L’Autorité formule ses propositions de cartes pour l’implantation des nouveaux offices d’huissiers de justice et de commissaires-priseurs judiciaires
Elle recommande l’installation libérale de 202 nouveaux huissiers de justice et de 42 nouveaux commissaires-priseurs judiciaires d’ici 2018.
En application de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques (dite « loi Macron ») et ainsi qu’elle l’a fait le 9 juin 2016 pour les notaires1, l’Autorité de la concurrence propose aux ministres de la justice et de l’économie deux cartes d’implantation de nouveaux offices, l’une pour les huissiers de justice, l’autre pour les commissaires-priseurs judiciaires, chacune visant à renforcer la proximité ou l’offre de services des professionnels concernés.
Les avis rendus par l’Autorité en matière de liberté d’installation poursuivent trois objectifs :
1° Améliorer le maillage territorial, afin de rapprocher les professionnels de la population et des entreprises dans les zones actuellement mal desservies ;
2° Ouvrir ces professions, en donnant aux jeunes diplômés l’opportunité de s’installer à leur compte et de proposer de nouveaux services ;
3° Préserver la viabilité économique des offices existants, notamment dans les zones rurales.
En ce qui concerne les huissiers de justice et les commissaires-priseurs judiciaires, les déséquilibres identifiés par l’Autorité en termes de besoins de services et de réserve de diplômés souhaitant accéder à des offices sont moindres que ceux constatés dans le cas de la profession de notaire : ces deux professions conjuguent une demande faiblement croissante, voire stable (notamment du fait de la réduction du champ de leurs activités monopolistiques), une situation financière moins favorable et un vivier de candidats à l’installation plus réduit. Aussi l’Autorité recommande-t-elle, au terme d’une analyse approfondie des différentes données, notamment économiques, relatives à ces professions, une augmentation de 6,5 % du nombre d’huissiers de justice et de 10,7 % de commissaires-priseurs judiciaires libéraux d’ici 2018.
Pour l’ensemble de la France, l’Autorité estime que 35 zones doivent relever d’une installation libre s’agissant des huissiers de justice et 37 s’agissant des commissaires-priseurs judiciaires (sur un total de 100 zones dans les deux cas). Ces nouvelles places sont réparties dans chaque zone proportionnellement aux besoins identifiés localement.
Ces recommandations constituent la première étape d’un processus progressif visant à rajeunir et féminiser ces professions, à rééquilibrer progressivement, à l’horizon 2024, le nombre de professionnels aux besoins de l’économie française et à favoriser l’installation de diplômés aspirant à renouveler l’offre de services, sans pour autant menacer la viabilité des offices existants. Elles s’inscrivent dans le cadre de la fusion programmée des professions d’huissier de justice et de commissaire-priseur judiciaire dans la nouvelle profession de « commissaire de justice » récemment décidée par le gouvernement2.
L’Autorité formule en outre plusieurs recommandations visant à assurer la pérennité du dispositif, à améliorer l’accès aux offices et à promouvoir une représentation équilibrée des femmes et des hommes dans les deux professions.
Un avis de l’Autorité sollicité dans le cadre des dispositions de la loi croissance et activité
En tant qu’officiers publics et ministériels, les huissiers de justice et les commissaires-priseurs judiciaires sont nommés par le ministre de la justice. Leur nombre a légèrement diminué depuis une décennie : 3 102 huissiers de justice et 391 commissaires-priseurs judiciaires étaient titulaires en 2015, contre respectivement 3 188 et 423 en 2005. Leur répartition territoriale fait apparaître certains déséquilibres entre l’offre et la demande : à titre d’exemple, neuf départements sont actuellement dépourvus de commissaire-priseur judiciaire.
Dans le cadre de ses missions consultatives3, l’Autorité émet aujourd’hui deux avis sur la liberté d’installation : le premier relatif aux huissiers de justice, le second aux commissaires-priseurs judiciaires. Elle formule également des recommandations au gouvernement pour améliorer l’accès aux offices, notamment au regard d’éventuelles différences fondées sur l’âge ou sur le sexe, renforcer la cohésion territoriale et augmenter progressivement le nombre d’huissiers de justice et de commissaires-priseurs judiciaires sur le territoire national.
