L’Autorité de la concurrence obtient de plusieurs industriels métropolitains qu’ils renoncent à confier en exclusivité la distribution de leurs produits en Outre-mer
Cet engagement devrait notamment permettre de renforcer la concurrence sur les prix au bénéfice des consommateurs.
A la suite de deux saisines d’office de l’Autorité de la concurrence concernant l’importation de produits de grande consommation en outre-mer, quatre industriels ont souhaité prendre des engagements devant elle. Bolton Solitaire, Danone, Johnson & Johnson Santé et Beauté France et Pernod-Ricard proposent de mettre en place une mise en concurrence des importateurs-grossistes susceptibles d’importer et de distribuer, de manière non-exclusive, leurs produits dans les départements, régions ou collectivités d’outremer1.
Ces propositions d’engagements sont soumises à consultation publique (test de marché). Les acteurs intéressés (distributeurs, industriels, associations de consommateurs…) sont invités à présenter leurs observations jusqu’au 15 juin 2015.
L’action de l’Autorité en outre-mer
L’Autorité de la concurrence a toujours porté une attention particulière à la situation concurrentielle des marchés ultramarins. Depuis 2009 et les manifestations contre la vie chère, elle a renforcé son action en investiguant des secteurs qui impactent directement le pouvoir d’achat des ultramarins. A la suite des avis qu’elle avait rendu en 2009 sur les prix des carburants et la grande distribution2, l’Autorité avait ouvert plusieurs cas, dont le dossier qui fait l’objet du présent test de marché, et rendu plusieurs décisions3.
La distribution des biens de grande consommation en outre-mer
Les biens de grande consommation qui sont distribués par des détaillants outre-mer ne sont généralement pas produits ou conditionnés par des entreprises locales mais sont fabriqués par des industriels originaires de la métropole et acheminés depuis l’Europe continentale.
L’acheminement de ces produits dans les outre-mer passe, le plus fréquemment, par des intermédiaires appelés « importateurs-grossistes » ou « agents de marque » qui réalisent certaines opérations logistiques (stockage, livraison, etc.), revendent aux détaillants les produits achetés auprès des industriels et peuvent prendre en charge certaines actions commerciales. Le circuit de la chaîne de production et de distribution en outre-mer peut schématiquement être présenté ainsi :
Ces produits importés sont, le plus souvent, vendus à un prix significativement plus élevé dans les outre-mer qu’en métropole (jusqu’à plus de 50 %).
Des grossistes importateurs protégés de toute concurrence
L’instruction de l’Autorité montre que, dans la plupart des cas, la distribution d’une marque donnée, voire de l’ensemble des produits et des marques d’un industriel, est assurée, pour chacune d’entre-elles, par un seul importateur-grossiste par territoire.
Or, certains industriels assurent à leurs intermédiaires commerciaux ultramarins des relations d’exclusivité, de fait ou de droit, pour l’approvisionnement de certains territoires ultramarins. Une telle situation protège les importateurs-grossistes de toute concurrence au détriment des opérateurs concurrents et des consommateurs.
Parmi les industriels ayant fait l’objet des investigations, les entreprises Bolton Solitaire, Danone, Johnson et Johnson Santé et Beauté France et Pernod-Ricard se sont rapprochées des services d’instruction pour explorer le traitement de cette affaire par la voie d’une procédure d’engagements.
A ce stade de l’instruction, ces relations d’exclusivité sont donc susceptibles de constituer des pratiques ayant pour objet ou pour effet d’accorder des droits exclusifs d’importation à une entreprise ou à un groupe d’entreprises, prohibées par la loi du 20 novembre 2012, dite loi « Lurel ».
L’instruction des autres pratiques que celles mises en œuvre par les sociétés Bolton Solitaire SA, Danone SA, Johnson & Johnson Santé et Beauté France et Pernod-Ricard se poursuit par ailleurs.
Les industriels concernés proposent de mettre fin à ces exclusivités de distribution
En réponse à ces préoccupations de concurrence, Bolton Solitaire SAS, Danone SA, Johnson & Johnson Santé et Beauté France et Pernod-Ricard ont proposé :
- de conclure des accords écrits (sous forme de contrats ou de conditions générales de vente) rappelant l’absence de caractère exclusif de la relation commerciale ;
- l’organisation d’appels publics à la concurrence réguliers (tous les 2, 3 ou 4 ans suivant les cas) pour l’acheminement et la distribution de leurs produits dans chacun des territoires concernés aux termes desquels les opérateurs seront choisis selon des critères objectifs et non-discriminatoires.
Pour mémoire, les entreprises qui s’engagent, ou leurs filiales, commercialisent notamment les marques suivantes :
Entreprises | Marques |
Bolton Solitaire SAS | Carolin, WC net, Sanogyl, etc. |
Danone SA (pôles eaux et alimentation infantile) | Volvic, Evian, Badoit, Gallia, Blédina, etc. |
Johnson & Johnson Santé et Beauté France | Le Petit Marseillais, Vania, Nett, Neutrogena, Laboratoires Vendôme, etc. |
Pernod-Ricard | Ricard, Pastis 51, Clan Campbell, Absolut Vodka, etc. |
Les suites de la procédure
A l’issue du test de marché, le collège de l’Autorité se réunira en séance. Si les engagements proposés, éventuellement complétés et amendés, sont de nature à répondre à ses préoccupations de concurrence, l’Autorité de la concurrence clôturera le dossier en rendant obligatoire les engagements pris.
1Sont concernés par ces propositions d’engagements : La Réunion, Mayotte, la Guadeloupe, la Martinique, la Guyane, Saint-Barthélemy, Saint-Martin, Saint-Pierre-et-Miquelon, Wallis et Futuna.
2Voir communiqués du 29 juin 2009 et du 8 septembre 2009.
3Parmi les plus récentes : les yaourts aux Antilles (voir communiqué du 24 juillet 2014) et la téléphonie à La Réunion (voir communiqué du 13 juin 2014). Pour en savoir plus, consulter le numéro de Déclic consacré à l’outre-mer.
> Les tiers intéressés ont jusqu’au 15 juin 2015 pour faire part de leurs observations sur les engagements proposés. Toutes les informations pratiques sont précisées dans le test de marché disponible ici.