L’Autorité de la concurrence sanctionne SFR et sa filiale réunionnaise SRR à hauteur de près de 46 millions d’euros.

sfr

L’Autorité de la concurrence rend aujourd’hui une décision par laquelle elle prononce une sanction de 45 939 000 euros à l’encontre de SFR et de sa filiale réunionnaise SRR pour avoir mis en place et maintenu (plus de 12 ans à La Réunion et plus de 3 ans à Mayotte) un écart de prix abusifs, entre les appels passés vers d’autres clients du réseau de SRR (appels on net) et ceux, tarifés plus chers, émis vers les réseaux de ses concurrents (appels off net).

L’historique du dossier

Pour mémoire, l’Autorité de la concurrence a été saisie par les sociétés Orange (Orange Réunion et Orange Mayotte) et Outremer Télécom1, qui reprochaient à SRR d’abuser de sa position dominante à la Réunion et à Mayotte en pratiquant une différenciation tarifaire abusive entre les appels on net  et les appels off net.

Dans une première décision prise en 2009, l’Autorité de la concurrence, statuant en urgence, avait imposé à SRR, quelques semaines avant les fêtes de fin d’année qui constituent un pic de ventes, de mettre fin aux différences de tarifs excessives qu’elle pratiquait selon le réseau appelé par ses clients (voir communiqué de presse du 17 septembre 2009). Cette décision n’a pas été contestée par l’entreprise.

En 2012, l’Autorité de la concurrence a sanctionné SRR à hauteur de 2 millions d’euros pour ne pas avoir entièrement respecté la décision de 2009. SRR a en effet maintenu, pour plusieurs offres proposées en 2010 à La Réunion, une différence entre le prix des appels « on net » et celui des appels « off net » qui excédait les écarts de coûts (voir communiqué de presse du 24 janvier 2012). Cette décision n’a pas non plus été contestée par l’opérateur.

Aujourd’hui, l’Autorité de la concurrence rend sa décision au fond.

SRR a mis en place une différenciation tarifaire excessive au regard des coûts supportés entre les appels passés sur son réseau et ceux passés vers les réseaux concurrents

Seul opérateur jusqu’en 2000 à La Réunion et jusqu’en 2006 à Mayotte, SRR a conservé jusqu’à 70 % de parts de marché à l’époque des faits. Aujourd’hui, l’opérateur détient encore plus de la moitié du marché face à Orange et Outremer Télécom.

Dès l’arrivée d’Orange sur le marché à la fin 2000, SRR a pratiqué des différences de prix excessives, au regard des coûts de terminaisons d’appels supportés2, entre, d’une part, les appels passés vers son réseau et, d’autre part, les appels émis vers les réseaux concurrents.

SRR facturait de 3 à 24 centimes d’euro plus cher pour ses clients réunionnais les appels passés vers les autres réseaux (exemples : forfaits Maxxi, Intégral, forfaits bloqués, SFR La Carte) et jusqu’à 26 centimes d’euro plus cher pour ses clients à Mayotte (forfaits Intégral, Maxxi, Illimité, Compte liberté, cartes prépayées). Ces différences de prix concernaient aussi les envois de SMS, qui étaient de 3 à 10 centimes d’euro plus cher si le correspondant contacté était chez un concurrent (Compte Liberté, Compte Liberté Illimité, cartes prépayées, Forfait illimité).

Cette différenciation n’était pas justifiée par les coûts supportés par SRR pour l’acheminement de ces communications


Si l’existence d’une différenciation tarifaire n’est en soi pas condamnable, elle le devient lorsque cette différence de prix excède les écarts de coûts supportés par l’opérateur.

En l’espèce, pour les appels, les écarts de prix ont été plus de 3 fois supérieurs aux écarts de coûts supportés par SRR à La Réunion. À Mayotte,  les écarts de prix ont été parfois supérieurs de plus de 50 % aux écarts de coûts.

Pour les SMS, tant à la Réunion qu’à Mayotte, les écarts de prix constatés n’étaient pas non plus justifiés par un écart de coûts, l’envoi d’un SMS sur un réseau concurrent ne coûtant pas plus cher qu’un envoi sur le réseau SRR. 

