Plusieurs marques et fabricants de lunettes sanctionnés pour prix de vente imposés et restriction de vente sur Internet
L’Autorité sanctionne plusieurs marques et fabricants de lunettes, dont le premier fournisseur mondial et européen, pour avoir imposé, aux opticiens, des prix de vente au détail et leur avoir interdit de vendre sur Internet
L’essentiel
À la suite d’opérations de visite et saisie et d’un rapport d’enquête de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) l’Autorité de la concurrence sanctionne plusieurs sociétés actives dans le secteur des lunettes de soleil et des montures de lunettes de vue pour avoir limité la liberté tarifaire des opticiens et/ou interdit la vente en ligne de leurs produits.
Les entreprises concernées sont les suivantes :
Logo et LVMH ont souhaité bénéficier de la procédure de non-contestation des griefs1. Logo a, par ailleurs, été placée en liquidation judiciaire dès 2016.
Au total, l’Autorité a prononcé les sanctions suivantes :
1La procédure de non-contestation des griefs permet à une entreprise qui ne conteste pas les griefs qui lui sont notifiés d’obtenir une réduction de sanction. La transaction s’est depuis substituée à cette procédure.
Luxottica, Logo et LVMH ont imposé des prix de détail aux opticiens
LVMH et Logo (pour la marque TAG Heuer), ainsi que Luxottica (pour toutes ses marques, dont Chanel, Ray‑Ban, Oakley, Prada, Burberry, Bulgari, Dolce & Gabanna, Armani, Armani, Michael Kors, Miu Miu, Ralph Lauren) ont limité la liberté tarifaire de leurs distributeurs.
S’agissant de LVMH et Logo, les clauses figurant dans les contrats de licence de LMVH pour la marque TAG Heuer et dans les contrats de distribution sélective de Logo pour cette marque prévoyaient un encadrement des prix et des promotions pratiquées par les opticiens. Logo a, par ailleurs, communiqué des prix conseillés, mis en place une surveillance des prix appliqués par les opticiens et est intervenue auprès de ceux qui pratiquaient des remises. Ces pratiques ont concerné les périodes de septembre 1999 à 2015 pour LVMH et de 2002 à 2015 pour Logo.
Concernant Luxottica, l’Autorité a relevé, qu’entre 2005 et 2014, elle avait diffusé à ses distributeurs des prix dits « conseillés » et les avait incités à maintenir un certain niveau de prix de vente au détail de ses produits. En particulier, Luxottica a élaboré des listes de « prix conseillés » et conclu, avec ses distributeurs, des contrats de distribution sélective interprétés comme interdisant notamment les remises et les promotions lors de la vente au détail.
En outre, Luxottica a imposé à ses distributeurs certaines restrictions quant à la publicité qu’ils réalisaient sur leurs prix et a organisé la surveillance de ces prix, en sollicitant l’aide de certains de ses distributeurs pour « lutter contre les dérives observées ». Selon la gérante d’une boutique d’optique, cette surveillance par les concurrents s’assimilait à une véritable « police des prix ».
Enfin, les opticiens persistant à ignorer les messages de Luxottica se sont vu appliquer des mesures de rétorsion : retard ou suspension des livraisons de leurs magasins, retrait de l’agrément nécessaire à la distribution de certaines de ses marques ou encore blocage des comptes pour les empêcher de passer commande.
Ces pratiques, anticoncurrentielles par leur objet même, sont graves. En particulier, elles ont impliqué la mise en œuvre de mécanismes de surveillance et de rétorsion. Elles ont, par ailleurs, affecté des consommateurs finals pour partie captifs et vulnérables, l’équipement en lunettes de vue, comme, dans certains cas, solaires, étant une nécessité.
Elles ont, par ailleurs, engendré un dommage certain à l’économie, dans la mesure où elles ont porté sur des marques notoires, affecté la concurrence intra-marque (concurrence en prix d’un même produit au sein de différents réseaux) pendant une longue durée, et concerné une part significative des distributeurs, dont notamment de grandes enseignes nationales, telles qu’Alain Afflelou, Krys, GrandVision ou Optical Center.
Chanel, Luxottica et LVMH ont interdit aux opticiens de vendre en ligne leurs lunettes de soleil et montures de lunettes de vue
Les clauses des contrats de licence conclus entre Chanel et Luxottica (de 1999 à 2014) et entre LVMH et Logo (de 2004 à 2015), de même que celles des chartes de détaillant agréé signées par Luxottica et ses distributeurs agréés (de 2002 à 2013) pour les marques Chanel, Prada, Dolce & Gabbana et Bulgari, interdisaient la vente en ligne des lunettes de soleil et des montures de lunettes de vue par les opticiens.
Ces pratiques présentent un certain degré de gravité, dans la mesure où elles ont eu pour conséquence de priver les opticiens et les consommateurs finals d’un canal de vente généralement caractérisé par des prix compétitifs. Leur gravité doit toutefois être atténuée, au regard, notamment, de l’incertitude quant à leur licéité qui existait jusqu’à l’arrêt Pierre Fabre du 13 octobre 2011 de la Cour de justice de l’Union européenne2.
Par ailleurs, l’Autorité a considéré que le dommage qu’elles ont causé à l’économie a été très limité, en raison du faible développement des ventes par Internet, s’agissant à tout le moins des montures de lunettes de vue.
Les sanctions prononcées
Au regard de l’ensemble de ces éléments, et en tenant compte, pour LVMH, de la procédure de non‑contestation de griefs, et, pour Logo, de sa situation financière et de son placement en liquidation judiciaire depuis 2016, l’Autorité a prononcé les sanctions suivantes :
Entreprises | Sanctions (en euros) | |||
---|---|---|---|---|
Luxottica | 125 174 000 | |||
LVMH | 500 000 | |||
Chanel | 130 000 | |||
Logo | 0 | |||
TOTAL | 125 804 000 |
2Dans cet arrêt du 13 octobre 2011, la Cour de justice de l’Union européenne a considéré que l’interdiction de vendre sur Internet constitue une restriction de concurrence par objet.