Energie / Environnement

Granulés de bois de chauffage : l'Autorité rend son avis à la commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale

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L'essentiel

L’Autorité de la concurrence a été saisie par la commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale d’une demande d’avis concernant la situation concurrentielle dans le secteur des granulés de bois de chauffage à usage domestique.

Cette demande s’inscrit dans le contexte suivant : les granulés de bois, utilisés notamment par les particuliers pour se chauffer grâce à des poêles ou chaudières, jusqu’alors caractérisés par des prix stables et particulièrement attractifs par rapport aux autres sources d’énergie, ont connu sur la période 2021/2022 une très forte augmentation des prix ainsi que des tensions à l’approvisionnement, au détriment des consommateurs. Cette situation semble pouvoir s’expliquer par la conjonction de plusieurs facteurs économiques.

Dans un souci d’accompagnement de la filière au bénéfice des consommateurs, l’Autorité a examiné, au regard du droit de la concurrence, les pistes envisagées par les différents acteurs de la filière dans le but de limiter la survenance et les effets d’une telle situation à l’avenir. L’Autorité formule ainsi des recommandations concernant plusieurs mesures et, en particulier, le déploiement d’indices mensuels relatifs aux prix, volumes et stocks, le renforcement de la flexibilité de l’offre ainsi que les dispositifs temporaires permettant de limiter les effets sur les consommateurs d’une telle situation.

Enfin, l’Autorité rappelle aux acteurs qu’ils peuvent solliciter, dans le cadre procédural prévu par le communiqué publié le 27 mai 2024, des orientations informelles en vue d’évaluer la conformité aux règles de concurrence de certaines initiatives poursuivant un objectif de développement durable.

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Le secteur des granulés de bois de chauffage à usage domestique

Le secteur des granulés de bois de chauffage est un secteur récent et en croissance en France. Renouvelables et peu coûteux par rapport aux autres énergies, les granulés de bois sont plébiscités par les Français. Ceci a été accentué par les politiques publiques de soutien à cette source de chaleur. En 2022, la consommation française s’élevait ainsi à 2,5 millions de tonnes, pour une production de 2,05 millions de tonnes. S’il s’agit d’une énergie locale et de proximité, l’import‑export peut constituer une variable d’ajustement en cas de forte ou de faible demande.

Ce secteur est en outre marqué par une grande fragmentation de l’offre, du côté des producteurs comme des distributeurs.

 

Une situation de tension sur la période 2021/2022, expliquée par plusieurs facteurs économiques

L’Autorité estime que la situation qu’a connue la filière ces dernières années, et sur la période 2021/2022 en particulier, s’explique par plusieurs facteurs économiques.

Il s’agit, en premier lieu, d’un déséquilibre conjoncturel entre l’offre et la demande sur le territoire français, avec une demande très importante et précoce, causée notamment par l’augmentation des installations d’appareils de chauffage à granulés, par un report de la consommation des ménages vers cette source d’énergie et par une anticipation des achats de la part de certains ménages.

En second lieu, la hausse générale des coûts de production et l’importation (dans le but de réduire le déséquilibre entre l’offre et la demande nationales) de granulés, en provenance de territoires limitrophes qui connaissaient des prix plus élevés qu’en France, ont également fortement contribué à cette situation exceptionnelle.

En tant que tel, le résultat du jeu entre l’offre et la demande, même s’il a été temporairement au détriment des consommateurs, n’est pas problématique au regard des règles de concurrence.

 

Les recommandations de l’Autorité concernant les pistes envisagées par les acteurs de la filière pour limiter à l’avenir la survenance et les effets de tels phénomènes

  • Le déploiement d’indices mensuels

Le Centre d’études de l’économie du bois (le CEEB) publie actuellement des mercuriales trimestrielles. Il souhaite aller plus loin et mettre en place des indices mensuels relatifs aux prix, aux volumes et aux stocks.

L’Autorité souligne toutefois qu’une telle transparence doit être mise en place avec vigilance compte tenu des risques concurrentiels potentiels qui y sont associés.

Recommandations

-Recourir à des données agrégées et collectées a posteriori avec un délai suffisant par rapport à leur constatation pour ne pas permettre aux entreprises de connaître et surveiller en temps réel la politique commerciale de leurs concurrents ;

-Mettre en place une communication publique ;

-Expliciter l’intérêt des indices mensuels et rappeler la nécessité pour chacun de définir ses prix selon sa propre stratégie et en tenant compte de sa propre structure de coût ;

-S’abstenir de promouvoir l’indexation des tarifs sur les indices de prix dans les contrats et d’indiquer aux acteurs l’action conjointe à entreprendre sur la base des informations publiées.

  • Les pistes tenant à un renforcement de la flexibilité de l’offre

Le renforcement des capacités de stockage

Une des pistes évoquées serait de renforcer les capacités de stockage. Cela permettrait de lisser la disponibilité de l’offre et de la décorréler en partie des fluctuations de la production.