Ces offres ont généré  un « effet club » artificiel, fait apparaître les concurrents comme des réseaux plus chers à appeler et affaibli leurs capacités financières

  • L’amplification de l’effet club

La différenciation tarifaire excessive entre appels et SMS on net et off net a amplifié un effet de « club », en encourageant les consommateurs à s’abonner auprès de SRR, qui comptabilisait le plus grand nombre de clients sur le territoire (en 2007, 560 000 lignes sur 800 000 ouvertes). Les consommateurs maximisaient ainsi la possibilité d’appeler et d’être appelés par le plus grand nombre possible de correspondants à un tarif attractif. 

  • Des opérateurs concurrents pouvant apparaître comme plus chers à appeler

Ces pratiques ont eu pour effet, au moins potentiel, de ternir « l’image prix » d’Orange et d’Outremer Télécom, qui ont pu apparaître aux yeux des consommateurs comme des réseaux plus chers à appeler. Les clients de SRR ont ainsi pu être incités à restreindre le volume de leurs appels destinés aux opérateurs concurrents, au regard des prix des appels.

  • Des ressources financières susceptibles d’avoir été amoindries pour Orange et Outremer Télécom

SRR, en réduisant en conséquence artificiellement le volume d’appels et de SMS à destination des réseaux d’Orange Réunion et d’Outremer Télécom, est susceptible d’avoir privé ses concurrents de revenus et de marges sur leur prestation de terminaison d’appel vocal et SMS, limitant ainsi leur capacité d’investissement potentielle.

La sanction prononcée

Ces pratiques ont concerné les offres commercialisées par SRR à La Réunion de fin 2000 à mi-2013 et à Mayotte de fin 2006 à début 2010.

L’Autorité de la concurrence a prononcé une sanction de 45 939 000 euros à l’encontre de SRR et SFR. Pour le calcul de la sanction, l’Autorité a tenu compte des critères légaux fixés par le code de commerce (gravité des faits, importance du dommage à l’économie, situation de l’entreprise) selon les modalités pratiques décrites dans son communiqué du 16 mai 2011 relatif à la méthode de détermination des sanctions.

SRR, qui n’a pas contesté les faits et s’est engagée à se doter d’un programme de conformité en matière de concurrence, s’est vu accorder une réduction de sanction de 18 % par rapport à celle qu’elle aurait normalement encourue.

Au cours des dernières années, les trois opérateurs Orange, SFR et Bouygues Télécom ont tour à tour dénoncé la mise en œuvre, par leurs concurrents, de pratiques de différenciation tarifaire entre appels on net et appels off net, qu’ils considéraient unanimement comme abusives.

En 2009, l’Autorité de la concurrence a notamment sanctionné Orange Caraïbe et France Télécom pour avoir freiné abusivement le développement de la concurrence en mettant en place diverses pratiques abusives, dont une pratique de différenciation tarifaire excessive entre les appels on net et off net dans la zone Antilles-Guyane (faits et sanction confirmés par la cour d’appel de Paris, voir en dernier lieu arrêt du 4 juillet 2013. Cet arrêt a fait l’objet d’un pourvoi devant la Cour de cassation).

En 2012, l’Autorité de la concurrence a sanctionné Orange et SFR à hauteur de 183 millions d’euros pour des pratiques similaires en métropole (voir communiqué de presse du 13 décembre 2012 / recours pendant devant la cour d’appel de Paris).


1Outremer Télécom (marque Only) a été racheté par Altice (également propriétaire de Numericable) en juillet 2013.

2Schématiquement, un appel est composé d’un départ d’appel puis d’une terminaison d’appel. Pour un appel on net, le départ d’appel et la terminaison d’appel se font sur le même réseau et l’opérateur n’a donc à supporter que deux opérations internes. Pour un appel off net, l’opérateur de l’appelant assure le départ de l’appel puis le livre à l’opérateur de l’appelé qui va assurer la terminaison d’appel. L’opérateur de l’appelé va facturer à l’opérateur de l’appelant cette prestation de terminaison d’appel. Ainsi, pour un appel off net, l’opérateur va devoir assurer le départ de l’appel puis acheter une prestation de terminaison d’appel à un opérateur tiers.

 

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Yannick Le Dorze
Yannick Le Dorze
Adjoint à la directrice de la communication
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