Développement durable et concurrence, une combinaison qui progresse
Notre monde connaît de grands bouleversements sociétaux parmi lesquels figure l’urgence de créer une société plus durable et résiliente. Le développement durable est ainsi devenu un sujet d’actualité important pour les autorités de concurrence tant au niveau européen, avec les ambitions du Pacte Vert et la révision des règlements d’exemption par catégorie, qu’au niveau national, avec la volonté affirmée par l’Autorité d’investir ces sujets.
Les questions de développement durable prennent désormais une place grandissante en matière contentieuse, consultative et dans le cadre du contrôle des concentrations avec, en particulier, l’examen de nouveaux marchés. Elles émergent également dans l’accompagnement qu’offre l’Autorité dans le cadre de sa politique de « porte ouverte » permettant aux acteurs engagés dans la transition de venir la consulter en amont sur leurs projets.
Un cadre juridique clarifié
En matière de développement durable, les entreprises prennent désormais part au changement. Si, de prime abord, la politique de concurrence n’apparaît pas en première ligne sur les questions de durabilité, droit de la concurrence et développement durable trouvent cependant un point de rencontre dans la mesure où, en protégeant le processus concurrentiel, le droit de la concurrence protège et promeut non seulement le bien-être du consommateur, qui s’exprime de plus en plus vers des produits durables, mais également les innovations durables. Plus directement encore, le droit de la concurrence encadre les initiatives envisagées par les acteurs économiques en matière de développement durable. Or ces initiatives peuvent, dans certains cas, potentiellement contredire le droit de la concurrence. L’examen de ces initiatives par les autorités de concurrence permet alors de sécuriser les coopérations favorables au développement durable qui génèrent des effets positifs en termes d’intérêt public compensant les effets négatifs sur la concurrence et qui bénéficient en particulier suffisamment aux consommateurs.
Une réflexion approfondie
En France, l’Autorité a conscience de la difficulté pour les acteurs économiques de s’assurer, dans certains cas, que leurs accords ne posent pas de problèmes sur le terrain concurrentiel. C’est la raison pour laquelle les services d’instruction mènent une réflexion approfondie sur ces sujets au sein d’un réseau interne dédié (Réseau du développement durable) et l’Autorité participe aux multiples travaux engagés dans les enceintes internationales, que ce soit à l’OCDE, au sein du réseau européen de concurrence ou encore du réseau international de concurrence.
Au niveau européen, les nouvelles règles relatives aux accords verticaux et horizontaux prennent largement en compte la nécessité de clarifier le cadre juridique et de l’adapter aux évolutions économiques et sociétales qui sont intervenues ces dix dernières années en matière de transitions numérique et écologique. Ainsi, les lignes directrices sur les accords entre concurrents comportent désormais un chapitre consacré à l’évaluation des accords poursuivant des objectifs de durabilité. Elles clarifient ainsi dans quels cas les entreprises peuvent licitement coopérer avec des concurrents, y compris, le cas échéant, en bénéficiant d’une exemption individuelle pour les situations les plus complexes. Le texte accorde, en particulier, une attention particulière aux accords qui fixent des normes de durabilité, c’est-à-dire des standards, dans la mesure où cela devrait être en pratique la forme de coopération la plus fréquemment retenue pour réaliser les objectifs de durabilité.
Un accompagnement dans l’analyse des projets vertueux les plus complexes
Depuis 2020, l’Autorité s’est par ailleurs engagée dans une politique de « porte ouverte ». Les acteurs désireux de développer des projets vertueux mais pour lesquels l’analyse au regard des règles de concurrence est particulièrement complexe, peuvent en effet se rapprocher de l’Autorité afin de bénéficier d’orientations leur permettant de mieux auto-évaluer la compatibilité de leurs projets au regard des règles de concurrence.
Afin d’accompagner les entreprises dans cette démarche, l’Autorité a publié le 27 mai 2024 un document-cadre, après avoir mené une large consultation publique. Ce document s'articule avec les grilles d'analyse qui figurent dans le chapitre des nouvelles lignes directrices horizontales de la Commission européenne relatif aux accords de développement durable tout en retenant un champ plus large qui couvre l'ensemble de l'analyse concurrentielle, à l'exception des concentrations.