Professions réglementées

L’Autorité de la concurrence rend public son avis du 1er décembre 2023 concernant deux projets de décrets relatifs au code de déontologie des commissaires de justice et à celui des notaires

Professions réglementées

L’essentiel

Saisie par le Gouvernement, l’Autorité de la concurrence a rendu le 1er décembre 2023 un avis sur deux projets de décrets relatifs respectivement au code de déontologie des commissaires de justice et à celui des notaires. Ces projets de textes sont accompagnés des règles professionnelles qui précisent les codes de déontologie.

L’Autorité réaffirme la nécessité d’harmoniser les règles déontologiques des officiers ministériels au profit des professionnels et des usagers. Elle invite le gouvernement et les professions à poursuivre leur réflexion à cet égard et formule cinq séries de recommandations visant à accroître la cohérence des règles communes aux notaires et aux commissaires de justice. Elle formule également deux séries de recommandations spécifiques au notariat.

Les codes de déontologie, adoptés par décrets du 28 décembre 2023, et les règles professionnelles, adoptées par arrêtés du 29 janvier 2024 et du 27 février 2024, ne reprennent qu’à la marge les recommandations formulées par l’Autorité.

La création des codes de déontologie des notaires et des commissaires de justice

Les décrets relatifs aux codes de déontologie des notaires et des commissaires de justice, adoptés par décrets du 28 décembre 2023, s’inscrivent dans le cadre plus général d’une refonte de la discipline et de la déontologie des officiers ministériels et sont les derniers codes à avoir été adoptés.

En effet, le code de déontologie des avocats au Conseil d’État et à la Cour de cassation a été adopté le 1er mars 2023 et a donné lieu à un avis n° 23-A-02 du 10 février 2023 rendu par l’Autorité. Les codes de déontologie des avocats et des greffiers des tribunaux de commerce, pour leur part, ont été adoptés respectivement le 30 juin et le 13 juillet 2023 [1], sans que l’Autorité en ait été saisie pour avis.

Si la concomitance des saisines relatives au code de déontologie des notaires et à celui des commissaires de justice a permis à l’Autorité de mener une analyse comparative de ces projets et de proposer des recommandations harmonisées pour les deux professions, l’Autorité aurait souhaité avoir l’opportunité de proposer un avis unique relatif à l’ensemble des officiers ministériels.

Les recommandations émises par l’autorité

Les codes de déontologie et les règles professionnelles des notaires et des commissaires de justice reprennent quasiment à droit constant le règlement national et le règlement intercours du 22 mai 2018 pour les notaires, et le règlement déontologique national des anciens huissiers de justice du 5 décembre 2018 pour les commissaires de justice.

Dans son avis, l’Autorité analyse, dans un premier temps, les problématiques communes aux deux professions et, dans un second temps, les dispositions spécifiques aux notaires et aux commissaires de justice.

  • Les recommandations relatives aux problématiques communes aux deux professions 

Tout d’abord, l’Autorité constate que les règles déontologiques des notaires et des commissaires de justice, contrairement à la procédure disciplinaire, n’ont fait l’objet d’aucune harmonisation, ni sur le fond ni sur la forme. L’Autorité invite donc le Gouvernement et les professions à poursuivre la réflexion en vue d’une harmonisation des règles déontologiques communément partagées par les officiers ministériels, permettant de réduire le risque de distorsion de concurrence entre ces professions.

Ensuite, son analyse des règles déontologiques susceptibles d’avoir un impact sur la concurrence que peuvent se livrer les officiers publics ministériels l’amène à formuler cinq séries de recommandations, en matière de publicité des avis des collèges de déontologie, de communication, de signalétique, d’activités accessoires et de sous-traitance.

En matière de publicité des avis des collèges de déontologie, les recommandations de l’Autorité visent notamment à accroître la transparence des règles déontologiques, par exemple en prévoyant explicitement que ces avis seront publiés sur le site internet des instances professionnelles nationales.  

En matière de communication, les principales recommandations formulées sont les suivantes :

  • assouplir et clarifier les règles relatives à la sollicitation personnalisée de manière à permettre aux professionnels de communiquer efficacement sur leur offre de service ;
  • harmoniser la rédaction des articles relatifs à la sollicitation personnalisée entre les deux professions en opérant un renvoi au décret du 28 décembre 1973 modifié ;
  • pour les notaires, supprimer les restrictions concernant les avis de presse pour s’aligner sur le régime prévu pour les commissaires de justice ;
  • pour les notaires, autoriser le recours au référencement prioritaire, en reprenant le cas échéant une rédaction similaire à celle prévue pour les commissaires de justice ;
  • pour les commissaires de justice, alléger le régime applicable en matière de participation à une manifestation publique.

