Energie / Environnement

L'Autorité rend un avis sur le marché de l’effacement de consommation d’électricité

électricité

L’Autorité de la concurrence, saisie pour avis d’un projet de décret, estime que le subventionnement de l’activité des opérateurs d’effacement par les consommateurs d’électricité doit être strictement limité et proportionné à la rémunération de bienfaits effectivement démontrés.

Elle fait par ailleurs plusieurs recommandations destinées à garantir que tous les opérateurs d’effacement puissent se développer de manière équitable sur le marché.

Saisie par le gouvernement d’un projet de décret relatif à l’effacement de consommation d’électricité, l’Autorité rend public aujourd’hui un avis dans lequel elle fait part de ses réserves concernant les modalités retenues pour la mise en place d’un subventionnement public de l’activité des opérateurs d’effacement qui viendrait alourdir, au-delà de ce qui serait nécessaire, la facture de l’ensemble des consommateurs français d’électricité.


L’Autorité recommande par ailleurs que l’activité sur le marché de l’effacement de consommation d’électricité soit encadrée afin qu’une concurrence effective puisse émerger. Un tel encadrement passe notamment par la mise à disposition
auprès de l’ensemble des opérateurs d’effacement d’une partie des données que détient EDF relatives à ses clients abonnés et par une incompatibilité entre la fonction de gestionnaire de réseaux et l’activité d’opérateur d’effacement.
 

Le cadre : le développement de l’effacement de consommation d’électricité


L’effacement de consommation peut être défini comme l’action qui vise à réduire durant une courte durée, sur sollicitation ponctuelle d’un « opérateur d’effacement », le niveau de consommation d’électricité de certains clients volontaires. Ce mécanisme permet de réduire les besoins en période de pointe de la demande, et de réduire ainsi les lourds investissements nécessaires pour faire face à ces pics de consommation.

Parmi les procédés techniques possibles, un opérateur d’effacement peut, par exemple, installer chez un consommateur un boitier relié à la fois au compteur d’électricité et à certains appareils énergivores (convecteurs électriques, chauffe-eau électrique). Lors des périodes d’effacement, l’opérateur d’effacement suspend ainsi à distance la consommation de ces  appareils.

Les effacements de consommation sont susceptibles de générer une économie d’énergie ou un report de consommation. L’opérateur d’effacement va ensuite valoriser cet effacement sur un certain nombre de marchés, comme le marché de gros de l’électricité, en réalisant un gain financier. L’effacement de consommation d’électricité est amené à se développer notamment dans le cadre de l’essor des « réseaux électriques intelligents » et du pilotage des consommations d’électricité par le biais des technologies de l’information et de la communication (TIC).

Afin de favoriser le développement de l’activité d’effacement dans le secteur de la consommation électrique des particuliers, le projet de décret, conformément aux termes de la loi, prévoit la mise en place d’une prime qui serait versée aux opérateurs d’effacement en fonction des volumes d’effacement réalisés. La prime vise à encourager le développement de l’effacement compte tenu de ses bénéfices attendus pour la collectivité, à savoir la maîtrise de la demande d’énergie et la réduction des émissions de gaz à effet de serre.

Cette prime serait financée par la contribution versée par les consommateurs au titre de la contribution au service public de l’électricité (CSPE). La CSPE, taxe payée par l’ensemble des consommateurs d’électricité en fonction des volumes d’électricité consommés, permet déjà de financer notamment les énergies renouvelables et les tarifs sociaux de l’électricité.

L’Autorité estime que l’efficacité de ce subventionnement pour atteindre les objectifs fixés par les pouvoirs publics n’est pas vérifiée dans les modalités actuellement prévues par le projet de décret et qu’il viendrait, au-delà des distorsions de concurrence induites, alourdir la facture de l’ensemble des consommateurs d’électricité


Le versement de la prime aux opérateurs d’effacement génèrera une nouvelle augmentation de la CSPE, taxe qui pèse déjà lourdement sur le pouvoir d’achat des ménages et la compétitivité des entreprises (le montant unitaire de la CSPE a triplé entre 2010 et 2013). Tout nouvel accroissement du poids de la CSPE doit donc être soigneusement mesuré au regard des bénéfices attendus.

