Secteur(s) :
22-A-09
relatif à un projet de décret réformant le code de déontologie des sages-femmes
AvisMise en ligne le : 22 février 2024
relatif aux conditions de fixation du prix des médicaments vétérinaires et à l’évolution du coût des soins vétérinaires
Le texte intégral
PDF - 1.72 Mo - 24/10/2025
Le communiqué de presse
L’Autorité de la concurrence a été saisie le 18 juin 2024 par le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique d’une demande d’avis concernant les conditions de fixation du prix des médicaments vétérinaires et l’évolution du coût des soins vétérinaires en France, dans un contexte d’évolution des modalités d’exercice de la profession vétérinaire faisant craindre le développement de pratiques susceptibles de limiter le libre exercice de la concurrence par les sociétés d’exercice vétérinaire et d’avoir des conséquences sur l’accessibilité aux soins et sur l’arsenal thérapeutique.
Dans le cadre de l’instruction de cet avis, l’Autorité a réalisé un état des lieux de l’exercice de la profession vétérinaire et de l’activité de soins, ainsi qu’un panorama de la chaîne de distribution du médicament vétérinaire depuis leur commercialisation par les fabricants jusqu’à leur délivrance aux consommateurs finals.
S’agissant de la profession vétérinaire, l’Autorité a constaté une diversité des modes d’exercice, avec une montée en puissance de l’exercice en commun sous forme de sociétés et réseaux de cliniques. Certains de ces réseaux, qualifiés de « corporates », dans lesquels des investisseurs tiers, non professionnels vétérinaires, sont entrés au capital, ont étendu leur présence sur le territoire national et attirent une part croissante des vétérinaires en exercice. Bien que cette part reste aujourd’hui minoritaire, leur dynamique de développement laisse entrevoir une recomposition durable du paysage vétérinaire dans les années à venir. De plus, les réseaux corporates représentent des niveaux de concentration notables dans certains départements, et très élevés à l’échelle de certaines communes, illustrant les effets cumulatifs d’opérations de rachat de cliniques souvent réalisées en dehors du champ du contrôle des concentrations. Or, le développement des corporates dans le secteur des services vétérinaires en France soulève la question de leur impact sur l’intensité concurrentielle, notamment sur le marché aval des prestations de services vétérinaires à destination des consommateurs. Si ce développement peut être source de bénéfices et est susceptible de produire des effets pro-concurrentiels profitant aux consommateurs par des prix ou services plus attractifs notamment du fait d’une mutualisation des coûts et des investissements, la consolidation du secteur peut aussi conduire, à l’inverse, à une concentration trop importante sur le marché, susceptible d’affaiblir in fine la concurrence au détriment des consommateurs qui pourraient se retrouver dépourvus de choix alternatifs et être confrontés à des prix plus élevés ou à des services dégradés. Dans ce contexte, l’Autorité sera attentive à l’évolution du marché et veillera à appréhender les effets structurels induits par la montée en puissance progressive des réseaux corporates. En particulier, si les intégrations de cliniques au sein de réseaux, qu’ils soient corporates ou non, venaient à être qualifiées de concentrations au sens des dispositions de l’article L. 430-1 du code de commerce, sans toutefois atteindre les seuils prévus par l’article L. 430-2 du même code déclenchant l’obligation de notification, l’Autorité attire l’attention des entreprises concernées sur la nécessité de s’assurer que de telles opérations ne revêtent pas un caractère anticoncurrentiel au sens des dispositions des articles L. 420-1 et L. 420-2 du code de commerce, auquel cas un contrôle ex post des opérations les plus problématiques serait envisageable.
S’agissant des soins apportés aux animaux, l’ensemble des opérateurs interrogés dans le cadre de l’instruction s’accorde sur le fait que leur coût a augmenté au cours des dernières années, certains pointant une augmentation plus marquée auprès des vétérinaires ayant rejoint un réseau corporate, dans un souci de rentabilisation des investissements réalisés.
L’Autorité relève que certains mécanismes en vigueur au sein de ces réseaux, tels que la diffusion de grille de tarifs des actes vétérinaires et la mise en place d’objectifs de chiffre d’affaires et de performance pour les cliniques, amènent à s’interroger sur le degré d’indépendance des vétérinaires libéraux qui en sont membres, au regard de leur stratégie commerciale et financière. Si ces derniers devaient être considérés, au terme d’une analyse menée au cas par cas, comme des entités autonomes vis-à-vis des organes de direction des réseaux au sens du droit de la concurrence, de tels mécanismes seraient susceptibles, sous certaines conditions, de caractériser une pratique d’entente portant sur la fixation de tarifs. Par ailleurs, les niveaux de concentration relativement élevés des réseaux corporates évoqués précédemment, pourraient faciliter l’adoption et le maintien de tarifs élevés par les vétérinaires membres, dans la mesure où la concurrence par les prix n’aurait plus vocation à jouer pleinement dans les zones concernées.
S’agissant de la chaîne de distribution du médicament vétérinaire, les centrales de négociation, qui n’ont ni le statut de distributeur en gros, ni celui d’ayant droit au sens du code de la santé publique, y occupent désormais une place prépondérante, la quasi-totalité des vétérinaires ayant aujourd’hui recours à leurs services. Ces centrales se sont développées afin de massifier les achats des vétérinaires et obtenir de meilleures conditions commerciales. Elles connaissent un mouvement de consolidation depuis quelques années, cinq acteurs représentant aujourd’hui plus de 70 % des achats de médicaments en France. Les centrales de négociation ont pour mission de négocier auprès des fabricants les conditions d’achat des médicaments, en particulier des remises dont les taux peuvent varier selon les espèces animales traitées et les gammes de produits.
