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Saisie par la commission des finances du Sénat, l’Autorité de la concurrence publie un avis relatif au secteur de l’assurance de dommages aux biens des collectivités territoriales

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L'essentiel

L’Autorité de la concurrence a été saisie sur le fondement de l’article L.462-1 du code de commerce par le Président de la commission des finances du Sénat, d’une demande d’avis concernant la situation concurrentielle dans le secteur de l’assurance de dommages aux biens des collectivités territoriales en France.

Après avoir consulté et interrogé différents acteurs (associations représentant des collectivités territoriales, assureurs, Fédération Française de l’Assurance, société de conseil en assurance…), l’Autorité constate que ce secteur, stratégique pour la protection des patrimoines publics, est caractérisé par une offre très concentrée, dominée par deux opérateurs principaux (Groupama et SMACL Assurances SA), et par une faible intensité concurrentielle.

Dans cet avis, l’Autorité constate que les collectivités territoriales, bien que non légalement obligées de souscrire une assurance de dommages pour leurs biens, optent largement pour cette solution afin de se prémunir contre les risques financiers liés aux sinistres. Néanmoins, elles font face à de nombreux obstacles (contraintes liées à la complexité des règles de la commande publique, appels d’offres infructueux et hausses importantes des primes et des franchises).

Le présent avis s’attache à proposer des solutions susceptibles de dynamiser l’offre de ce secteur et, en particulier, à décrire les leviers à la disposition des collectivités pour animer la concurrence. L’Autorité formule, dès lors, sept recommandations consistant, soit à améliorer la préparation des marchés publics d’assurance (recommandations n° 1 à 3), soit à sécuriser la souscription des contrats d’assurance (recommandations n° 4 à 7) :

  • Recommandation n° 1 : l’Autorité recommande de renforcer la connaissance, par les collectivités territoriales, de leur patrimoine et de l’ensemble des risques auxquels elles sont confrontées. Une fois ces risques identifiés, il convient d’encourager les collectivités à prendre les mesures nécessaires pour prévenir leur survenance et/ou leurs conséquences.
  • Recommandation n° 2 : l’Autorité invite les collectivités territoriales à se faire accompagner, si nécessaire, dans la préparation et le déroulement de la procédure de passation de leurs marchés d’assurance, en leur rappelant qu’elles peuvent avoir recours à des services partagés avec d’autres collectivités ou à des services d’assistance à la maîtrise d’ouvrage.
  • Recommandation n° 3 : l’Autorité invite les collectivités territoriales à partager entre elles leurs retours d’expérience sur l’organisation concurrentielle des marchés d’assurance.
  • Recommandation n° 4 : l’Autorité recommande de clarifier l’application du code de la commande publique aux marchés d’assurance des collectivités territoriales, par la formulation de consignes pratiques et juridiques claires à l’égard de ces dernières.
  • Recommandation n° 5 : l’Autorité invite les collectivités territoriales à allonger les délais de réponses des assureurs à leurs appels d’offres.
  • Recommandation n° 6 : l’Autorité invite les collectivités territoriales à procéder à un étalement du processus de mise en concurrence et à assurer la publicité la plus large et la plus précoce possible sur le calendrier de leurs appels d’offres.
  • Recommandation n° 7 : l’Autorité recommande aux collectivités territoriales d’envisager systématiquement les possibilités d’allotissement avant de prendre les décisions relatives aux prochaines échéances de leurs contrats avec des opérateurs.

Un secteur marqué par une faible concurrence

Dans son avis, l’Autorité constate que le secteur de l’assurance de dommages aux biens des collectivités territoriales est marqué par une forte concentration de l’offre autour de deux principaux acteurs, Groupama et SMACL Assurances SA, qui représentent plus de 40 % de ce secteur en valeur. Cette intensité concurrentielle limitée s’explique notamment par la complexité des règles de la commande publique (qui nécessite, pour les assureurs, des équipes dédiées ainsi que des connaissances et des compétences spécifiques) mais aussi, par de moindres perspectives de rentabilité par rapport aux contrats applicables aux autres clients professionnels.

Les éléments structurels expliquant les dysfonctionnements du secteur de l’assurance de dommages aux biens des collectivités territoriales

  • Relation déséquilibrée entre les collectivités territoriales et les assureurs

L’Autorité souligne que la structure et la dynamique concurrentielle du secteur positionnent les collectivités territoriales dans une relation déséquilibrée vis-à-vis des assureurs, cette situation ne permettant pas de satisfaire pleinement la demande des collectivités.

Un nombre substantiel d’appels d’offres n’aboutissent à aucune réponse de la part des assureurs1 et par ailleurs, certaines collectivités territoriales reçoivent, depuis les années 2022-2023, des offres prévoyant des tarifs ajustés à la hausse ou des conditions contractuelles plus défavorables qu’auparavant.

L’Autorité observe également une hausse du nombre des résiliations de leurs contrats d’assurance à l’initiative de l’assureur, avec des préavis s’avérant incompatibles avec le lancement d’un nouvel appel d’offres. Enfin, elle relève également que des avenants aux contrats interviennent souvent pour imposer une hausse des primes, un relèvement des franchises ou encore une baisse des montants indemnisés, avenants que les collectivités sont contraintes d’accepter, faute d’alternative.