Ces recommandations s’appuient sur des analyses approfondies de l’économie et de la démographie des professions, réalisées au plus près des territoires et des besoins, ainsi que sur les réponses à la consultation publique lancée en février dernier (124 contributeurs pour les huissiers de justice et 13 contributeurs pour les commissaires-priseurs judiciaires).
Compte tenu des choix opérés par le législateur, ce nouveau dispositif ne concerne pas les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle, où l’installation des huissiers de justice demeure régie par des règles dérogatoires au droit commun et où, pour des raisons historiques, les commissaires-priseurs judiciaires n’exercent pas.
L’identification des zones d’installation libre
L’Autorité propose au gouvernement d’adopter les cartes suivantes :
Ces cartes identifient des « zones d’installation libre » (en vert) et des « zones d’installation contrôlée » (en orange). Sauf exceptions4, ces 100 zones d’installation correspondent aux départements métropolitains et d’outremer5.
Les zones vertes sont, selon la loi, celles où « l’implantation d’offices apparaît utile pour renforcer la proximité ou l’offre de services » (article 52 de la loi du 6 août 2015). Il est prévu que les candidats remplissant les conditions prévues par la loi pourront, dans ces zones, être nommés huissiers de justice ou commissaires-priseurs judiciaires dans la limite du rythme de création d’offices recommandé. La loi impose que ce rythme soit « compatible avec une augmentation progressive du nombre de professionnels dans la zone concernée », afin de ne pas bouleverser les conditions d’activité des offices existants.
L’Autorité a identifié 35 zones vertes, s’agissant des huissiers de justice, et 37, s’agissant des commissaires-priseurs judiciaires. Pour l’ensemble de la France, elle recommande de nommer dans ces zones vertes 202 huissiers de justice et 42 commissaires-priseurs judiciaires titulaires ou associés de nouveaux offices, d’ici 2018. Il s’agit d’une première étape d’un processus de rééquilibrage progressif du nombre de professionnels aux besoins de l’économie française, d’ici 2024. Les recommandations seront, comme le prévoit la loi, révisées tous les deux ans.
Ces installations permettront de renforcer le maillage territorial dans les zones actuellement peu dotées (grandes agglomérations notamment) et contribueront à y améliorer l’offre de services, tant quantitativement que qualitativement (réduction des délais de traitement des dossiers, accroissement du choix des clients, diversification de l’offre de prestations).
L’Autorité a pris acte de la méthode retenue par les ministres de la justice et de l’économie dans l’arrêté validant sa proposition de carte relative aux notaires6. L’Autorité recommande par conséquent de fixer à 127 et 37, respectivement, le nombre total de créations d’offices d’huissier de justice et de commissaire-priseur judiciaire possibles au cours de la 1ère année d’application de la carte, et à 202 et 42, respectivement, l’objectif total de nominations de professionnels libéraux sur la période 2016-2018.
Ces recommandations sont proportionnées aux besoins identifiés localement, afin de tenir pleinement compte du potentiel du territoire mais aussi de la situation des offices existants. Elles figurent pour chaque zone dans les tableaux 1 et 2 annexés ci-après.
Les modalités de dépôt de candidatures dans les zones vertes
Les candidats à l’installation dans les zones vertes pourront déposer leur candidature pendant dix-huit mois, à compter d’une date qui sera prochainement arrêtée par le garde des Sceaux. Réalisés par télé-procédure sur le site Internet du ministère de la justice, ces dépôts seront horodatés. Les demandes d’installation seront satisfaites en fonction des recommandations, suivant leur ordre d’enregistrement7. Les demandeurs pourront se porter candidats dans plusieurs zones vertes, mais ils ne pourront déposer qu’une seule demande pour chacune de ces zones.
Le contrôle des installations dans les zones orange
L’Autorité a également retenu 65 zones orange s’agissant des huissiers de justice et 63 s’agissant des commissaires-priseurs judiciaires, dans lesquelles elle n’a pas identifié de besoin de création d’offices a priori. Ainsi en va-t-il par exemple de la Côte-d’Or, de la Mayenne, des Pyrénées-Orientales, du Tarn et de Mayotte pour les deux professions.
