Professions réglementées

Liberté d’installation des notaires et des commissaires de justice : propositions de cartes pour 2023-2025

Avocat

L’Autorité recommande l’installation libérale de 600 nouveaux notaires et de 33 nouveaux commissaires de justice d’ici 2025.

L’essentiel

En application de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques (dite « loi Croissance et activité »), l’Autorité de la concurrence propose aux ministres de la justice et de l’économie des cartes des zones d’installation des notaires et des commissaires de justice assorties de recommandations sur le rythme de création de nouveaux offices pour la période 2023-2025.

Un premier avis pour la nouvelle profession de commissaire de justice

Depuis le 1er juillet 2022, les commissaires de justice sont les officiers publics et ministériels qui ont remplacé les huissiers de justice et les commissaires-priseurs judiciaires. Ils exercent les compétences anciennement confiées à ces deux professions dans le ressort de la cour d'appel du siège de leur office.

L’Autorité rend donc pour la première fois un avis relatif à la liberté d’installation des commissaires de justice. Depuis 2016, elle a rendu deux avis et une délibération relatifs à la liberté d’installation de chacune des deux anciennes professions.

Des objectifs de nominations de nouveaux professionnels atteints dans le cadre des dernières cartes

S’agissant des notaires, les objectifs de nominations fixés dans les deux premières cartes ont été presque atteints. Le reliquat s’est élevé à 33 nominations non pourvues pour la carte 2016-2018 (l’objectif était de 1 650 nominations) et environ 87 pour la carte 2018-2020 (l’objectif était de 733 nominations). Les nominations sont encore en cours pour la carte 2021-2023, mais l’objectif de 250 nouveaux notaires sera atteint avant la fin de validité de la carte (fin août 2023).

S’agissant des premières cartes relatives aux huissiers de justice et aux commissaires-priseurs judiciaires (2017-2019), les objectifs de nominations n’ont pas été atteints. En effet, le reliquat était estimé à environ 59 huissiers de justice (sur 202 professionnels à nommer) et 6 commissaires-priseurs judiciaires (sur 42 professionnels à nommer). Les objectifs des deuxièmes cartes (2021-2023), plus modérés en raison des conséquences de la crise sanitaire sur les professions concernées, sont déjà atteints (+ 50 nouveaux huissiers de justice et aucun nouveau commissaire-priseur judiciaire).

L’Autorité constate que la profession notariale se porte particulièrement bien, tandis que celle de commissaire de justice doit relever de nombreux défis

La profession notariale continue de générer d’excellents résultats économiques, notamment grâce à l’activité immobilière particulièrement porteuse de ces dernières années. Cette situation favorable a facilité le développement des offices créés depuis 2017. Néanmoins, l’essoufflement du dynamisme du marché immobilier, constaté depuis mi-2022, pourrait freiner l’activité des notaires au cours des deux années à venir.

La nouvelle profession de commissaire de justice, pour sa part, est en pleine structuration et les conséquences de la crise sanitaire aggravent les difficultés structurelles auxquelles elle fait face. L’Autorité relève notamment que ses effectifs sont en baisse, de même que la rentabilité des offices et la demande de services qui s’adresse à ces professionnels.

L’Autorité émet de nouvelles recommandations de nominations sur la période 2023-2025

En respectant l’impératif de progressivité prévu par le législateur et en tenant compte de l’inflation intervenue depuis 2017, l’Autorité recommande, sur la période de validité des prochaines cartes (2023-2025), l’installation libérale de 600 nouveaux notaires, répartis dans 168 zones d’installation libre (sur un total de 293 zones), et de seulement 33 nouveaux commissaires de justice, répartis dans 13 zones d’installation libre (sur un total de 99 zones).

Les recommandations et observations de l’Autorité en vue d'améliorer l’accès aux offices

L’Autorité assortit sa proposition de carte pour les notaires et les commissaires de justice de  recommandations qualitatives visant à améliorer la mise en œuvre de la loi Croissance et activité, tout en saluant les réformes importantes qui ont été engagées pour répondre à ses recommandations précédentes (transparence accrue de la procédure de nomination dans les zones d’installation libre, mise en place d’un tirage au sort électronique, etc.).

