Téléchargement de musique sur internet: le Conseil rejette la saisine de VirginMega à l’encontre d’Apple, faute d’éléments suffisamment probants

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Saisi le 28 juin 2004 d’une plainte de la société VirginMega à l’encontre de pratiques mises en œuvre par la société Apple Computer France et d’une demande de mesure conservatoire, le Conseil a considéré qu’en l’état actuel du dossier, il n’y avait pas d’éléments suffisamment probants de l’existence de pratiques contraires au droit de la concurrence.

Il a par conséquent rejeté la saisine ainsi que la demande de mesure conservatoire qui lui était associée.

La plainte de VirginMega


VirginMega, filiale du groupe Lagardère, propose une plate-forme de téléchargement de musique sur internet.

Les consommateurs qui téléchargent des titres musicaux sur la plate-forme VirginMega ne peuvent les transférer directement sur les baladeurs numériques iPod, fabriqués et commercialisés par Apple. Cette impossibilité de transfert direct provient de l’incompatibilité entre les dispositifs de gestion des droits numériques (Digital Rights Manager ou DRM) utilisés par la plate-forme VirginMega et les baladeurs iPod.

VirginMega utilise en effet le DRM de Microsoft alors que l’iPod n’est compatible qu’avec le DRM propriétaire d’Apple, FairPlay. VirginMega a demandé à Apple une licence de manière à pouvoir intégrer à sa plate-forme le DRM FairPlay, moyennant le paiement d’une redevance mais s’est vu opposer un refus.

VirginMega estime que l’accès au DRM FairPlay est indispensable à l’exercice de l’activité d’opérateur de musique en ligne, que FairPlay est une ressource essentielle et que le refus d’accès de la part d’un opérateur dominant sur le marché connexe des baladeurs numériques sécurisés à disque dur constitue un abus.
 

Le Conseil constate que l’accès au DRM Fairplay n’est pas indispensable pour le développement des plate-formes légales de téléchargement de musique en ligne


Le Conseil de la concurrence, sans méconnaître les inconvénients, pour les consommateurs, liés à l’absence de compatibilité entre logiciels et matériels, ne peut que relever que des situations de ce type sont récurrentes dans les secteurs liées aux technologies de l’information, où les innovations se succèdent à un rythme élevé. Ces ajustements des marchés aux innovations ne révèlent pas nécessairement des atteintes au droit de la concurrence.

Il rappelle que, pour qu’un abus de domination puisse être caractérisé, selon la jurisprudence, sur le fondement d’un refus d’accès à une ressource essentielle, il faut notamment que l’accès à celle-ci soit indispensable. Or, en l’espèce, le caractère indispensable de l’accès au DRM d’Apple n’apparaît pas établi pour 3 raisons :

  • le transfert sur baladeur ne constitue qu’un usage minoritaire parmi les usages actuels de la musique téléchargée : l’écoute sur l’ordinateur, le stockage et la gestion de la musique sur l’ordinateur (notamment création de compilations personnelles et la gravure de CD) sont majoritaires aujourd’hui, loin devant le transfert sur baladeur numérique.
     
  • il existe une solution de contournement simple, peu coûteuse et très courante, en cas d’incompatibilité des DRM : la gravure sur CD.
     
  • l’apparition récente en France de nombreux baladeurs numériques, avec et sans disque dur, sécurisés avec le DRM de Microsoft et compatibles avec la plate-forme VirginMega.

Le risque d’élimination de la concurrence paraît extrêmement réduit étant donné le fort dynamisme du marché

Le marché du téléchargement de musique en ligne est en plein essor. Le site iTunes Music Store n’opère en Europe que depuis le 16 juin dernier. La concurrence sur ce marché est très dynamique, tant en France que dans les autres pays européens et aux Etats-Unis.

En France, la concurrence entre les six acteurs présents est déjà très intense, notamment au niveau des prix, les marges étant extrêmement réduites (de l’ordre de quelques centimes d’euro par titre). Deux opérateurs majeurs entrent aujourd’hui sur le marché (Sony Connect et Fnacmusic) et il existe de nombreux concurrents potentiels.

Le lien de causalité entre la position éventuellement dominante d’Apple sur le marché des baladeurs à disque dur et la situation de la concurrence sur le marché du téléchargement n’est pas établi

Le Conseil souligne que de multiples modèles de baladeurs, avec ou sans disque dur, intégrant le DRM de Microsoft et compatibles avec la plate-forme VirginMega, apparaissent sur le marché français.

Au surplus, les baladeurs à disque dur ne représentent pas la majorité des ventes de baladeurs numériques. Ils sont et resteront longtemps dominés par les baladeurs flash, qui peuvent également intégrer le DRM de Microsoft (plusieurs modèles sécurisés sont déjà disponibles en France).

Le rejet de la saisine au fond et de la demande de mesure conservatoire


Pour ces raisons, le Conseil a considéré qu’en l’état actuel du dossier, il ne pouvait utilement poursuivre un instruction tendant à démontrer l’existence d’un refus d’accès abusif à une facilité essentielle.

Il rappelle toutefois qu’un rejet pour défaut d’éléments suffisamment probants ne fait pas obstacle à ce que les entreprises du secteur, dans le cas où elles disposeraient d’éléments nouveaux provenant de l’observation ultérieure du marché, puissent saisir utilement le Conseil.

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Yannick Le Dorze
Yannick Le Dorze
Adjoint à la directrice de la communication
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