Vie chère : l’Autorité rend un avis relatif aux mécanismes d’importation et de commercialisation des produits de grande consommation dans les DOM

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Saisie le 18 février 2009 par le Secrétaire d’Etat à l’outre-mer sur la situation de la concurrence dans les départements d’outre-mer, l’Autorité rend aujourd’hui un avis relatif aux mécanismes d’importation et de commercialisation des produits de grande consommation dans les DOM. Il s’agit du second volet de la même saisine, qui avait donné lieu le 24 juin dernier à l’avis 09-A-21 concernant les carburants.

Dans les DOM, la petite taille des marchés et leur éloignement des principales sources d’approvisionnement sont des obstacles naturels à l’obtention de prix comparables à ceux observés en métropole. Aux surcoûts qui en résultent s’ajoute une taxe spécifique, l’octroi de mer, perçue par les collectivités locales sur les importations et qui accroît mécaniquement les prix de vente aux consommateurs.


Cependant, ces spécificités ne suffisent pas à expliquer l’importance des écarts de prix constatés entre la métropole et les DOM pour les produits de grande consommation. Ainsi, selon les relevés effectués sur un échantillon (1) d’environ 75 produits importés de métropole dans les quatre DOM, les écarts de prix en magasin avec la métropole dépassent 55 % pour plus de 50 % des produits échantillonnés, un pourcentage trop élevé pour trouver exclusivement sa source dans les frais de transport et l’octroi de mer. Surtout, l’Autorité identifie dans son avis plusieurs particularités des circuits d’approvisionnement des marchés domiens permettant aux opérateurs de s’abstraire partiellement du jeu concurrentiel, seul capable de faire baisser les prix en faveur du consommateur domien.

 

Une concurrence insuffisante dans les marchés de détail et de gros



Selon l’Autorité, le secteur de la grande distribution à dominante alimentaire dans les DOM est trop peu concurrentiel. Protégé par des barrières à l’entrée spécifiques (longueur des circuits logistiques vers les territoires ultramarins, rareté et prix élevé du foncier commercial), il présente un niveau de concentration élevé, certains groupes détenant des parts de marché en surfaces commerciales supérieures à 40 %, soit sur la totalité du département concerné, soit sur une ou plusieurs zones de chalandise.

Les comportements mis en œuvre par les opérateurs confirment ce manque de concurrence, qu’il s’agisse de la faible présence des marques de distributeurs dans les rayons ou de la quasi-absence de répercussion des marges arrière dans le prix de revente au consommateur.

La faible concurrence sur le marché de détail est d’autant plus préjudiciable au consommateur domien qu’en amont, les importateurs-grossistes auxquels fabricants et distributeurs font souvent appel sont eux aussi relativement préservés des pressions concurrentielles. En particulier, les pratiques d’exclusivités territoriales liant fréquemment fabricants et importateurs dans chaque DOM atténuent la capacité des distributeurs à arbitrer entre différents importateurs-grossistes ou entre ces derniers et les industriels implantés en métropole, réduisant ainsi la concurrence entre produits d’une même marque, voire entre produits de marques différentes. A titre d’illustration, à La Réunion, un seul grossiste commercialise les produits de deux grands groupes fromagers métropolitains (Lactalis et Bel) détenteurs des marques les plus connues des consommateurs. Plus généralement, du fait ces exclusivités, les distributeurs domiens ne peuvent finalement arbitrer qu’entre un nombre de fournisseurs plus restreint qu’en métropole. Le distributeur échouant ou n’étant pas incité à faire jouer la concurrence entre les importateurs-grossistes, ces derniers parviennent donc à prélever des marges commerciales conséquentes, qui oscillent entre 20 et 60 % pour un nombre élevé de références, voire approchent ou dépassent 100 %.


Les propositions de l’Autorité pour redynamiser la concurrence sur les marchés

Réprimer d’éventuelles pratiques anticoncurrentielles

A l’occasion de l’examen de la demande d’avis, des pratiques mises en œuvre à différents niveaux de la chaîne importation-distribution et susceptibles de recevoir la qualification d’ententes anticoncurrentielles (telles que prix de revente imposés, ententes horizontales, exclusivités de clientèle et restrictions au commerce parallèle) ont été portées à la connaissance de l’Autorité, qui engagera les enquêtes qu’elle estime nécessaires.
 