1. La révision des cartes d’installation des notaires et des commissaires de justice

En tant qu’officiers publics et ministériels, les notaires et les commissaires de justice sont nommés par le garde des sceaux dans un office existant, vacant ou créé. La loi Croissance et activité a introduit un principe de liberté d’installation régulée, afin d’abaisser les barrières à l’entrée de ces professions et d’adapter le maillage territorial aux besoins de l’économie.

Dans le cadre de ce dispositif, la mission de l’Autorité [1] consiste à proposer au Gouvernement, tous les deux ans, une carte [2] qui identifie, d’une part, des zones dans lesquelles l’installation des professionnels est libre (« zones vertes ») [3] et, d’autre part, des zones dans lesquelles l’installation est contrôlée (« zones rouges ») [4].

A. Un premier avis pour la nouvelle profession de commissaire de justice

1. La création de la profession et le bilan des précédentes cartes

Depuis le 1er juillet 2022, les commissaires de justice sont les officiers publics et ministériels qui ont remplacé les huissiers de justice et les commissaires-priseurs judiciaires. Ils détiennent le monopole des actes antérieurement confiés aux huissiers de justice et aux commissaires-priseurs judiciaires. Ils peuvent signifier les actes, exécuter les décisions de justice, procéder à des constatations et effectuer les inventaires, prisées et ventes aux enchères judiciaires.

Depuis 2016, 2 vagues de créations d’offices d’huissiers de justice et de commissaires-priseurs judiciaires sont intervenues sur la base des recommandations de l’Autorité :

Avis de l’Autorité Recommandations biennales de nominations Date des arrêtés adoptant la proposition de carte
Avis n° 16-A-25 et n° 16-A-26 du 20 décembre 2016 +202 huissiers de justice dans 35 zones vertes +42 commissaires-priseurs judiciaires dans 36 zones vertes Décembre 2017
Avis n° 19-A-16 et n° 19-A-17 du 2 décembre 2019 +100 huissiers de justice dans 32 zones vertes +3 commissaires-priseurs judiciaires dans 3 zones vertes Propositions non-homologuées (5)
Délibérations n° 2021/01 et n° 2021/02 du 28 avril 2021 +50 huissiers de justice (6) Aucun commissaire-priseur judiciaire Juillet 2021

La Chancellerie a désormais achevé les nominations dans le cadre de la deuxième carte (+50 nouveaux huissiers de justice). Dans le cadre des premières cartes, les objectifs de nominations n’avaient pas pu être entièrement atteints : le reliquat était estimé à environ 59 huissiers de justice et 6 commissaires-priseurs judiciaires.

2. État des lieux de l’offre et bilan des créations d’offices

L’Autorité constate que la profession de commissaire de justice, en pleine structuration, fait non seulement face aux conséquences de la crise sanitaire, mais également à une baisse de ses effectifs et à une dégradation de ses conditions d’activité :

  • les deux premières vagues de créations d’offices n’ont pas permis d’endiguer la baisse des effectifs totaux de commissaires de justice libéraux, qui touche les anciens huissiers de justice depuis au moins une dizaine d’années. Au 30 mai 2023, il y a un peu moins de 3 382 commissaires de justice exerçant dans 2 183 offices ;
     
  • la profession connait un important mouvement de concentration à travers la création de sociétés titulaires de plusieurs offices. Aujourd’hui, ces sociétés regroupent 494 offices, soit plus d’un quart des offices ;
     
  • les taux de marge diminuent, passant de 36 % en moyenne sur la période 2010-2014, à environ 33 % en 2014-2018, pour finalement descendre sous la barre des 30 % en 2017-2021. Cette dernière période est marquée par la crise sanitaire qui affecte durement les professionnels ;
     
  • En 2023, même si la plupart des professionnels sont qualifiés commissaires de justice, une minorité d’entre eux exerce les nouvelles compétences qui sont les leurs.

Du côté de la demande, l’instruction du présent avis confirme les constatations antérieures. La demande baisse structurellement en raison notamment de la promotion des modes alternatifs de règlement des conflits, de l’évolution de la structure des actifs des entreprises (plus de biens incorporels, plus de leasing,…) et de la suppression du recours obligatoire aux commissaires de justice pour un nombre croissant de procédures.

