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Le Conseil de la concurrence analyse les freins au développement des MVNO et fait des propositions pour créer une vraie dynamique concurrentielle

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Saisi en mai 2008 par la ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi, le Conseil de la concurrence rend un avis dans lequel il analyse les raisons pour lesquelles les MVNO n'exercent aujourd'hui qu'une faible pression concurrentielle sur le marché de détail de la téléphonie mobile.


Il constate que, du fait de la faible rivalité concurrentielle entre opérateurs de réseau, les MVNO, pour la plupart, n'ont obtenu que des conditions d'hébergement peu favorables au développement de leur activité.
Il analyse dans le détail ces freins et fait des propositions pour trouver la voie d'une vraie dynamique concurrentielle, au profit du marché et des consommateurs.

Sur le marché de détail de la téléphonie mobile, les MVNO connaissent un taux de développement étonnamment faible par rapport aux autres pays européens

Le Conseil note qu'actuellement, moins de 5 % des souscripteurs d'une offre de téléphonie mobile sont clients de MVNO, alors que la part de marché des opérateurs sans réseau atteignait en 2006 près de 25 % en Allemagne, et 15 % au Royaume-Uni et aux Pays-Bas. La date d'entrée des opérateurs virtuels en France, plus tardive, ne peut à elle seule expliquer cette situation.

Le Conseil, qui a lui-même recueilli l'avis de l'ARCEP, constate également que la part des MVNO dans le chiffre d'affaires généré par les offres de téléphonie mobile (2,4 %) est encore moindre puisque les offres des MVNO sont, contrairement à celles des opérateurs de réseau, concentrées sur les cartes prépayées et les forfaits de faible durée, pour lesquels les revenus moyens par utilisateur sont relativement faibles. De fait, les MVNO n'exercent pas de concurrence frontale sur le cœur de l'offre des trois opérateurs de réseau, constitué de forfaits avec engagement de 12 ou 24 mois permettant d'appeler de façon illimitée certains numéros.

Le manque de compétitivité des offres des MVNO s'explique essentiellement par les conditions d'hébergement proposées aux MVNO par les opérateurs de réseau

Dans son analyse, le Conseil relève que des conditions contractuelles particulièrement contraignantes ont été accordées par Orange et SFR en 2004-2005, au moment de l'ouverture du marché de gros de l'hébergement sur leur réseau, Bouygues Télécom n'ayant, dans un premier temps, participé que très marginalement à l'accueil des MVNO :

  • les tarifs négociés pour l'utilisation des réseaux permettent aux opérateurs de réseau de contrôler la pression concurrentielle par les prix susceptible d'être exercée par les MVNO : le prix par minute de communication est fixé par référence aux propres prix de détail des opérateurs de réseau ;
     
  • les opérateurs hébergés ne maîtrisent aucun élément de réseau et sont contraints de transmettre des informations commerciales clés : ils ne peuvent donc compenser leur absence d'agressivité tarifaire par des innovations sur les services offerts ;
     
  • la combinaison des clauses d'exclusivité souvent très longues - allant parfois jusqu'à dix ans -, des durées des contrats et des droits de priorité accordés à l'opérateur hôte, empêche les MVNO de renégocier ces conditions d'hébergement en faisant jouer la concurrence entre opérateurs de réseau ; de fait, ceux d'entre eux qui voudraient accueillir un nouveau MVNO sur leur réseau doivent s'adresser à d'autres MVNO que ceux qui sont actuellement présents sur le marché ;
     
  • les contrats contiennent également des clauses limitant les possibilités de valorisation de l'activité d'opérateur virtuel et donc les incitations à l'investissement ou à la consolidation des acteurs dans cette activité.

Le Conseil préconise d'une part de renforcer la concurrence sur le marché de gros de l'hébergement et, d'autre part, de « déverrouiller » les contraintes contractuelles qui pèsent sur les opérateurs virtuels

Le jeu cumulé des contraintes imposées à l'origine bloque aujourd'hui les initiatives, au détriment de la concurrence et des consommateurs, sans que le temps ne puisse spontanément réparer les conséquences d'une situation de départ très défavorable aux MVNO.

Dans ce contexte, il est impératif de créer de nouvelles incitations concurrentielles pour améliorer les conditions dans lesquelles les MVNO peuvent être hébergés par leurs opérateurs hôtes. Les incitations peuvent venir :

  • du marché lui-même : à cet égard, les caractéristiques des récents contrats de MVNO proposées par Bouygues Télécom sont très encourageantes, même si leur effet de diffusion auprès des autres opérateurs virtuels risque d'être limité par l'application des clauses restreignant les possibilités de révision contractuelle au profit des acteurs plus anciens ;
     
  • de l'attribution d'une quatrième licence : loin d'être défavorable aux MVNO, une telle option peut, au contraire, créer une dynamique positive, à condition là encore qu'elle s'accompagne d'un « déverrouillage » des conditions techniques, tarifaires et contractuelles faites aux opérateurs virtuels dans le sens déjà exposé ;
     
  • d'initiatives prises par le régulateur ou, à défaut, le législateur dans le cas où le marché échouerait à créer les incitations recherchées. L'ordre des priorités a été indiqué par le Conseil dans son avis afin de lister les points auxquels il faudrait s'attaquer pour concourir à desserrer les contraintes.

Une telle voie législative ne peut être exclue si l'on veut parvenir à la conclusion de contrats plus équilibrés, notamment en ce qui concerne les aspects techniques et tarifaires permettant aux MVNO d'animer réellement la concurrence sur le marché de détail de la téléphonie mobile : accès aux éléments de réseau autorisant une réelle différenciation des offres, négociation de tarifs découplés et permettant de concurrencer les offres de détail des opérateurs de réseau.

Saisi pour avis, le Conseil ne peut se prononcer, comme il aurait pu le faire en cas de saisine contentieuse, sur l'analyse concurrentielle des contrats liant les MVNO à leur opérateur hôte. Mais les premières conclusions auxquelles il parvient sont utiles pour recommander :

- un allègement significatif de la durée des contrats et des clauses d'exclusivité ;
- un encadrement voire une suppression des clauses de préemption et de préférence portant sur la cession des actifs des MVNO.

(1) Les MVNO (mobile virtual network operators) existent sur le marché de détail de la téléphonie mobile depuis 2004-2005. Il s'agit d'opérateurs qui n'ont pas fait l'acquisition d'une licence les autorisant à utiliser des bandes de fréquences pour développer un réseau de téléphonie mobile. Ils peuvent néanmoins bâtir des offres de téléphonie mobile destinées au marché de détail en achetant les prestations nécessaires à l'un des trois opérateurs dit « de réseau » disposant d'une telle autorisation (Orange, SFR ou Bouygues Télécom). Ils commercialisent leur marque et gèrent leurs abonnements.

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Yannick Le Dorze
Yannick Le Dorze
Adjoint à la directrice de la communication
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