Fluidifier le jeu concurrentiel en supprimant les barrières réglementaires à l’entrée et en améliorant l’information du consommateur


L’Autorité préconise de lever les obstacles réglementaires qui s’opposent à l’arrivée de nouveaux acteurs, condition nécessaire à la pleine mise en œuvre du processus concurrentiel. Outre les réformes déjà mises en œuvre dans le cadre de la loi LME, la suppression du contrôle exercé par les CDAC (2) sur les projets d’implantation de plus de 1000m² et la diminution des seuils de notification pour les opérations de concentration (3) impliquant des grandes surfaces implantées dans les DOM sont de nature à promouvoir une structure du marché de la distribution de détail plus concurrentielle.

Par ailleurs, elle estime que les efforts mis en œuvre pour améliorer l’information des consommateurs sur les prix ou les politiques de prix des grands distributeurs doivent être poursuivis en tenant compte de plusieurs suggestions émises dans l’avis rendu public.
 

Mutualiser les circuits logistiques

Parallèlement à ces recommandations de nature concurrentielle, l’Autorité estime nécessaire de travailler à l’amélioration des circuits logistiques entre la métropole et les territoires domiens. La segmentation de l’approvisionnement entre différents opérateurs et intermédiaires empêche la réalisation d’économies d’échelle tout en accroissant le cumul des marges à chaque stade de la chaîne d’approvisionnement.

Les collectivités locales et l’Etat doivent donc mettre en place dans chaque DOM une mission d’études avec pour objectif de définir les modalités de création et de fonctionnement de centrales d’approvisionnement et de stockage régionales, qui, par mutualisation des moyens, réduiraient les coûts et permettraient aux distributeurs de mieux faire jouer la concurrence entre fabricants et intermédiaires.
 

Revoir les dispositifs d’aides aux entreprises locales

Enfin, l’Autorité recommande que soient réexaminés les dispositifs d’aides aux entreprises implantées dans les DOM, qu’il s’agisse de l’octroi de mer ou des exonérations de charges et des subventions versées aux industriels locaux. De telles mesures ne peuvent être justifiées que si leurs coûts à court-terme, en termes de prélèvement ou de renchérissement des prix, sont compensés par le développement, à moyen terme, d’une industrie locale compétitive.

Or, les éléments recueillis tendent à indiquer que ces mesures d’aide sont, dans le contexte actuel, peu incitatives à l’amélioration de la compétitivité des entreprises locales, voire encouragent des prix élevés. Dans le cas des yaourts, du café ou de l’eau de source produits localement, des marges et des prix plus élevés que ceux des produits importés ou vendus en métropole ont été constatés, en dépit des aides et protections dont bénéficient les producteurs locaux.

De tels exemples incitent à envisager une suppression progressive de l’octroi de mer et à instaurer un mécanisme d’évaluation des différentes aides allouées, notamment en termes de compétitivité des entreprises locales.

En tout état de cause, l’Autorité de la concurrence rappelle que la réglementation des prix n’est pas une solution aux problèmes de concurrence identifiés : en raison des risques qu’elle comporte et des difficultés de mise en œuvre, elle doit demeurer une mesure d’exception portant sur des secteurs ou des étapes du circuit d’approvisionnement clairement identifiés sur lesquels le jeu de la concurrence est mis en échec. Or, dans le cas d’espèce, une réglementation des prix pourrait aggraver le déficit de concurrence déjà constaté sans pour autant parvenir à faire diminuer les prix de façon durable.


(1) La finalité de ces relevés effectués par la DGCCRF à la demande de l’Autorité étant d’appréhender, de manière indicative, les différentiels de prix en magasin entre les DOM et la métropole pour des produits importés, les échantillons de produits utilisés ne sont pas représentatifs de la consommation des ménages domiens et n’ont pas vocation à être extrapolés afin de comparer de manière générale les niveaux des prix des produits de grande consommation dans les DOM et en métropole.

(2) Commission départementale d’aménagement commercial

(3) que l’Autorité propose de fixer à 7,5 millions d’euros (contre 15 actuellement) pour des opérations portant sur le commerce de détail outre-mer.

 

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Yannick Le Dorze
Yannick Le Dorze
Adjoint à la directrice de la communication
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