B. Un quatrième avis sur la liberté d’installation des notaires

1. Le bilan des précédentes cartes

Depuis 2016, 3 vagues de créations d’offices de notaires sont intervenues sur la base des recommandations de l’Autorité :

Avis de l’Autorité Recommandations biennales de nominations Date de l’arrêté adoptant la proposition de carte
Avis n° 16-A-13 du 9 juin 2016 +1 650 notaires dans 247 zones vertes Septembre 2016
Avis n° 18-A-08 du 31 juil. 2018 +700 notaires (7) dans 230 zones vertes Décembre 2018
Avis n° 21-A-04 du 28 avril 2021 +250 notaires (8) dans 112 zones vertes Août 2021

La Chancellerie procède actuellement aux dernières nominations dans le cadre de la troisième carte. L’objectif de 250 nouveaux notaires sera donc atteint avant la fin de validité de la carte, contrairement aux objectifs des précédentes cartes qui n’avaient pas pu être entièrement atteints : le reliquat était de 33 notaires pour la première carte et d’environ 87 pour la deuxième.

2. État des lieux de l’offre et bilan des créations d’offices

La profession notariale a enregistré d’excellents résultats sur la période 2020-2021. La crise sanitaire n’a pas eu l’effet négatif craint, notamment grâce à l’activité immobilière qui a été très porteuse pendant cette période. L’Autorité constate également que :

  • la réforme a renforcé la densité notariale, le nombre médian de notaires pour 100 000 habitants étant passé de 14 à 17 entre 2016 et 2023 ;
     
  • les offices récemment créés ont globalement réussi leur démarrage, notamment ceux créés en 2017 et 2018 qui connaissent une très forte croissance économique. Leur chiffre d’affaires moyen par notaire a, en effet, plus que doublé entre 2017 et 2021. En 2021, leur chiffre d’affaires moyen est de 482 000 euros par notaire, pour un taux de marge autour de 40 % ;
     
  • l’impact des offices créés dans le cadre de la réforme est très faible sur les offices existants avant la loi Croissance et activité. Ces derniers enregistrent un chiffre d’affaires moyen par notaire de plus d’un million d’euros en 2021 (+ 23 % par rapport à 2016) et un résultat net moyen de 330 000 euros (+ 40 % par rapport à 2016).

L’Autorité observe toutefois, qu’au cours de l’année 2022, le dynamisme du marché de l’immobilier a commencé à ralentir, notamment du fait du resserrement des conditions d’octroi de prêts bancaires et de la hausse des taux d’intérêt. Il est probable que la contraction du marché immobilier se poursuive sur la période 2023-2025, impactant ainsi négativement l’activité des notaires.

2. Les recommandations quantitatives de l’Autorité pour la période 2023-2025 : 600 nouveaux notaires et 33 nouveaux commissaires de justice

Pour élaborer ses recommandations quantitatives, l’Autorité reconduit la méthodologie élaborée dans ses précédents avis, qui a été validée à deux reprises par le Conseil d’État et demeure pleinement pertinente. S’agissant des commissaires de justice, l’Autorité rappelle que la méthode définie en 2016 anticipait la fusion des professions.

Néanmoins, l’Autorité décide de prendre en compte l’inflation constatée sur la période 2017-2022 (+12 %) afin que les seuils plancher de chiffre d’affaires par professionnel libéral qu’elle utilise pour déterminer le caractère libre ou contrôlé d’une zone d’installation restent cohérents avec la réalité de l’activité des professionnels. Ainsi, les seuils définis en 2016 passent de :

  • 450 000 euros à 502 000 euros pour les notaires,
  • 325 000 euros à 363 000 euros pour les anciens huissiers de justice,
  • 195 000 euros à 218 000 euros pour les anciens commissaires-priseurs judiciaires.

S’agissant des notaires, l’Autorité a également tenu compte des incertitudes qui pèsent sur l’évolution de l’activité immobilière des notaires. Elle propose au Gouvernement l’installation libérale de 600 nouveaux notaires d’ici 2025 dans 168 zones du territoire.

S’agissant des commissaires de justice, l’approche particulièrement prudente de l’Autorité est dictée par  l’ensemble des défis que la nouvelle profession doit relever. Elle propose au Gouvernement l’installation libérale de 33 nouveaux commissaires de justice d’ici 2025 dans 13 zones du territoire.

Au vu de ce qui précède, l’Autorité propose les cartes révisées suivantes (cliquez sur les cartes pour visualiser la version interactive) :

Carte

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Carte 2

*En application de l’exception prévue au VII de l’article 52 de la loi du 6 août 2015.