L’Autorité précise que renforcer les capacités de stockage est de nature à renforcer les risques de comportement spéculatif. En l’espèce cependant, étant donné les caractéristiques de l’offre (production et distribution fragmentées entre de nombreux acteurs de taille modeste), de la demande (demande incertaine et soumise aux aléas climatiques) et du produit (produit volumineux, dont le stockage est coûteux et dont la qualité est difficile à conserver), ce risque semble limité.

Le recours ponctuel aux importations

Une autre piste évoquée serait le recours ponctuel à l’importation, en réponse aux déséquilibres entre l’offre et la demande. L’importation peut toutefois avoir un coût supérieur au coût de fourniture de granulés produits sur le territoire national.

Recommandations

-Lorsqu’ils recourent à l’importation, les acteurs doivent rester vigilants quant à l’information apportée aux consommateurs. Une information fallacieuse, si elle était le fait d’un opérateur dominant ou le fruit d’une stratégie coordonnée d’opérateurs concurrents, pourrait en effet être appréhendée au titre du droit de la concurrence si l’information considérée était un paramètre de concurrence ;

-Les opérateurs doivent s’abstenir de fixer conjointement leur stratégie en matière de répercussion dans les prix du surcoût éventuel lié à l’importation ;

-Si des acteurs mutualisaient certaines importations ou certains moyens utilisés pour l’importation, au cas par cas ou de manière plus pérenne, ils devraient veiller à le faire dans le respect des règles de concurrence et notamment, s’ils sont concurrents, en s’abstenant de toute stratégie collective d’alignement et de tout échange d’informations anticoncurrentiel.

L’activation d’une plateforme de gestion des demandes clients

Les acteurs envisagent de mettre en place une plateforme de gestion des demandes clients. S’inspirant d’une solution mise en place en Autriche, la filière envisage le déploiement d’une plateforme qui permettrait aux consommateurs le souhaitant, en cas de situation similaire à celle vécue au cours de la période 2021/2022, d’entrer une demande unique à laquelle pourraient répondre les distributeurs participants. Selon les parties prenantes, les prix ne seraient ni déterminés ni partagés sur la plateforme, qui serait activée en cas de « crise » uniquement. Cette plateforme est en cours de finalisation et sera testée dans les prochains mois.

Recommandations

-Déterminer des critères précis d’activation de la plateforme ;

-Concevoir et opérer la plateforme dans des conditions ne permettant pas l’échange d’informations sensibles, notamment tarifaires, entre acteurs ;

-Prévoir un mécanisme d’accès aux demandes des consommateurs permettant de préserver le jeu concurrentiel entre distributeurs.

Les recommandations de l’Autorité concernant les dispositifs envisagés par les pouvoirs publics

  • Le chèque énergie bois

Le chèque énergie bois a été mis en place en décembre 2022. L’Autorité constate toutefois qu’il a été peu utilisé. Si un tel dispositif devait être envisagé à nouveau, il conviendrait de s’assurer que ses modalités limitent au maximum l’altération du jeu concurrentiel.

Recommandations

Le recours au chèque énergie bois doit être temporaire afin de limiter les éventuels effets d’aubaine, du côté des fournisseurs notamment : en aidant financièrement une large part de la demande à régler ses factures énergétiques, et dans des circonstances où cette demande est peu sensible au prix, les pouvoirs publics créent une incitation à l’augmentation des prix du côté des fournisseurs.

  • Le blocage des prix

Le code de commerce prévoit la possibilité que le Gouvernement puisse, en situation de crise, recourir au mécanisme de blocage des prix. L’Autorité considère toutefois qu’un tel mécanisme, non usuel en économie de marché, peut inciter les offreurs à s’aligner sur le prix plafond au détriment des consommateurs et doit être envisagé comme un outil temporaire pour faire face à une situation exceptionnelle.

Recommandations

Si un tel mécanisme devait, à titre exceptionnel, être mobilisé dans le secteur des granulés, il conviendrait de le circonscrire au maximum.

Informations aux entreprises :

Depuis 2020, l’Autorité s’est engagée dans une politique de « porte ouverte ». Les acteurs désireux de développer des projets vertueux mais pour lesquels l’analyse au regard des règles de concurrence est particulièrement complexe, peuvent en effet se rapprocher de l’Autorité afin de bénéficier d’orientations leur permettant de mieux auto-évaluer la compatibilité de leurs projets au regard des règles de concurrence.

Afin d’accompagner les entreprises dans cette démarche, l’Autorité a publié le 27 mai 2024 un document-cadre, après avoir mené une large consultation publique. Ce document s'articule avec les grilles d'analyse qui figurent dans le chapitre des nouvelles lignes directrices horizontales de la Commission européenne relatif aux accords de développement durable tout en retenant un champ plus large qui couvre l'ensemble de l'analyse concurrentielle, à l'exception des concentrations.

Pour en savoir plus, consulter l’espace dédié à ces questions sur le site internet de l’Autorité de la concurrence.

Contact(s)

Maxence Lepinoy
Chargé de communication, responsable des relations avec les médias
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