre et de la demande relatives à l’activité des avocats aux Conseils confirme la très bonne performance économique de la profession. Sur la période 2019-2023, le taux de marge de la profession est demeuré stable et élevé, un peu au-dessus de 40 %, et le bénéfice moyen par avocat libéral s’est élevé à environ 439 000 euros. Cette situation, qui distingue la profession d’avocat aux Conseils des autres activités juridiques et judiciaires, s’explique notamment par la concentration du marché sur un faible nombre de professionnels qui bénéficient à la fois d’un monopole légal et d’une grande liberté en matière de fixation des honoraires et de gestion.

Par ailleurs, les offices créés depuis 2017[7] jouissent d’une croissance continue et ne montrent aucun signe de fragilité financière. Pour ces offices, le chiffre d’affaires moyen par avocat libéral a cru de 18 % entre 2021 et 2023, il est de 245 000 euros en 2023, et leur taux de marge est supérieur de plus de 15 points à celui de l’ensemble de la profession.

L’Autorité estime donc qu’il existe un potentiel d’accroissement de l’offre, sans que cela ne porte atteinte à la qualité des prestations rendues devant les juridictions de cassation, ni ne compromette la viabilité des offices existants.

 

L’existence de facteurs contraignant la recommandation sur le nombre de créations d’offices

L’augmentation du nombre d’offices d’avocats aux Conseils est toutefois contrainte par deux facteurs principaux :

  • premièrement, la baisse du nombre d’affaires enregistrées devant la Cour de cassation se poursuit, bien qu’elle soit moins importante que sur la période précédemment examinée (-13 % sur la période 2019-2023), tandis que les affaires enregistrées devant le Conseil d’État ont connu une légère diminution (-6 % sur la même période). Or, les avocats aux Conseils réalisent l’essentiel de leur activité devant ces juridictions suprêmes ;

 

  • deuxièmement, le vivier de professionnels susceptibles de se porter candidats à l’installation reste réduit, un peu moins d’une douzaine, et il pourrait être en partie mobilisé pour compenser les potentiels départs en retraite (fin 2024, 12 avocats aux Conseils avaient 70 ans ou plus), ce qui limite les possibilités de candidature pour un office créé.

 

Dans ce contexte, l’Autorité a retenu une approche mesurée, en recommandant la création d’un nouvel office d’ici 2027.

 

Les recommandations complémentaires

L’Autorité tient à saluer les efforts importants mis en œuvre par l’Ordre des avocats aux Conseils et la Chancellerie pour prendre en compte les recommandations qu’elle avait formulées dans ses précédents avis, notamment :

  • la mise en place par la Chancellerie d’une communication suivie permettant aux candidats d’être régulièrement informés de l’état d’avancement de leur candidature ;
  • l’adoption par la commission de classement de la grille d’analyse formalisant les critères de départage des candidats et la notification de son avis aux candidats ;
  • La publication par l’Ordre d’un rapport annuel sur la répartition des charges collectives ;
  • L’adoption de trois recommandations par le collège de déontologie précisant des notions que l’Autorité avait appelé à clarifier. 

Toutefois, le constat récurrent de l’étroitesse du vivier de candidats ne doit pas faire obstacle à la réalisation de l’objectif inscrit dans la loi d’une augmentation progressive du nombre d’offices lorsque la situation économique le justifie. Il apparaît donc essentiel de mettre en place des mesures favorisant l’arrivée de nouveaux professionnels, notamment en facilitant l’entrée dans la profession de professionnels expérimentés, en particulier les collaborateurs d’avocats aux Conseils. Dans l’avis publié ce jour, l’Autorité émet ainsi de nouvelles recommandations poursuivant cinq principaux objectifs :

  • Favoriser le recours aux voies d’accès dérogatoires à la profession, en particulier pour les collaborateurs d’avocats aux conseils expérimentés ;
  • Favoriser la réussite au CAPAC, notamment en supprimant la limite de trois présentations à l’examen et d’un redoublement par année ;
  • Clarifier les conditions d’exercice des sociétés pluri-professionnelles d’exercice associant des avocats aux Conseils à des avocats à la Cour ;
  • Supprimer l’obligation pour les avocats aux Conseils d’avoir un domicile professionnel à Paris ou dans les départements limitrophes ;
  • Elargir les possibilités de recruter des avocats aux Conseils salariés en augmentant de 1 à 2 le nombre d’avocats aux Conseils salariés par avocat aux Conseils libéral.

 

[1] Les avocats aux Conseils sont titulaires d’un office attribué par l’État. Ils disposent d’un monopole de représentation des justiciables devant le Conseil d’État et la Cour de cassation pour les pourvois en cassation dans la plupart des matières, monopole qui représente environ 90 % de leur activité. Le reste se compose d’interventions devant d’autres juridictions (tribunaux administratifs, cours administratives d’appel, Conseil constitutionnel, Cour européenne des droits de l’homme, Cour de justice de l’Union européenne…) et de conseil juridique.

[2] Article 25 du décret n° 91-1125 du 28 octobre 1991 relatif aux conditions d’accès à la profession d’avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation. 

[3] Consulter le premier avis n° 16-A-18 du 10 octobre 2016 ainsi que le communiqué de presse

[4] Consulter le deuxième avis n° 18-A-11 du 25 octobre 2018 ainsi que le communiqué de presse.

[5] Consulter le troisième avis n° 21-A-02 du 23 mars 2021 ainsi que le communiqué de presse.

[6] Consulter le quatrième avis n° 23-A-03 du 7 avril 2023, ainsi que le communiqué de presse ; l’Autorité avait recommandé la création de deux ans et seul un office a été créé en raison d’un nombre insuffisant de candidats et de la baisse de la demande. 

[7] Les données relatives à l’office créé en 2023 sont insuffisantes à ce stade. 

Contact(s)

Maxence Lepinoy
Chargé de communication, responsable des relations avec les médias
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