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02-D-36
relative à des pratiques relevées dans le secteur de la distribution des lunettes d’optique sur le marché de l’agglomération lyonnaise
DécisionMise en ligne le : 24 juin 2002
relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur des lunettes et montures de lunettes
le texte intégral
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le communiqué de presse
Résumé1
Aux termes de la présente décision, l’Autorité de la concurrence (ci-après « l’Autorité ») sanctionne plusieurs sociétés actives dans le secteur des lunettes solaires et des montures de lunettes de vue pour avoir mis en œuvre, dans les conditions précisées ci-après, deux pratiques anticoncurrentielles contraires aux articles L 420-1 du code de commerce et au paragraphe premier de l’article 101 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne consistant, pour la première, en une entente verticale visant à limiter la liberté tarifaire des distributeurs et, pour la seconde, en une entente, également verticale, visant à interdire à ces mêmes distributeurs la vente en ligne de ces produits.
Cette décision fait suite, d’une part, à des opérations de visite et saisie réalisées le 24 juin 2009 dans les locaux de plusieurs entreprises actives dans ce secteur, d’autre part, à un rapport administratif d’enquête transmis à l’Autorité le 29 septembre 2010 par la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF).
L’affaire, examinée une première fois par l’Autorité lors d’une séance tenue le 15 décembre 2016, a fait l’objet d’un renvoi à l’instruction, par décision n° 17-S-01 du 24 février 2017. Une seconde séance s’est tenue le 13 janvier 2021.
L’exploitation des milliers de pièces recueillies par les services d’instruction, complétée par de nombreuses auditions, a permis de parvenir aux constatations suivantes.
À la suite de deux notifications de griefs successives des 13 février 2015 et 28 mars 2019, trois griefs portant sur des ententes verticales restreignant la liberté tarifaire des distributeurs et faisant obstacle, partant, à la libre fixation des prix par le jeu de la concurrence, ainsi que deux griefs portant sur des pratiques d’interdiction de vente en ligne au détail ont été notifiés à quatorze entreprises, qui étaient, selon les cas, fournisseurs, distributeurs ou détentrices de marques. Le tableau suivant synthétise les griefs notifiés à chacune des entreprises2.
Les ententes verticales sur les prix de détail
Après examen des éléments figurant au dossier, il a été constaté, tout d’abord, en application du troisième alinéa de l’article L. 462-7 du code de commerce aux termes duquel, dans sa rédaction applicable du 22 novembre 2012 au 28 mai 2021, « […] la prescription est acquise en toute hypothèse lorsqu’un délai de dix ans à compter de la cessation de la pratique anticoncurrentielle s’est écoulé sans que l’Autorité de la concurrence ait statué sur celle-ci », que les pratiques étaient prescrites pour la plupart des entreprises et/ou des pratiques poursuivies.
L’Autorité s’est, par ailleurs, déclarée incompétente pour statuer sur le grief notifié le 28 mars 2019 à la société Maui Jim.
Elle a, en outre, considéré que les pratiques visées par le deuxième grief de la notification de griefs du 28 mars 2019 n’étaient pas établies pour les sociétés Luxottica France SASU et Luxottica Group SpA (ci-après « Luxottica ») et Chanel SAS, Chanel Coordination SAS, Chanel International BV, Chanel SARL et Chanel Ltd (ci-après « Chanel »).
Elle a, en revanche, au titre du grief n° 1 notifié le 13 février 2015, sanctionné les sociétés Logo SAS (ci-après « Logo »), LVMH Swiss Manufactures SA et LVMH Moët Hennessy Louis Vuitton (ci-après « LVMH ») et Luxottica, pour avoir participé à des ententes visant à limiter la liberté tarifaire des distributeurs.
S’agissant de Logo et LVMH, qui s’étaient engagées, par procès-verbaux, sur le fondement du III de l’article L. 464-2 du code de commerce alors en vigueur, à ne pas contester les griefs qui leur étaient notifiés, elle a constaté que les pratiques étaient établies, en se fondant pour ce faire sur les clauses figurant dans les contrats de licence et de distribution sélective, prévoyant un encadrement des prix et des promotions pratiqués, et/ou sur un faisceau d’indices comprenant, outre les clauses précitées, divers éléments, tels la diffusion de prix conseillés et la mise en place de mécanismes de surveillance.
S’agissant de Luxottica, l’Autorité s’est appuyée sur un faisceau d’indices graves, précis et concordants, comprenant à la fois des preuves documentaires et de nature comportementale, pour démontrer l’existence, entre le 17 mai 2005 et le 1er octobre 2014, d’une invitation anticoncurrentielle de Luxottica et d’un acquiescement de l’ensemble de ses distributeurs quant aux prix pratiqués pour la vente de ses produits.