  • Connaissance incomplète de la part des collectivités territoriales

Il ressort de l’instruction et des auditions menées en séance que les collectivités territoriales ont une connaissance incomplète de leur patrimoine et du niveau de sinistralité auquel leurs biens mobiliers et immobiliers sont confrontés. Cette situation soulève des difficultés, en particulier dans le cadre des procédures formalisées et rend par ailleurs plus délicate la mise en place de mesures de prévention pertinentes qui permettraient pourtant de réduire les coûts d’assurance.

  • Les règles de la commande publique constituent une contrainte 

Les assureurs interrogés considèrent que la procédure formalisée par appel d’offres se révèle contraignante pour ce type de contrats puisque ces derniers doivent adapter leur offre au cahier des charges déterminé par la collectivité et n’ont pas la possibilité d’émettre des réserves ou de négocier avec la collectivité. Les contrats issus de ces appels d’offres peuvent dans les faits se révéler inefficaces pour couvrir véritablement leurs besoins. Par ailleurs, les assureurs disposent d’un temps souvent trop restreint pour répondre à ces appels d’offres, ce qui peut les inciter à ne pas candidater.

 

Les recommandations émises par l’Autorité

Face à ce constat, l’Autorité préconise une série de mesures pour dynamiser l’offre des assureurs et  ainsi renforcer le jeu concurrentiel dans ce secteur. Ces recommandations s’articulent autour de deux axes principaux : l’amélioration de la préparation des marchés publics (recommandations n° 1 à 3), et la sécurisation de la souscription des contrats d’assurance (recommandations n° 4 à 7).

  • L’amélioration de la préparation des marchés publics d’assurance

L’amélioration de la préparation des marchés publics d’assurance passe par un effort accru des collectivités pour inventorier leur patrimoine et mieux identifier les risques auxquels elles sont exposées. Une meilleure connaissance de ces éléments est essentielle pour définir des besoins précis et attractifs pour les assureurs. L’Autorité encourage également les collectivités à mutualiser leurs ressources ou à recourir à des services d’assistance à la maîtrise d’ouvrage, afin de pallier les lacunes techniques et juridiques souvent constatées dans la préparation des appels d’offres.

 

1 Depuis le 1er janvier 2023, 24 % des collectivités répondantes indiquent avoir lancé un appel d’offres pour lequel aucun assureur n’a répondu (Rapport de la commission des finances du Sénat).

  • Recommandation n° 1 : l’Autorité recommande de renforcer la connaissance, par les collectivités territoriales, de leur patrimoine et de l’ensemble des risques auxquels elles sont confrontées. Une fois ces risques identifiés, il convient d’encourager les collectivités à prendre les mesures nécessaires pour prévenir leur survenance et/ou leurs conséquences.
     
  • Recommandation n° 2 : l’Autorité invite les collectivités territoriales à se faire accompagner, si nécessaire, dans la préparation et le déroulement de la procédure de passation de leurs marchés d’assurance, en leur rappelant qu’elles peuvent avoir recours à des services partagés avec d’autres collectivités ou à des services d’assistance à la maîtrise d’ouvrage.
     
  • Recommandation n° 3 : l’Autorité invite les collectivités territoriales à partager entre elles leurs retours d’expérience sur l’organisation concurrentielle des marchés d’assurance.
  • La sécurisation du cadre de  de souscription des contrats d’assurance

L’Autorité recommande de clarifier l’application des règles de la commande publique, notamment en précisant les cas où des procédures avec négociation ou dialogue compétitif pourraient être utilisées, d’allonger les délais de réponse aux appels d’offres et d’étaler sur l’année le lancement de leurs appels d’offres afin qu’ils n’aient pas tous lieu à la même période. Ces solutions permettraient de mieux adapter les attentes des collectivités aux contraintes des assureurs, tout en élargissant le champ des réponses possibles.

Enfin, en cas de risque d’appel d’offres infructueux, l’Autorité souligne l’importance d’étudier un éventuel recours à l’allotissement, qui permettrait de structurer les appels d’offres de manière plus flexible, en ouvrant des opportunités pour les opérateurs de taille intermédiaire et en favorisant une plus grande diversité d’offres.

  • Recommandation n° 4 : l’Autorité recommande de clarifier l’application du code de la commande publique aux marchés d’assurance des collectivités territoriales, par la formulation de consignes pratiques et juridiques claires à l’égard de ces dernières.
     
  • Recommandation n° 5 : l’Autorité invite les collectivités territoriales à allonger les délais de réponses des assureurs à leurs appels d’offres.
     
  • Recommandation n° 6 : l’Autorité invite les collectivités territoriales à procéder à un étalement du processus de mise en concurrence et à assurer la publicité la plus large et la plus précoce possible sur le calendrier de leurs appels d’offres.
     
  • Recommandation n° 7 : l’Autorité recommande aux collectivités territoriales d’envisager systématiquement les possibilités d’allotissement avant de prendre les décisions relatives aux prochaines échéances de leurs contrats avec des opérateurs.

Contact(s)

Maxence Lepinoy
Chargé de communication, responsable des relations avec les médias
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