La Commission européenne ouvre une procédure d’examen du rachat d'Autotalks par Qualcomm fondée sur l’article 22 du règlement concentrations de 2004

Capteurs embarqués

L’essentiel

A la suite de la demande de renvoi formulée par l’Autorité et six autres autorités de concurrence en Europe (Belgique, Italie, Pays-Bas, Pologne, Espagne et Suède), à laquelle se sont joints huit autres Etats membres (Danemark, Finlande, Luxembourg, Irlande, République tchèque, Roumanie, Slovaquie et Portugal), la Commission européenne a décidé d’ouvrir une procédure d’examen de l’opération de rachat de Autotalks par Qualcomm sur le fondement de l’article 22 du règlement européen sur les concentrations (voir communication de la Commission du 18 août 2023).

Qualcomm et Autotalks sont des leaders mondiaux dans le secteur des technologies de communication à longue et courte portée, de plus en plus utilisées dans l’industrie automobile et le secteur des infrastructures routières. Ces technologies, qui fonctionnent à partir de capteurs embarqués, peuvent se regrouper sous le terme de « Système de Transport Intelligent Coopératif » (STI-C), ou V2X pour « vehicle-to-everything ». Elles permettent notamment aux véhicules d’échanger des informations entre eux et avec leur environnement, afin d'améliorer l'expérience de conduite, la sécurité routière, la sécurité des agents d'exploitation intervenant sur les routes et l'efficacité générale du trafic routier.

Ce secteur est en pleine expansion et représente un enjeu stratégique au niveau européen et français. En France, le déploiement des STI-C sur le territoire national est en cours depuis plusieurs années et de nombreuses entreprises des secteurs privé et public sont impliquées dans cette stratégie, notamment des gestionnaires routiers, des constructeurs automobiles, des équipementiers ainsi que des opérateurs de télécommunications.

C’est la deuxième fois que la procédure de renvoi via l’article 22 du règlement concentrations d’une opération « sous les seuils » est mise en œuvre par la Commission européenne

Il s’agit de la deuxième opération de concentration non soumise à notification obligatoire au niveau national et européen qui sera examinée par la Commission européenne au titre de l’article 22, après une première mise en œuvre « sous les seuils » de ce dispositif dans le cadre de l’opération Illumina / Grail en 2021 (voir le communiqué de presse de l’Autorité de la concurrence en date du 20 avril 2021), validée par le Tribunal de l’Union européenne dans un arrêt du 13 juillet 2022 (voir le communiqué de presse de l’Autorité de la concurrence en date du 13 juillet 2022).

L’opération a été annoncée le 8 mai 2023 pour un montant de transaction d’environ 350-400 millions de dollars. La Commission européenne a saisi l’ensemble des Etats membres du sujet, dans le cadre prévu par le paragraphe 5 de l’article 22. L’Autorité soutient fortement le recours à ce dispositif pour des opérations potentiellement problématiques qui échapperaient sinon à tout examen au titre du contrôle des concentrations en Europe (voir le communiqué de presse de l’Autorité de la concurrence en date du 15 septembre 2020).

Dans le cas présent, l’Autorité estime que la mise en œuvre de l’article 22 est particulièrement appropriée, Autotalks étant une entreprise innovante, décrite comme un pionnier dans son domaine, dont le chiffre d’affaires ne reflète pas son potentiel concurrentiel actuel ou futur. En outre, la valeur de l’opération, rapportée au chiffre d’affaires limité de la cible, est de nature à démontrer les perspectives importantes de développement que Qualcomm anticipe pour les technologies en cause.

  • Les entreprises parties à l’opération

Qualcomm et Autotalks, respectivement basées aux Etats-Unis et en Israël, sont simultanément actives dans la vente de systèmes de communication V2X en Europe, avec une présence commerciale dans plusieurs pays de l'EEE, y inclus en France. Elles se spécialisent sur les deux technologies existantes, à savoir cellulaire (C-V2X) et non cellulaire (ITS-G5 ou DSRC). Autotalks est le seul fournisseur de puces V2X compatibles avec ces deux technologies, ce qui lui permet de répondre efficacement à des standards différents au niveau mondial, y inclus en Europe où les deux technologies sont concomitamment déployées. En outre, l'offre de Qualcomm comprend divers produits verticalement ou étroitement liés aux puces V2X.

  • Les risques concurrentiels identifiés par l’Autorité

Sur la base d’une analyse préliminaire, les Etats membres à l’origine du renvoi ainsi que la Commission européenne considèrent que l’opération affecte le commerce entre États membres et menace d'affecter de manière significative la concurrence sur l’ensemble du territoire européen.

En effet, les marchés concernés par cette opération sont susceptibles d'être de dimension géographique européenne, voire mondiale. Sur ces marchés, les deux parties vendent notamment leurs produits à des constructeurs automobiles et des équipementiers, eux-mêmes susceptibles de se fournir et d'offrir leurs produits à l'échelle européenne, voire mondiale. Par ailleurs, l’Autorité considère qu’il existe un risque réel que l'opération ait des effets néfastes significatifs sur la concurrence et donc qu'elle mérite un examen approfondi. Parmi les marchés concernés par l'acquisition envisagée, l'Autorité a notamment relevé que le marché de la vente de puces V2X est extrêmement concentré et que les barrières à l’entrée y sont élevées. Ainsi, en supprimant la pression concurrentielle importante qui pèse aujourd'hui sur les parties, l’opération accroîtrait sensiblement le pouvoir de marché de Qualcomm et pourrait notamment conduire à une augmentation sensible des prix dans les secteurs en cause, mais également à des conséquences en matière d’innovation.

Contact(s)

Maxence Lepinoy
Maxence Lepinoy
Chargé de communication, responsable des relations avec les médias
Imprimer la page