Elle a, notamment, relevé que Luxottica avait diffusé à ses distributeurs des prix dits « conseillés » et les avait incités à maintenir un certain niveau de prix de vente au détail de ses produits. En particulier, Luxottica a conclu, avec ses distributeurs, des contrats de distribution sélective qui étaient interprétés comme interdisant certaines pratiques tarifaires lors de la vente au détail, notamment les remises et promotions. En outre, Luxottica a imposé à ses distributeurs certaines restrictions quant à la publicité réalisée sur les prix. Luxottica a également organisé la surveillance des prix de vente au détail, en sollicitant l’aide de ses distributeurs. Luxottica est enfin intervenue auprès des distributeurs qui n’appliquaient pas ses consignes tarifaires et a sanctionné ceux qui persistaient à ignorer ses incitations en retardant les livraisons de leurs magasins, ou encore en leur retirant l’agrément nécessaire à la distribution de certaines de ses marques.
Les distributeurs de Luxottica ont, quant à eux, adhéré à sa politique d’encadrement des prix en signant les contrats et chartes de détaillant agréé qu’ils interprétaient comme leur interdisant certaines pratiques tarifaires, en excluant ses marques – telles que, par exemple, Chanel, Ray-Ban ou Prada – de leurs opérations commerciales, en appliquant les prix imposés par Luxottica ou encore en dénonçant à Luxottica les pratiques commerciales de leurs concurrents qu’ils jugeaient non‑conformes aux engagements qu’ils avaient
eux-mêmes pris auprès de Luxottica.
Ces pratiques, anticoncurrentielles par leur objet même, présentent un caractère certain de gravité, de par, notamment, leur nature, leurs répercussions sur les consommateurs finaux, pour partie captifs et vulnérables, et, enfin, les mécanismes de surveillance et de rétorsion mis en place. Elles ont engendré un dommage à l’économie à la fois certain, dans la mesure, notamment, où elles ont porté sur des marques notoires de montures et de lunettes, affecté la concurrence intra-marque pendant une longue durée, et concerné une part significative des distributeurs, dont notamment des enseignes telles qu’Alain Afflelou, Krys, GrandVision ou Optical Center, mais limité, dès lors qu’elles n’ont concerné qu’une partie du marché en cause.
Dans ces conditions, et en tenant compte, pour LVMH, des termes du procès-verbal de non‑contestation de griefs et, pour Logo, de son placement en liquidation judiciaire en 2016, l’Autorité a prononcé les sanctions figurant dans le tableau de synthèse ci‑après.
Les ententes verticales sur l’interdiction de la vente en ligne
Les notifications de griefs des 13 février 2015 et du 28 mars 2019 avaient, toutes deux, reproché à plusieurs entreprises du secteur, fabricants et détentrices de marques, d’avoir interdit à leurs détaillants agréés de vendre en ligne les lunettes solaires et les montures de lunettes de vue.
L’Autorité a, tout d’abord, annulé le grief portant interdiction de vente en ligne notifié au titre de la notification de griefs du 13 février 2015, au motif qu’il ne permettait pas d’identifier les parties à l’entente et, partant, mettait les entreprises qui en étaient destinataires dans l’impossibilité d’exercer leurs droits de la défense.
Elle a, en revanche, sanctionné les sociétés Chanel, Luxottica et LVMH au titre du grief notifié le 28 mars 2019.
Elle a estimé, en effet, que les clauses des contrats de licence conclus, d’une part, entre Chanel et Luxottica, d’autre part, entre LVMH et Logo, de même que celles des contrats de distribution sélective conclus entre Luxottica et ses distributeurs agréés pour les marques Chanel, Prada, Dolce & Gabbana et Bulgari, qui interdisaient la vente en ligne des produits susvisés, constituaient des restrictions anticoncurrentielles par objet et caractérisées, qui ne pouvaient faire l’objet d’une exemption, catégorielle ou individuelle.
Pour fixer la sanction infligée à ces entreprises, elle a, tout d’abord, pris en considération le fait que si ces pratiques, en tant qu’elles ont pour conséquence de fermer une voie de commercialisation au détriment des consommateurs et des distributeurs et de limiter la concurrence – principalement la concurrence intra-marque – sont graves par nature, leur gravité doit toutefois être atténuée, au regard, notamment, de l’incertitude quant à leur licéité jusqu’à l’arrêt Pierre Fabre du 13 octobre 2011 de la Cour de justice.
Elle a, par ailleurs, considéré que le dommage à l’économie était très limité, en raison de la faiblesse, au moins pour les montures de lunettes de vue, de la demande pour ce canal de vente dans ce secteur.
Prenant en compte l’ensemble de ces éléments, elle a estimé, par ailleurs, justifié de ne pas appliquer, en l’espèce, la méthodologie exposée dans son communiqué du 16 mai 2011 relatif à la méthode de détermination des sanctions pécuniaires.
Compte tenu de ce qui précède, l’Autorité a infligé les sanctions suivantes :
1Ce résumé a un caractère strictement informatif. Seul fait foi le texte intégral de la décision.
2Seules les sociétés dont le nom est surligné en gras ont été sanctionnées par l’Autorité.
3Plafond global de 500.000 euros fixé par le procès-verbal de non-contestation des griefs atteint en raison de la sanction infligée au titre du grief notifié le 13 février 2015.
Origine de la saisine | Autorité de la concurrence (autosaisine) |
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Procédure(s) |
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Fondement juridique |
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Entreprise(s) concernée(s) |
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