L’installation de nouveaux professionnels ne sera pas interdite par principe dans les zones orange, mais elle nécessitera un examen préalable pour écarter le risque de porter « atteinte à la continuité de l’exploitation des offices existants et [de] compromettre la qualité du service rendu ». Le ministre de la justice sera toujours en droit d’y accepter une candidature. S’il la refuse, il devra motiver son choix « au regard, notamment, des caractéristiques de la zone et du niveau d’activité économique des professionnels concernés ». Les éventuels refus interviendront après un avis de l’Autorité. Dans le cadre de cet avis, l’Autorité procèdera, dans les deux mois suivant le dépôt du dossier de candidature complet, à un examen au cas par cas du potentiel local d’offre et de demande de prestations de la zone. Cet avis sera rendu public.
La carte définitive sera prochainement arrêtée par les ministres de la justice et de l’économie à partir de la proposition de l’Autorité.
Les autres recommandations de l’Autorité
Pour assurer le succès de la réforme et comme le législateur l’a souhaité, l’Autorité formule enfin au gouvernement une série de recommandations visant à :
- optimiser le fonctionnement de la liberté d’installation, en fixant prioritairement l’examen des candidatures à l’installation dans les zones à plus fort potentiel, en fluidifiant et en systématisant la transmission d’informations, notamment statistiques, à l’Autorité, et en examinant l’opportunité d’étendre le dispositif aux trois départements d’Alsace-Moselle ;
- à améliorer l’accès aux professions d’huissier de justice et de commissaire-priseur judiciaire, par l’allongement du délai entre la nomination et la prestation de serment, la diffusion d’informations sur les opportunités de reprise ou d’association au sein des offices, la mise à disposition de statistiques par sexe et le renforcement de la parité au sein des instances représentatives des professions ;
En définitive, cette quinzaine de recommandations visent à renforcer la cohésion territoriale des prestations, à améliorer la parité d’accès des femmes et des hommes aux offices, à mieux intégrer les jeunes diplômés et à assurer la permanence de la qualité de service, au bénéfice des usagers.
1Avis n°16-A-13 du 9 juin 2016 relatif à la liberté d’installation des notaires et à une proposition de carte des zones d’implantation, assortie de recommandations sur le rythme de création de nouveaux offices notariaux (voir communiqué de presse du 9 juin 2016).
2Ordonnance n° 2016-728 du 2 juin 2016 relative au statut de commissaire de justice.
3Article L. 462-4-1 du code de commerce, et article 52 de la loi Macron.
4Pour des raisons liées à la carte judiciaire, le ressort de l’ancien Tribunal de Grande Instance de Dinan a été rattaché au département d’Ille-et-Vilaine pour former la zone d’installation d’ « Ille-et-Vilaine et Dinan » (et par conséquent détaché du reste du département des Côtes-d’Armor, qui forme désormais la zone d’installation de « Côtes-d’Armor hors Dinan »). Les collectivités de Saint-Martin et Saint-Barthélemy ont été rattachées au département de la Guadeloupe pour former la zone d’installation de « Guadeloupe / Saint-Martin / Saint-Barthélemy ». Les collectivités de Wallis-et-Futuna et Saint-Pierre et Miquelon constituent chacune une zone d’installation, circonscrite au territoire de la collectivité concernée. Enfin, les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle ne sont pas concernés en application de l’exception prévue au VII de l’article 52 de la loi du 6 août 2015.
6À la différence des notaires, pour lesquels elle avait mené ses analyses au niveau des zones d’emploi, l’Autorité a retenu le département comme échelon géographique pertinent pour l’élaboration des cartes des huissiers de justice et des commissaires-priseurs judiciaires. Compte tenu de la compétence territoriale des professionnels concernés (ressort du ou des TGI du département pour les huissiers de justice), de la localisation effective des principaux donneurs d’ordres (institutionnels tels que les offices HLM, les compagnies d’assurance, les banques pour les huissiers de justice ; tribunaux de commerce pour les commissaires-priseurs judiciaires) et de la nécessité de retenir un dimensionnement commun aux deux professions (du fait de leur fusion programmée), le département est apparu comme l’échelon le plus approprié.
7Voir le communiqué de presse de l’Autorité du 20 septembre 2016.
8Si le nombre de demandes de création d’offices enregistrées dans les 24 heures suivant la date d’ouverture du dépôt des candidature est supérieur, pour une même zone, aux recommandations, l’ordre de ces demandes sera déterminé par tirage au sort, dans les conditions prévues par un arrêté du garde des Sceaux, à venir.
> Tableau 1 – Recommandations chiffrées relatives aux huissiers de justice
> Tableau 2 – Recommandations chiffrées relatives aux commissaires-priseurs judiciaires