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L’Autorité de la concurrence sanctionne SFR et sa filiale réunionnaise à hauteur de 10 millions d’euros pour avoir mis en œuvre des pratiques abusives sur le marché « entreprises ».

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L’essentiel

L’Autorité de la concurrence rend aujourd’hui une décision par laquelle elle prononce une sanction de 10,7 millions d’euros à l’encontre de SFR et de sa filiale réunionnaise SRR pour avoir, sur le marché de la téléphonie mobile destinée à la clientèle professionnelle, mis en place et maintenu (12 ans à La Réunion et 6 ans à Mayotte)  des écarts de prix abusifs entre les appels passés vers d’autres clients du réseau de SRR (appels on net) et ceux, tarifés plus chers, émis vers les réseaux de ses concurrents (appels off net1).

Cette décision intervient après une première décision rendue en 2014 sanctionnant SFR et SRR à près de 46 millions d’euros pour les mêmes pratiques mises en œuvre sur le marché de la téléphonie mobile à destination des particuliers (voir communiqué de presse du 13 juin 2014).

L’Autorité de la concurrence a déjà sanctionné l’opérateur pour des pratiques de différenciation tarifaire abusive sur le marché à destination des particuliers

Après une mesure d’urgence prise par l’Autorité en 20092 enjoignant à SFR de mettre fin aux différences de tarifs excessives qu’elle pratiquait selon le réseau appelé par ses clients et une décision sanctionnant SFR pour non respect de la totalité de l’injonction, l’Autorité de la concurrence a rendu en juin 2014 sa décision au fond3. Par cette décision, elle a prononcé une sanction de près de 46 millions d’euros à l’encontre de SFR et SRR.

Aujourd’hui, l’Autorité rend sa décision concernant le marché professionnel, dossier qui avait été disjoint du précédent.

Comme sur le marché à destination des particuliers, SRR a, sur le marché des professionnels, mis en place une différenciation tarifaire abusive entre les appels passés sur son réseau et ceux passés vers les réseaux concurrents au regard des coûts qu’elle supportait pour ces mêmes appels 

De 2000 à 2013 à La Réunion et de 2007 à 2013 à Mayotte, SFR, premier opérateur sur les deux marchés avec 60 % de parts de marché à La Réunion et 85 % à Mayotte, a commercialisé des offres présentant des différences tarifaires importantes entre les appels on net et les appels off net. Les Forfaits Pro, Forfait Flotte, Intégrale Entreprise, Évidence étaient notamment concernés.

A titre d’exemple, pour le « Forfait Flotte », qui a constitué entre 2000 et 2004 la seule proposition faite aux PME, les écarts de prix entre appels on net et off net s’élevaient à 21,2 centimes d’euros sur l’ensemble de la période, alors que les coûts supportés ont été au maximum de 6,24 centimes.

Cette différence de prix n’était pas justifiée par les coûts supportés par SFR

Si l’existence d’une différenciation tarifaire n’est en soi pas condamnable, elle le devient lorsque cette différence de prix excède les écarts de coûts supportés par l’opérateur dominant.

En l’espèce, les écarts de prix à La Réunion ont pu être jusqu’à 10 fois supérieurs aux écarts de coûts. A Mayotte, ils ont représenté jusqu’à près de 3 fois les écarts de coûts.

Ces offres ont fortement incité les entreprises à rejoindre le réseau le plus développé et fait apparaître les concurrents comme des réseaux plus chers à appeler

La différenciation tarifaire excessive entre appels on net et off net a amplifié un effet de « club », en encourageant les professionnels à s’abonner auprès de SRR, qui comptabilisait le plus grand nombre de clients sur les deux territoires. Les entreprises avaient en effet tout intérêt à privilégier ce réseau pour maximiser les chances de pouvoir appeler et d’être appelés à des prix attractifs.

Ces pratiques ont également terni et dégradé l’image des concurrents de SFR en faisant apparaître leurs offres plus onéreuses.

Des pratiques graves qui ont touché la quasi-totalité du parc des PME

Ces offres, qui ont constitué un standard du marché et ont concerné pendant plusieurs années la quasi-totalité des offres commercialisées à destination des entreprises, ont touché la quasi-totalité du parc des PME.
 Pour ces PME, déjà soumises aux surcoûts spécifiques qu’implique l’insularité, ces pratiques ont renchéri leurs coûts d’exploitation et limité de ce fait leurs possibilités d’investir.

La sanction prononcée

En conséquence, l’Autorité de la concurrence a prononcé une sanction de 10,7 millions d’euros à l’encontre de SFR et SRR. Dans son calcul, elle a tenu compte de la gravité des faits, qui visaient à évincer les concurrents du marché, mais elle a également pris en compte l’importance modérée du dommage à l’économie, les concurrents étant en effet parvenus, grâce à leurs propres mérites, à se maintenir sur ce marché. Si l’Autorité a enfin considéré la puissance financière de SFR pour justifier une augmentation de l’amende, elle l’a au final réduite de 10 %, l’opérateur n’ayant pas contesté la réalité des faits.
 

1Schématiquement, un appel est composé d’un départ d’appel puis d’une terminaison d’appel. Pour un appel on net, le départ d’appel et la terminaison d’appel se font sur le même réseau et l’opérateur n’a donc à supporter que deux opérations internes. Pour un appel off net, l’opérateur de l’appelant assure le départ de l’appel puis le livre à l’opérateur de l’appelé qui va assurer la terminaison d’appel. L’opérateur de l’appelé va facturer à l’opérateur de l’appelant cette prestation de terminaison d’appel. Ainsi, pour un appel off net, l’opérateur va devoir assurer le départ de l’appel puis acheter une prestation de terminaison d’appel à un opérateur tiers.

Pour mémoire

Au cours des dernières années, les trois opérateurs Orange, SFR et Bouygues Télécom ont tour à tour dénoncé la mise en œuvre, par leurs concurrents, de pratiques de différenciation tarifaire entre appels on net et appels off net, qu’ils considéraient unanimement comme abusives.

En 2009, l’Autorité de la concurrence a notamment sanctionné Orange Caraïbe et France Télécom pour avoir freiné abusivement le développement de la concurrence en mettant en place diverses pratiques abusives, dont une pratique de différenciation tarifaire excessive entre les appels on net et off net dans la zone Antilles-Guyane (voir communiqué de presse du 9 décembre 2009) / faits et sanction confirmés par la cour d’appel de Paris/pourvoi rejeté par la Cour de cassation.

En 2012, l’Autorité de la concurrence a sanctionné Orange et SFR à hauteur de 183 millions d’euros pour des pratiques similaires en métropole (voir communiqué de presse du 13 décembre 2012 / recours pendant devant la cour d’appel de Paris).

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Yannick Le Dorze
Yannick Le Dorze
Adjoint à la directrice de la communication
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