L’Autorité de la concurrence rend public son avis relatif aux conditions de fixation du prix des médicaments vétérinaires et à l’évolution du coût des soins vétérinaires

vétérinaire

L'essentiel

L’Autorité de la concurrence a été saisie le 18 juin 2024 par le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique d’une demande d’avis concernant les conditions de fixation du prix des médicaments vétérinaires et l’évolution du coût des soins vétérinaires en France.

Dans son avis, l’Autorité constate une évolution du paysage de la profession vétérinaire avec le développement des réseaux de cliniques vétérinaires dites corporates1. Elle relève aussi une augmentation globale des tarifs des soins apportés aux animaux, susceptible d’être favorisée par certains mécanismes en vigueur dans ces réseaux et par les niveaux de concentration de ces derniers, parfois élevés à l’échelle départementale et communale. L’Autorité sera ainsi vigilante quant aux effets structurels des opérations de concentration dans ce secteur et pourrait envisager un contrôle ex post des acquisitions de cliniques vétérinaires qui soulèvent des enjeux concurrentiels.

Sur le marché des médicaments vétérinaires, l’Autorité constate le rôle croissant occupé par les centrales de négociation dans le cadre des discussions commerciales avec les laboratoires. Celui-ci est questionné par certains laboratoires et grossistes-répartiteurs, dénonçant notamment des taux de remises jugés très élevés, ainsi que l’influence de ces centrales sur la prescription des produits par les vétérinaires. L’analyse de l’Autorité ne révèle toutefois pas de préoccupations à ce sujet, les conditions commerciales appliquées relevant principalement du jeu de la négociation et de la concurrence entre fabricants. Les conditions exigées pour qualifier un état de dépendance économique des laboratoires vis-à-vis des centrales de négociation ne sont par ailleurs, à ce stade, pas atteintes.

Enfin, après examen des règles déontologiques applicables à la profession vétérinaire, l’Autorité relève que si certaines restrictions de nature déontologique peuvent se justifier au regard d’objectifs relevant de l’intérêt général, d’autres dispositions sont injustifiées et susceptibles de restreindre l’exercice de la profession.

L’Autorité relève le développement des réseaux corporates et les risques d’une concentration trop importante de ces derniers

  • L’évolution de la profession vétérinaire

L’Autorité a constaté une diversité des modes d’exercice de la profession, avec un recours croissant à l’exercice en commun sous forme de sociétés et réseaux de cliniques. Certains de ces réseaux, qualifiés de « corporates », dans lesquels des investisseurs tiers non vétérinaires sont présents au capital de manière minoritaire, ont étendu leur présence sur le territoire national et attirent une part croissante des vétérinaires en exercice laissant entrevoir une recomposition durable du paysage vétérinaire dans les années à venir.

Les réseaux corporates représentent des niveaux de concentration notables dans certains départements, et très élevés à l’échelle de certaines communes, illustrant les effets cumulatifs d’opérations de rachat de cliniques le plus souvent réalisées en dehors du champ du contrôle des concentrations. Or, le développement des corporates dans le secteur des services vétérinaires en France soulève la question de leur impact sur l’intensité concurrentielle, notamment sur le marché aval des prestations de services vétérinaires à destination des consommateurs.

Si cette évolution peut produire des effets pro-concurrentiels profitant aux consommateurs, par des prix ou services plus attractifs résultant d’une mutualisation des coûts et des investissements, une concentration trop importante sur le marché pourrait affaiblir la concurrence au détriment des consommateurs, notamment en l’absence de choix alternatifs ou du fait de hausses des prix ou de la dégradation du service.

  • La possibilité d’un contrôle ex post des opérations les plus problématiques

L’Autorité sera attentive à l’évolution du marché et veillera à appréhender les effets structurels induits par le développement progressif des réseaux corporates.

En particulier, si les intégrations de cliniques au sein de réseaux venaient à être qualifiées de concentrations sans toutefois atteindre les seuils déclenchant l’obligation de notification, l’Autorité attire l’attention des entreprises concernées sur la nécessité de s’assurer que de telles opérations ne revêtent pas un caractère anticoncurrentiel, auquel cas un contrôle ex post des opérations les plus problématiques serait envisageable.

L’Autorité observe une augmentation du coût des soins apportés aux animaux et identifie des mécanismes susceptibles de favoriser l’établissement de tarifs élevés

L’ensemble des opérateurs interrogés s’accorde sur le fait que le coût des soins a augmenté au cours des dernières années. Cette augmentation serait plus marquée auprès des vétérinaires ayant rejoint un réseau corporate.

L’Autorité relève que certains mécanismes en vigueur au sein de ces réseaux, tels que la diffusion de grilles de tarifs des actes vétérinaires et la mise en place d’objectifs de chiffre d’affaires et de performance pour les cliniques, amènent à s’interroger sur le degré d’indépendance des vétérinaires libéraux qui en sont membres, au regard de leur stratégie commerciale et financière.

Dans l’hypothèse où ces vétérinaires libéraux seraient considérés, au sens du droit de la concurrence, comme des entités autonomes vis-à-vis des organes de direction des réseaux, de tels mécanismes pourraient, sous certaines conditions, caractériser une pratique d’entente portant sur la fixation de tarifs.