Or l’Autorité estime que l’efficacité de cette prime, qui doit être de nature à compenser les impacts négatifs de l’augmentation de la CSPE et donc du coût de l’électricité, n’est pas démontrée pour atteindre les objectifs environnementaux fixés par les pouvoirs publics. Il existe en effet des dispositifs publics qui visent les mêmes objectifs et dont le coût est déjà répercuté sur la facture des consommateurs (ex : dispositif des certificats d’énergie, quotas d’émissions de GES). De plus, des doutes importants subsistent quant aux liens de causalité entre effacement et économies d’énergie, l’effacement créant avant tout des reports de consommation.

Enfin, le décret précise insuffisamment les conditions attachées au versement de la prime, suscitant ainsi la crainte d’une dérive de ses coûts.  

Dans ces conditions, l’Autorité recommande au gouvernement d’encadrer beaucoup plus strictement la mise en place de la prime envisagée : l’objectif doit être de rémunérer uniquement la contribution à des objectifs d’intérêt général, à condition qu’elle soit effectivement démontrée et ne fasse pas l’objet d’une compensation sous une autre forme.

Elle invite par ailleurs le gouvernement à notifier ce dispositif à la Commission européenne afin qu’il soit examiné au titre du contrôle des aides d’Etat.


L’Autorité souhaite par ailleurs qu’une véritable égalité des chances soit instaurée entre les différents concurrents sur le marché de l’effacement

L’Autorité recommande plusieurs mesures visant à encadrer l’activité d’EDF, qui bénéficie d’avantages importants grâce à sa position d’ancien monopole historique, sur le marché émergent de l’effacement de consommation d’électricité. A ce titre l’Autorité propose la mise à disposition de l’ensemble des opérateurs d’effacement d’une partie des données qu’EDF détient sur ses clients abonnés à l’électricité, données qui permettent  d’identifier les gisements d’effacement.

Cette mesure s’apparente à l’injonction qui avait été faite à France Télécom dans la décision n°02-MC-03 du 27 février 2002, confirmée au fond par la décision n° 07-D-33 du 15 octobre 2007 et qui avait participé  à l’ouverture du marché de l’ADSL en France.

Par ailleurs, l’Autorité souhaite appeler l’attention du gouvernement sur le fait que les tarifs EJP et Tempo (tarifs réglementés proposés par EDF incluant à la fois une offre de fourniture d’électricité et une offre d’effacement), tels que conçus actuellement, suscitent des doutes au regard de l’application du droit européen. Il apparaît à tout le moins indispensable que ces tarifs réglementés couvrent les coûts supportés par EDF.

Enfin, l’Autorité recommande que les fonctions de gestionnaire de réseaux soient déclarées incompatibles avec celles d’opérateur d’effacement.

L’intervention des gestionnaires de réseaux dans le champ concurrentiel de l’effacement, qui n’est pas formellement exclue par le projet de décret, présenterait des risques de distorsion de concurrence. En effet, les gestionnaires de réseaux, s’ils étaient autorisés à être eux-mêmes opérateurs d’effacement, se trouveraient dans une situation privilégiée par rapport à leurs concurrents, du fait notamment des pouvoirs de contrôle qui leur sont confiés et des informations sensibles auxquelles ils ont accès au titre de leur mission de gestionnaire de réseaux.
 

L’Autorité formule en outre une recommandation sur le contrôle du marché de l’effacement

Le projet de décret confie à titre principal à RTE les missions d’agrément préalable des opérateurs d’effacement et de certification des volumes d’effacement réalisés mais prévoit que celles-ci peuvent être déléguées aux gestionnaires de réseaux de distribution (GRD). L’Autorité n’est pas favorable à une telle possibilité de délégation dans la mesure où la plupart des gestionnaires de réseaux de distribution ne présentent pas des garanties d’indépendance suffisantes par rapport aux fournisseurs d’électricité, qui sont de potentiels opérateurs d’effacement.

Dans le cadre de l’avis rendu, l’Autorité formule enfin un certain nombre de recommandations concernant les conditions de fonctionnement du marché de l’effacement.  
 

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Yannick Le Dorze
Yannick Le Dorze
Adjoint à la directrice de la communication
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