> Consulter la version interactive

3. Les recommandations et observations de l’Autorité en vue d'améliorer l’accès aux offices

L’Autorité salue les réformes engagées conformément à ses précédentes préconisations (transparence accrue de la procédure de nomination dans les zones d’installation libre, mise en place d’un tirage au sort électronique, etc.) et émet des recommandations à mettre en œuvre lors de la prochaine période biennale en vue d'améliorer l'accès aux offices.

Tout d’abord, l’Autorité reconduit plusieurs recommandations qui n’ont pas été suivies d’effets. Elle invite ainsi le Gouvernement à :

  • clarifier et assouplir les règles applicables à la sollicitation personnalisée de manière à permettre aux professionnels de communiquer efficacement sur leur offre de services ;
  • compléter la liste les données économiques transmises annuellement par les instances professionnelles à l’Autorité afin d’améliorer le dispositif d’élaboration des cartes.

Puis, elle formule de nouvelles recommandations visant notamment à améliorer la procédure de nomination des candidats. À cet égard, elle propose au Gouvernement de :

  • clarifier la méthode d’instruction des demandes ;
  • supprimer la faculté pour la Chancellerie de saisir les instances professionnelles pour le contrôle de l’honorabilité des candidats ;
  • allonger le délai entre la nomination et la prestation de serment de 1 à 3 mois.

Enfin, l’Autorité formule des recommandations propres à chacune des professions.

S’agissant de la profession notariale, l’Autorité reconduit deux recommandations :

  • veiller à ce que les règles applicables à la sous-traitance et la mutualisation n’apportent pas de restrictions indues à la liberté d’organisation des notaires ;
  • assurer une meilleure représentativité des notaires exerçant dans des offices créés au sein des instances de la profession.

S’agissant des commissaires de justice, elle appelle à une amélioration sensible et dans les meilleurs délais de la qualité des données transmises par les instances professionnelles aux administrations, notamment en ce qui concerne la répartition du chiffre d’affaires respectivement généré par les activités en concurrence (honoraires) et en monopole (émoluments) et la répartition par office de l’activité des sociétés multi-offices.

[1] Article L. 462-4-1 du code de commerce et article 52 de la loi Croissance et activité.

[2] Les zones concernées recouvrent l’ensemble des départements de métropole, à l’exception du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle. De plus, tous les départements d’outre-mer sont concernés, ainsi que les collectivités de Saint-Barthélemy, Saint-Martin et Saint-Pierre-et-Miquelon.

[3] Dans les zones « où l’implantation d’offices apparaît utile pour renforcer la proximité ou l’offre de services », les demandes des candidats à l’installation remplissant les conditions prévues ont vocation à être acceptées, dans la limite du rythme de nominations recommandé.

[4] Dans les zones où aucun besoin de création n’a été identifié a priori, le ministre de la justice ne peut accepter une demande de nomination dans un nouvel office, après avis de l’Autorité de la concurrence, que si elle n’est pas susceptible de « porter atteinte à la continuité de l’exploitation des offices existants et à compromettre la qualité du service rendu ».

[5] En 2020, le Gouvernement a demandé à l’Autorité de formuler de nouvelles propositions de cartes afin de prendre en compte les conséquences de la crise sanitaire sur ces professions. Voir le communiqué de presse du 28 avril 2021 relatif aux délibérations n° 2021/01 et n° 2021/02 susvisées.

[6] Dans le contexte de crise sanitaire, l’Autorité a décidé d’abandonner exceptionnellement le reliquat des nominations qui n’avaient pu être réalisées dans le cadre de la carte précédente, soit environ 59 huissiers de justice et 6 commissaires-priseurs judiciaires.

[7] Conformément aux recommandations de l’Autorité, l’arrêté du 3 décembre 2018 a reporté le reliquat des notaires qui n’avaient pu être nommés avant l’échéance de la précédente carte. Le nombre total de nominations à effectuer a donc été porté à 733.

[8] Dans le contexte de crise sanitaire, l’Autorité a décidé d’abandonner exceptionnellement le reliquat des nominations qui n’ont pu être réalisées dans le cadre de la carte 2018-2020, soit environ 87 professionnels.

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Maxence Lepinoy
Maxence Lepinoy
Chargé de communication, responsable des relations avec les médias
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