En matière de signalétique, l’Autorité recommande :

  • pour les notaires, de préciser les mentions qui peuvent être apposées sur les plaques professionnelles et de prévoir la possibilité d’inscrire la spécialité de l’office afin d’harmoniser les dispositions avec les commissaires de justice ;
  • pour les commissaires de justice, de prévoir la possibilité, à l’instar de ce qui est prévu pour les notaires, d’afficher un panneau à l’extérieur de leur office comportant les mots « commissaire de justice » ou « commissaires de justice » ou « Office de commissaire de justice ».

En matière d’activités accessoires, l’Autorité recommande notamment :

  • de clarifier et d’harmoniser la définition du terme « accessoire » ;
  • d’harmoniser le régime entre les deux professions et d’autoriser les commissaires de justice à faire état de leur qualité lors de l’exercice des activités accessoires à condition de supprimer la possibilité de réaliser de la publicité sur ces mêmes activités ;
  • pour les notaires, de préciser que les activités de gérance de bien et d’arbitrage doivent être exercées à titre accessoire.

En matière de sous-traitance, l’Autorité formule les deux recommandations suivantes :  

  • veiller à ce que le cadre juridique applicable à la sous-traitance n’apporte pas de restrictions indues à la liberté d’organisation des activités des professionnels et, plus particulièrement, n’impose pas de freins disproportionnés au développement des offices créés ;
  • mener une réflexion commune aux deux professions sur les activités accessoires pouvant être sous-traitées.

Si une majorité de ses recommandations n’ont pas été suivies, l’Autorité salue le fait que les règles professionnelles des commissaires de justice, adoptées en février 2024, en intègrent plusieurs qui vont dans le sens d’une meilleure harmonisation avec les règles applicables aux notaires. En outre, certaines évolutions auront un impact significatif sur l’activité des professionnels. Par exemple, les commissaires de justice pourront désormais faire état de leur qualité lors de l’exercice des activités accessoires et participer à des manifestations publiques sur simple déclaration préalable.

  • Les recommandations relatives aux problématiques spécifiques aux notaires

L’Autorité s’est intéressée à l’évolution des règles relatives à la plume et à la clause de non-concurrence.

S’agissant des règles d’attribution de la plume, l’Autorité recommande :

  • de supprimer la règle d’attribution de la minute à raison de l’ancienneté, et de la remplacer par un critère plus objectif, en instaurant, par exemple, la désignation du notaire détenant la minute par ordre alphabétique, après tirage au sort annuel d’une lettre par le CSN ;
  • d’inscrire dans les règles professionnelles, la possibilité reconnue aux notaires de déroger aux règles professionnelles pour l’attribution de la plume ;
  • de réintroduire dans les règles professionnelles la faculté octroyée jusqu’alors aux notaires du ressort d’instances locales différentes, de faire application de leur règlement dont les dispositions sont similaires en matière d’attribution de la minute.

Par ailleurs, faute d’avoir pu obtenir auprès des instances locales de la profession des données significatives concernant l’attribution de la plume en matière immobilière, l’Autorité invite le Conseil supérieur du notariat à réaliser une étude d’impact sur l’introduction de la plume unique vendeur, notamment sur les notaires récemment installés.

S’agissant de la clause de non-concurrence, les recommandations de l’Autorité visent à restreindre l’application de cette clause aux cas où il existe un risque de confusion des professionnels par le public.

L’Autorité relève qu’à ce stade aucune de ces recommandations n’a été suivie d’effet dans les textes adoptés fin 2023 et début 2024. En outre, les dispositions relatives à l’attribution de la plume ont finalement été extraites des règles professionnelles et adoptées sur le fondement de l’article 26 du décret n° 71-942 du 26 novembre 1971 [2].   

  • Les recommandations relatives aux problématiques spécifiques aux commissaires de justice

L’Autorité n’émet pas de recommandation spécifique aux commissaires de justice mais salue deux améliorations introduites par la Chambre nationale :

  • la clarification des règles relatives à la rémunération dans le cadre d’une activité de pilotage
  • la nouvelle obligation des professionnels consistant à transmettre sans délai à l’instance nationale tout élément statistique ou comptable, permettant ainsi d’améliorer la qualité des données transmises par les professionnels.

 

[1] Décret n° 2023-552 du 30 juin 2023 portant code de déontologie des avocats et décret n° 2023-609 du 13 juillet 2023 relatif au code de déontologie des greffiers des tribunaux de commerce.

[2] L’article 26 du décret n° 71-942 du 26 novembre 1971 dispose que « Le conseil supérieur du notariat peut établir, en ce qui concerne les usages de la profession à l'échelon national et les rapports des notaires établis dans des ressorts de cours d'appel différentes, un règlement qui est soumis à l'approbation du garde des sceaux, ministre de la justice ».

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Maxence Lepinoy
Maxence Lepinoy
Chargé de communication, responsable des relations avec les médias
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