Certains fabricants de médicaments vétérinaires et grossistes-répartiteurs ont dénoncé ce regroupement des professionnels à l’achat qui serait source de difficultés dans le cadre des négociations commerciales. Ils ont ainsi pu évoquer des déréférencements ou menaces de déréférencement de produits de la part des centrales de négociation et réseaux, ainsi qu’une influence des résultats de la négociation sur la liberté de prescription des vétérinaires. Toutefois, les éléments recueillis au cours de l’instruction montrent que ces pratiques doivent être relativisées, et ne peuvent a priori être appréhendées sous l’angle des pratiques anticoncurrentielles, en ce qu’elles relèvent notamment du jeu de la négociation et de la concurrence entre les fabricants. Certains laboratoires ont également dénoncé l’imposition, notamment par les centrales de négociation, de taux de remise considérés comme disproportionnés ou décorrélés de la valeur réelle des médicaments, et ont appelé de leurs voeux la mise une place d’une réglementation, voire l’interdiction de ces remises. Cependant, l’Autorité considère qu’un système d’encadrement des remises ne constitue une solution ni souhaitable, ni efficace, et se heurterait à des difficultés pratiques importantes. En effet, l’établissement d’un plafond de remise, qui serait a priori jugé « raisonnable », apparaît difficilement objectivable au regard de l’ensemble des éléments économiques pris en compte lors de la négociation commerciale, et pourrait en outre engendrer plusieurs effets pervers tels qu’une hausse générale des prix des médicaments vétérinaires. Il en va de même concernant la mise en oeuvre d’une réglementation similaire à celle applicable aux antibiotiques et biocides, interdisant les remises, rabais et ristournes qui, outre le fait qu’elle ne serait guidée par aucun objectif de santé publique et environnemental, n’apparaît pas pertinente.
De plus, si le mouvement de concentration croissante des ventes des laboratoires auprès des centrales de négociation amène à s’interroger sur l’évolution de la dynamique concurrentielle entre ces deux types d’acteurs, l’Autorité considère qu’une situation de dépendance économique d’un laboratoire donné, vis-à-vis d’une centrale de négociation en particulier, serait difficile à caractériser, les critères d’analyse n’apparaissant pas remplis en l’espèce. En particulier, les achats des vétérinaires membres d’une même centrale restent actuellement à un niveau inférieur au seuil généralement retenu par l’Autorité dans les analyses de dépendance économique. À ce stade, l’Autorité considère qu’aucun élément ne permet de conclure à un déséquilibre préoccupant des rapports de force sur le marché amont en France, ce d’autant que la grande majorité des laboratoires concernés réalisent la majeure partie de leur activité à l’international et poursuivent leurs investissements en recherche et développement dans le secteur vétérinaire.
Enfin, l’Autorité a examiné les règles déontologiques applicables à la profession de vétérinaire. Après avoir rappelé que si certaines restrictions de nature déontologique peuvent se justifier au regard d’objectifs relevant de l’intérêt général tout en devant être adaptées et proportionnées aux défaillances de marché anticipées, de façon à ne pas conduire à une situation qui s’avèrerait in fine moins bénéfique pour les consommateurs ou moins efficace économiquement que celle qui prévaudrait en l’absence de réglementation, l’Autorité considère que les règles applicables aux vétérinaires comportent plusieurs dispositions injustifiées susceptibles de restreindre l’exercice de la profession.
L’Autorité recommande ainsi de supprimer, dans le code de déontologie des vétérinaires :
- le paragraphe « [l]a rémunération du vétérinaire ne peut dépendre de critères qui auraient pour conséquence de porter atteinte à son indépendance ou à la qualité de ses actes de médecine vétérinaire » ;
-la formulation « tact et mesure » s’agissant de la détermination des honoraires du vétérinaire, ou lui substituer des termes explicites, ou préciser les cas visés ;
- la formulation « [t]outes pratiques tendant à abaisser le montant des rémunérations dans un but de concurrence sont interdites au vétérinaire dès lors qu'elles compromettent la qualité des soins » ;
- la formulation « dignité de la profession » concernant la communication des vétérinaires, ou lui substituer des termes explicites, ou préciser les cas visés ; et,
- le paragraphe « [l]'envoi groupé d'informations tarifaires ou promotionnelles relatives aux médicaments vétérinaires même sous couvert d'une communication technique associée est interdit ».
L’Autorité recommande a contrario d’ajouter, dans le code de déontologie des vétérinaires :
- une obligation d’affichage des tarifs des actes de médecine vétérinaire sur les sites internet exploités par les vétérinaires. La formulation d’une telle obligation pourrait s’inspirer des dispositions applicables à d’autres professionnels de santé, tels que les sages-femmes, chirurgiens-dentistes, médecins ou infirmiers ; et,
- une obligation d’affichage pour les cliniques membres d’un réseau, de leur appartenance à ce réseau, sur tout document ou support présentant leur activité.
1 Ce résumé a un caractère strictement informatif. Seuls font foi les motifs de l’avis numérotés ci-après.
| Origine de la saisine | Ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique |
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| Dispositif(s) |
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| Fondement juridique |