Avis 23-A-09 du
relatif à la liberté d’installation des commissaires de justice et à une proposition de carte des zones d’implantation, assortie de recommandations sur le rythme de création de nouveaux offices de commissaires de justice
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Le communiqué de presse
Présentation de l’avis
Résumé
Conformément à l’article L. 462-4-1 du code de commerce créé par l’article 52 de la loi du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques (ci-après « loi Croissance et activité »), l’Autorité de la concurrence (ci-après « l’Autorité ») rend, au moins tous les deux ans, au ministre de la justice, qui en est le garant, un avis sur la liberté d’installation des commissaires de justice.
Après avoir adopté deux séries d’avis, le 20 décembre 2016 et le 2 décembre 2018, et une série de délibérations, le 28 avril 2021, concernant la liberté d’installation des huissiers de justice et des commissaires-priseurs judiciaires, l’Autorité émet pour la première fois un avis relatif à la liberté d’installation de la nouvelle profession de commissaire de justice.
Par le présent avis, l’Autorité soumet aux ministres de la justice et de l’économie une proposition de carte des zones d’implantation, assortie de recommandations sur le rythme de création d’offices de commissaires de justice, sur la prochaine période biennale (2023-2025). Les travaux de l’Autorité s’appuient notamment sur une consultation publique, organisée dans les conditions prévues à l’article L. 462-4-1 du code de commerce, qui a recueilli 466 contributions exploitables.
À partir des dernières données économiques et financières consolidées disponibles pour la période 2017-2021, l’Autorité a effectué une analyse quantitative et qualitative de l’offre de commissaires de justice lui permettant de constater que cette nouvelle profession, en pleine structuration, fait non seulement face aux conséquences de la crise sanitaire, mais également à une baisse de ses effectifs et à une dégradation de ses conditions d’activité :
- les deux premières vagues de créations d’offices n’ont pas permis d’endiguer la baisse des effectifs totaux de commissaires de justice libéraux, qui touche les anciens huissiers de justice depuis au moins une dizaine d’années. Au 30 mai 2023, il y a un peu moins de 3 382 commissaires de justice exerçant dans 2 183 offices (dont 114 anciens huissiers de justice exerçant dans 87 offices situés en Alsace-Moselle) ;
- la profession connait un important mouvement de concentration à travers la création de sociétés titulaires de plusieurs offices. Entre 2017 et mi-2023, le nombre de sociétés titulaires de plusieurs offices est passé de moins de 10 à 191. Aujourd’hui, ces sociétés regroupent 494 offices, soit plus d’un quart des offices ;
- les taux de marge diminuent, passant de 36 % en moyenne sur la période 2010-2014, à environ 33 % en 2014-2018, pour finalement descendre sous la barre des 30 % en
2017-2021. Cette dernière période est marquée par la crise sanitaire qui a affecté durement les professionnels.
Du côté de la demande, l’instruction du présent avis confirme les constatations antérieures. La demande baisse structurellement en raison notamment de la promotion des modes alternatifs de règlements de conflits, de l’évolution de la structure des actifs des entreprises (plus de biens incorporels et de leasing, etc.) et de la suppression du recours obligatoire aux commissaires de justice pour un nombre croissant de procédures.
Afin d’élaborer ses recommandations chiffrées pour la période 2023-2025, l’Autorité fait le choix de reconduire les options appliquées pour élaborer les deux premières cartes puisqu’elles anticipaient la fusion des professions. Tel est notamment le cas pour la délimitation des zones d’implantation, la prise en compte de l’offre et de la demande de prestations de commissaires de justice pour établir des recommandations chiffrées à l’horizon 2029 et le lissage à deux ans de ces recommandations sur la période 2023-2025, afin d’assurer une augmentation progressive du nombre de professionnels dans les zones concernées.
L’Autorité décide toutefois de prendre en compte l’inflation constatée sur la période
2017-2022 (+ 12 %) afin que les seuils plancher de chiffre d’affaires par professionnel libéral qu’elle utilise pour déterminer le caractère libre ou contrôlé des zones d’installation restent cohérents avec la réalité de l’activité des professionnels. Ainsi, pour les anciens huissiers de justice, le seuil passe de 325 000 euros à 363 000 euros par professionnel libéral et, pour les anciens commissaires-priseurs judiciaires, il passe de 195 000 euros à 218 000 euros par professionnel libéral.
Sur la base de ces hypothèses, l’Autorité estime le besoin en nouveaux professionnels à l’horizon 2029 entre 250 et 300. Pour atteindre cette cible, et compte tenu d’un ensemble d’éléments pertinents pour analyser l’évolution de l’activité des commissaires de justice à court terme, l’Autorité recommande au Gouvernement la création d’offices supplémentaires permettant l’installation libérale de 33 nouveaux commissaires de justice sur la période de validité de la prochaine carte (2023-2025).
En ce qui concerne les recommandations qualitatives, l’Autorité salue de la prise en compte de plusieurs de ses recommandations précédentes, ces avancées, qui ont par exemple conduit à une transparence accrue de la procédure de nomination dans les zones d’installation libre, résultent des efforts conjoints de l’ensemble des parties prenantes, et notamment du ministère de la justice.
L’Autorité salue les actions de la Chambre nationale des commissaires de justice (ci-après « CNCJ ») pour accompagner les professionnels et les futurs diplômés dans la nouvelle profession de commissaire de justice. Elle salue également la démarche volontariste de la CNCJ, visant à promouvoir, d’une part, l’égalité entre les hommes et les femmes, et d’autre part, un meilleur équilibre entre vie professionnelle et vie privée. À ce titre, l’installation d’un comité interprofessionnel réunissant tous les officiers publics et ministériels, sous l’égide du ministère de la justice, montre l’importance accordée à ce sujet par les instances professionnelles.
L’Autorité salue également la remise au Parlement du rapport prévu par l’article 52 de la loi Croissance et activité relatif à l’extension de la liberté d’installation, dont les conclusions rejoignent les siennes, et souhaite être associée, à brève échéance, à l’élaboration d’un projet d’extension de la liberté d’installation des commissaires de justice en Alsace-Moselle.
Quelques mesures complémentaires pourraient encore permettre d’améliorer le dispositif régissant la liberté d’installation des commissaires de justice. Dans cette perspective, l’Autorité émet 7 recommandations qu’il conviendrait de mettre en œuvre lors de la prochaine période biennale. Il s’agirait notamment de clarifier la méthode d’instruction des demandes et les modalités de nomination des candidats à l’installation, de clarifier et d’assouplir les règles en matière de sollicitation personnalisée ou encore d’améliorer la transmission à l’Autorité d’informations sur l’activité des offices et de leurs bureaux annexes.
C’est dans ce cadre que l’Autorité invite le Gouvernement à inscrire les nouvelles perspectives de créations d’offices pour les deux années à venir.
Informations sur l’avis
Origine de la saisine | Ministres de la justice et de l'économie |
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Fondement juridique |