Transports

L’Autorité de la concurrence ne prononce pas de mesures d’urgence à l’encontre de la SNCF, mais l’instruction doit se poursuivre sur le fond de la plainte de TRANSDEV

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TRANSDEV1 a saisi l’Autorité de la concurrence de pratiques mises en œuvre par le groupe SNCF dans le secteur du transport de personnes, tendant, selon la plaignante, à lui permettre d’avantager sa filiale KEOLIS2 en tirant parti de son monopole sur les services ferroviaires.

 


TRANSDEV a assorti sa plainte d’une demande de mesures conservatoires, en demandant que soit prononcée l’interdiction à SNCF PARTENARIAT de candidater en groupement avec KEOLIS aux appels d’offres des autorités organisatrices de transports et de leurs émanations, ainsi que diverses mesures tendant à faire cesser la « confusion » organisée entre l’opérateur ferroviaire historique et la filiale de transport urbain en concurrence.

Dans la décision qu’elle vient de rendre, l’Autorité de la concurrence rejette la demande de mesures conservatoires, considérant que les conditions d’octroi de telles mesures ne sont pas réunies, mais estime que l’instruction de l’affaire doit se poursuivre au fond, afin d’examiner si le groupe SNCF a enfreint les règles de concurrence en avantageant sa filiale de transport urbain KEOLIS au détriment de ses concurrents.

TRANSDEV reproche à la SNCF d’abuser de sa position dominante, en faisant bénéficier sa filiale KEOLIS de son savoir-faire ferroviaire

La plainte de TRANSDEV auprès de l’Autorité faisait suite à l’attribution fin 2012 d’un marché d’assistance technique à l’exploitation de services de transports par la Compagnie des transports strasbourgeois (une société d’économie mixte exploitant le réseau de transport urbain de la communauté urbaine de Strasbourg). Ce marché public a été attribué à un groupement solidaire constitué de KEOLIS et de SNCF PARTENARIAT, une filiale du groupe SNCF qui apporte un savoir-faire ferroviaire auprès des collectivités locales, leurs groupements et émanations.

TRANSDEV reproche à la SNCF d’abuser de sa position dominante sur le marché du transport ferroviaire national de voyageurs, en entretenant volontairement une confusion entre ses activités en monopole et ses activités relevant du champ concurrentiel. Dans le secteur des transports urbains, elle mobiliserait, selon le saisissant, des moyens que ses concurrents ne seraient pas en mesure de répliquer, en particulier concernant les solutions d’intermodalité avec le ferroviaire lourd.

De manière générale, l’Autorité a déjà pu constater, dans un précédent avis3, que les marchés de transports urbains sont notamment caractérisés par un besoin croissant d’intermodalité. Dans ce contexte, et en l’état de l’instruction, l’Autorité considère que la dimension ferroviaire a fait la différence entre les offres proposées à Strasbourg pour l’attribution du marché d’assistance technique. Le groupe SNCF a ainsi mobilisé au soutien de KEOLIS des moyens humains, techniques, matériels et immatériels importants, qui apparaissent de nature à pouvoir avantager KEOLIS.

L’Autorité de la concurrence ne prononce pas de mesures d’urgence, mais estime que l’instruction au fond doit se poursuivre 

De telles pratiques, consistant à chercher à évincer, discipliner ou décourager les concurrents, par des procédés ne relevant pas de la compétition par les mérites, de la part d’entreprises qui mobiliseraient des moyens issus de marchés en monopole (transports ferroviaires) sur des marchés ouverts à la concurrence (marché de l’assistance technique aux exploitants de transports urbains), sont susceptibles de constituer un abus de position dominante et nécessitent un examen approfondi.

Par ailleurs, les modalités de la diversification opérée par le groupe SNCF suscitent des questions, qui méritent d’être examinées de manière approfondie.

L’Autorité de la concurrence a décidé de poursuivre l’instruction au fond de l’affaire sans pour autant prononcer de mesures conservatoires, étant donné que les conditions justifiant des mesures d’urgence ne sont pas réunies (absence d’atteinte grave et immédiate à l’économie générale, au secteur, à l’intérêt des consommateurs, ni à l’entreprise plaignante).

L’instruction au fond s’attachera à examiner les moyens mobilisés par le groupe SNCF au soutien de KEOLIS, ainsi que leur caractère réplicable ou non par TRANSDEV ou tout autre concurrent.
 

 

(1) TRANSDEV est née du rapprochement, en 2010, des sociétés VEOLIA TRANSPORT, filiale de VEOLIA ENVIRONNEMENT, et TRANSDEV, filiale de la Caisse des dépôts et consignations. Voir à ce sujet le communiqué de presse du 30 décembre 2010 concernant la décision de l’Autorité n°10-DCC-198 du 30 décembre 2010.
(2) SNCF PARTICIPATIONS dispose du contrôle exclusif du groupe KEOLIS à la suite d’une opération de concentration autorisée sous conditions par l’Autorité. Voir à ce sujet le communiqué de presse du 11 septembre 2012 concernant la décision de l’Autorité n° 12-DCC-129 du 5 septembre 2012.
(3) Avis de l’Autorité n°09-A-55 du 4 novembre 2009 sur le secteur du transport public terrestre de voyageurs. Cet avis a examiné plusieurs problématiques intéressant la présente affaire, tenant notamment à la place du mode ferroviaire dans les besoins de transports des collectivités territoriales et de leurs groupements, aux besoins d’intermodalité des autorités organisatrices de transports ainsi qu’aux risques liés à la diversification de l’opérateur historique sur les différents marchés du transport public de voyageurs.

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Yannick Le Dorze
Yannick Le Dorze
Adjoint à la directrice de la communication
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