Par ailleurs, les niveaux de concentration relativement élevés des réseaux corporates pourraient faciliter l’adoption et le maintien de tarifs élevés par les vétérinaires membres, dans la mesure où la concurrence par les prix n’aurait plus vocation à jouer pleinement dans les zones concernées.

Le rôle croissant occupé par les centrales de négociation dans le cadre des discussions commerciales avec les laboratoires

Circuit du médicament vétérinaire en France

circuit vétérinaire

Dans la chaîne de distribution du médicament vétérinaire, les centrales de négociation occupent un rôle croissant, la quasi-totalité des vétérinaires ayant aujourd’hui recours à leurs services. Ces centrales, qui n’ont pas le statut de distributeur en gros, se sont développées afin de massifier les achats des vétérinaires et obtenir de meilleures conditions commerciales. Cinq acteurs représentent aujourd’hui plus de 70 % des achats de médicaments vétérinaires en France.

Certains fabricants et grossistes-répartiteurs ont dénoncé ce regroupement des professionnels à l’achat qui serait source de difficultés dans le cadre des négociations commerciales. Des déréférencements ou menaces de déréférencement de produits de la part des centrales de négociation et réseaux, ainsi qu’une influence des résultats de la négociation sur la liberté de prescription des vétérinaires ont ainsi pu être soulevés. Toutefois, ces pratiques doivent être relativisées, et ne peuvent a priori être appréhendées sous l’angle des pratiques anticoncurrentielles, en ce qu’elles relèvent notamment du jeu de la négociation et de la concurrence entre les fabricants.

La négociation, par les centrales, de taux de remise considérés comme disproportionnés ou décorrélés de la valeur réelle des médicaments a également été dénoncée, et certains laboratoires ont appelé de leurs vœux la mise une place d’une réglementation, voire l’interdiction de ces remises. Cependant, l’Autorité considère qu’un système d’encadrement ou d’interdiction des remises ne constitue une solution ni souhaitable, ni efficace, et se heurterait à des difficultés pratiques importantes. En effet, l’établissement d’un plafond de remise, apparait difficilement objectivable au regard de l’ensemble des éléments économiques pris en compte lors de la négociation commerciale, et pourrait en outre engendrer plusieurs effets pervers telle qu’une hausse générale des prix des médicaments vétérinaires.

De plus, si le mouvement de concentration croissante des ventes des laboratoires auprès des centrales de négociation amène à s’interroger sur l’évolution de la dynamique concurrentielle entre ces deux types d’acteurs, l’Autorité considère qu’une situation de dépendance économique d’un laboratoire donné, vis-à-vis d’une centrale de négociation en particulier, apparait difficile à caractériser, les critères d’analyse n’apparaissant pas remplis en l’espèce

À ce stade, l’Autorité considère qu’aucun élément ne permet de conclure à un déséquilibre préoccupant des rapports de force sur le marché amont en France, ce d’autant que la grande majorité des laboratoires concernés réalisent la majeure partie de leur activité à l’international et poursuivent leurs investissements en recherche et développement dans le secteur vétérinaire.

Après examen des règles déontologiques applicables à la profession vétérinaire, l’Autorité conclut que plusieurs dispositions injustifiées sont susceptibles de restreindre l’exercice de la profession

L’Autorité recommande ainsi de supprimer plusieurs formulations portant sur la rémunération, la détermination des honoraires et la communication des vétérinaires et figurant dans le code de déontologie applicable aux vétérinaires.

Dans un objectif de transparence devant bénéficier aux propriétaires d’animaux, l’Autorité recommande a contrario d’ajouter certaines obligations dans le code de déontologie des vétérinaires.

Résumé des recommandations proposées par l’Autorité

En matière de déontologie applicables aux vétérinaires, l’Autorité préconise de supprimer, dans le code de déontologie des vétérinaires :

- le paragraphe selon lequel « [l]a rémunération du vétérinaire ne peut dépendre de critères qui auraient pour conséquence de porter atteinte à son indépendance ou à la qualité de ses actes de médecine vétérinaire » ;

- la formulation « tact et mesure » s’agissant de la détermination des honoraires du vétérinaire, ou lui substituer des termes explicites, ou préciser les cas visés ;

- l’interdiction de « [t]outes pratiques tendant à abaisser le montant des rémunérations dans un but de concurrence (…) dès lors qu'elles compromettent la qualité des soins » ;

- la formulation « dignité de la profession » concernant la communication des vétérinaires, ou lui substituer des termes explicites, ou préciser les cas visés ; et

- l’interdiction de « [l]'envoi groupé d'informations tarifaires ou promotionnelles relatives aux médicaments vétérinaires même sous couvert d'une communication technique associée ».

L’Autorité recommande également d’ajouter, dans le code de déontologie des vétérinaires :

- une obligation d’affichage des tarifs des actes de médecine vétérinaire sur les sites Internet exploités par les vétérinaires ; et

- une obligation d’affichage pour les cliniques membres d’un réseau, de leur appartenance à ce réseau, sur tout document ou support présentant leur activité.

1 Cliniques vétérinaires dans lesquelles des investisseurs tiers n’ayant pas la qualité de professionnels vétérinaires sont présents, de manière minoritaire, dans le capital.

Contact(s)

Maxence Lepinoy
Chargé de communication, responsable des relations avec les médias
Imprimer la page