L’Autorité de la concurrence sanctionne les thés Mariage Frères pour avoir entravé la liberté commerciale de ses distributeurs

Thé

L'essentiel

A la suite d’un rapport d’enquête transmis par la DGCCRF, l’Autorité de la concurrence inflige au groupe Mariage Frères - l’un des principaux producteurs de thés haut de gamme en France - une sanction de 4 millions d’euros pour avoir entravé, durant près de 15 ans, la liberté commerciale de ses distributeurs en leur interdisant, d’une part, de vendre en ligne les produits de sa marque, et, d’autre part, de revendre ses produits à d’autres revendeurs. Ces pratiques, qui ont limité la concurrence intra-marque et cloisonné les marchés, sont constitutives d’une entente.

Dans un secteur où les ventes en ligne connaissent une forte croissance, l’interdiction de commercialiser les produits concernés sur Internet est de nature à restreindre le développement de l’activité des distributeurs. En couplant cette pratique avec l’interdiction de revendre à d’autres distributeurs, Mariage Frères a, par ailleurs, privé les consommateurs finaux de la possibilité de bénéficier de meilleurs prix résultant d’une concurrence effective entre tous les distributeurs.

L’interdiction de vendre en ligne les produits Mariage frères

Les conditions générales de vente (CGV) régissant les relations entre Mariage Frères et ses distributeurs interdisaient à ces derniers de vendre les produits Mariages par le biais d’Internet. Mariage Frères se réservait ainsi l’exclusivité de la vente de ses produits à distance et sur Internet.

Si les distributeurs étaient autorisés à indiquer sur leur site internet qu’ils commercialisaient les produits de la marque dans leur boutique, ils ne pouvaient en revanche les vendre sur Internet et ne pouvaient pas non plus utiliser le logo de la marque. Mariage Frères surveillait minutieusement le respect de ces règles en demandant aux distributeurs qui avaient proposé ses produits à la vente en ligne de les retirer rapidement de leurs sites.  

De nombreux distributeurs, souvent des petites, voire de très petites entreprises, ont souffert de cette interdiction qui a été un frein pour le développement de leur activité. A titre d’exemple, l’un d’entre eux a indiqué au cours de l’instruction « Je pense que la vente en ligne de Mariage Frères pourrait générer une augmentation de minimum 30% de mon chiffre d’affaires ».

Parallèlement, entre 2013 et 2021, alors que les distributeurs étaient confrontés à cette interdiction, la part des ventes réalisées en ligne par le groupe Mariage Frères (pour l’essentiel, via son site ou via Amazon) a quant à elle plus que triplé.

Mariage Frères justifiait l’interdiction faite à ses distributeurs par son souhait de préserver l’image de prestige de ses produits. Selon son directeur financier « nous ne pouvions pas maîtriser la façon dont nos produits seraient commercialisés, la qualité du site Internet, et cela était susceptible de porter préjudice à la marque ».

Toutefois, il résulte d’une pratique décisionnelle et d’une jurisprudence constantes que cet objectif ne saurait justifier une neutralisation absolue du canal de distribution en ligne.

L’interdiction de revendre des produits Mariage Frères à d’autres revendeurs

Les clauses des CGV interdisaient également aux distributeurs la revente de produits de thés haut de gamme à d’autres revendeurs. Cette restriction octroyait ainsi à Mariage Frères une exclusivité sur la vente en gros et circonscrivait le périmètre commercial de ses distributeurs à la vente aux particuliers. Selon la déclaration d’un des distributeurs « Je vous confirme en effet qu’il m’est interdit par Mariage de vendre à d’autres revendeurs des produits de chez eux. Il y a 1 mois cela m’a été précisé par téléphone (pas par écrit bien entendu) ».

Cette pratique, qui restreint la clientèle à laquelle un acheteur peut vendre des biens, constitue, par sa nocivité, une restriction de concurrence par objet.

Conformité

Si un fournisseur est libre d’organiser son réseau de distribution comme il l’entend, il faut toutefois que cette organisation n’engendre pas de pratiques anticoncurrentielles.

Le principe de libre organisation du réseau ne peut autoriser un fabricant à restreindre la liberté commerciale de ses revendeurs. Le fait de réserver au fabricant l’exclusivité de la vente en ligne de ses produits aboutit en effet à fausser la concurrence que doivent normalement se livrer les revendeurs, non seulement entre eux, mais surtout à l’égard du fabricant sur le canal de distribution de la vente en ligne.

Contact(s)

Maxence Lepinoy
Maxence Lepinoy
Chargé de communication, responsable des relations avec les médias
Imprimer la page