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L’Autorité de la concurrence rend public son avis sur le projet de décret relatif au code de déontologie des avocats au Conseil d’État et à la Cour de cassation

Avocat

L’Autorité de la concurrence rend public son avis du 10 février 2023 sur le projet de décret relatif au code de déontologie des avocats au Conseil d’État et à la Cour de cassation (ci-après « avocats aux Conseils »)

L'essentiel

Saisie par le Gouvernement, l’Autorité a rendu le 10 février 2023 un avis sur le projet de décret relatif au code de déontologie des avocats aux Conseils dans lequel elle a formulé 7 recommandations au Gouvernement portant sur certaines règles du code.

Si le décret finalement adopté le 1er mars 2023 n’a pas pris en considération l’intégralité des recommandations visant à préciser la rédaction de certains articles du code de déontologie, l’Autorité sera attentive à ce que celles-ci soient prises en compte dans l’élaboration des règles professionnelles qui seront prochainement adoptées en application de l’article 2 de l’ordonnance n° 2022-544 du 13 avril 2022.

La création du code de déontologie des avocats aux Conseils

Le décret relatif au code de déontologie des avocats aux Conseils, publié le 1er mars dernier, s’inscrit dans le cadre plus général de refonte de la discipline et de la déontologie des officiers ministériels. Sont ainsi concernés par l’édiction d’un code de déontologie, les avocats aux Conseils, les commissaires de justice, les greffiers des tribunaux de commerce et les notaires.

Ne disposant pas des autres codes de déontologie, l’Autorité n’a pas été en mesure de réaliser une analyse comparative afin de proposer des recommandations harmonisées pour toutes ces professions et se réserve la possibilité d’approfondir ultérieurement son analyse.

Les précédentes recommandations de l'Autorité en matière de déontologie

Le projet de décret reprend à droit constant le règlement général de déontologie des avocats aux Conseils du 5 novembre 2020, au sujet duquel l’Autorité avait déjà eu l’occasion d’émettre des recommandations dans le cadre de ses avis relatifs à  la liberté d’installation des avocats aux Conseils (avis n° 16-A-18 du 10 octobre 2016, n° 18-A-11 du 25 octobre 2018 et n° 21-A-02 du 23 mars 2021).

Pour mémoire, sur la base des recommandations qu’avait formulées l’Autorité, plusieurs modifications des règles déontologiques avaient été apportées en matière de confraternité (cf. points 60 à 65 de l’avis) et de communication (cf. points 66 à 81 de l’avis).

Les recommandations émises par l'Autorité

L’Autorité estime que certaines règles peuvent encore, par manque de précision et de transparence, constituer des freins à la croissance et au développement des offices d’avocats aux Conseils. À cet égard, elle a proposé 7 recommandations au Gouvernement.

La recommandation générale de l'Autorité (points 89 à 94 de l'avis)

L’Autorité a formulé une proposition générale visant à préciser les règles déontologiques, tenant compte de la volonté de l’Ordre des avocats aux Conseils (cf. point 93 de l’avis) de réunir dès la publication du code de déontologie en 2023, son collège de déontologie en vue de rendre des avis déontologiques sous forme de lignes directrices. Elle a donc proposé de :

  • mettre en œuvre activement la démarche de consultation du collège de déontologie de l’Ordre des avocats aux Conseils, dès la publication du code de déontologie ;
  • prévoir que ce collège émette, via des avis, ses recommandations relatives à toutes les questions déontologiques dont il sera saisi ;
  • publier les avis du collège de déontologie sur le site internet de l’Ordre, ainsi que de les diffuser aux avocats aux Conseils par voie électronique, lorsque ces avis ne contiennent pas d’informations à caractère individuel ;
  •  indiquer, dans les règles professionnelles qui seront prises en application du nouveau code de déontologie, que les avis rendus par le collège de déontologie seront publiés sur le site internet de l’Ordre.

Les autres recommandations

L’Autorité a suggéré plusieurs précisions rédactionnelles, soit des règles déontologiques prévues aux articles 7, 8, 41, 57 et 60 du projet de décret, soit au sein des règles professionnelles qui préciseront leurs mises en application.  

  • Sur l’interprétation du principe d’indépendance (points 100 à 109 de l’avis)

Cette disposition énonce un principe d’indépendance de l’avocat aux Conseils sur le fondement duquel plusieurs interdictions sont prévues, mais sans toutefois en donner un cadre précis d’interprétation.

Ainsi, l’Autorité a recommandé de faire figurer, dans les règles professionnelles à venir, des exemples de cas qui contreviendraient au principe général d’indépendance, tels que ceux proposés par l’Ordre des avocats aux Conseils.

  • Sur les possibilités de s’associer à un professionnel (points 110 à 121 de l’avis)

En vertu du principe d’indépendance de l’avocat aux Conseils (article 7 du projet de décret), l’article 8 du projet de décret dispose que l’avocat aux Conseils « ne peut se lier avec un professionnel d’aucune profession ou adhérer à un réseau professionnel sauf dans les cas expressément prévus par la loi », sans apporter de définitions claires de ces notions. L’Autorité a estimé, à cet égard, que la rédaction de cet article demeure trop vague.

Ainsi, l’Autorité a recommandé de mieux définir l’interdiction de « se lier à un autre professionnel » afin d’éviter d’exclure de facto des situations conformes avec le principe d’indépendance ou, à tout le moins, de renvoyer au règlement professionnel pour en préciser les modalités d’application.

En outre, elle a également proposé de définir le « réseau professionnel » dans les mêmes termes que le réseau pluridisciplinaire pour les avocats à la Cour figurant à l’article 16-1 du Règlement intérieur national des avocats à la Cour et d’encadrer, si nécessaire, les règles de communication auxquelles doit se conformer l’avocat aux Conseils en cas d’adhésion à un réseau professionnel.

  • Sur la notion de domicile professionnel (points 124 à 139 de l’avis)

L’article 41 du projet de décret dispose que : « L’avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation dispose d’un cabinet conforme aux usages et permettant l’exercice professionnel dans le respect des principes essentiels de la profession », sans préciser les « usages » auxquels il est fait référence, ni renvoyer à un texte de référence qui les définit. Or, une telle précision apparaît essentielle pour assurer une parfaite compréhension de cette disposition, étant donné que le domicile professionnel est susceptible de revêtir plusieurs configurations (i.e. le partage de locaux avec un confrère ou un autre professionnel, la sous-location de locaux, l’usage du domicile personnel, ou encore le recours à des espaces de travail partagé).

L’Autorité a donc recommandé de clarifier de la notion de domicile professionnel, notamment en précisant les « usages » auxquels il est fait référence, mais aussi en consultant le collège de déontologie de l’Ordre des avocats aux Conseils sur les questions relatives au domicile professionnel.

  • Sur la possibilité de communiquer sur sa spécialisation (points 147 à 155 de l’avis)

L’Autorité a constaté qu’au troisième alinéa de l’article 57 du projet de décret l’interdiction de la mention de spécialisation de l’avocat aux Conseils dans sa publicité personnelle a été maintenue. Or, elle estime que la mise en valeur d’une ou de plusieurs compétences particulières pouvait être un moyen de communication efficace et, partant, contribuer au développement de l’activité.

Elle a donc proposé, afin de tenir compte de la position de l’Ordre, de clarifier l’interdiction de la mention de spécialisation, en précisant qu’elle ne s’étend pas aux mentions d’un ou plusieurs domaines de compétences prédominants, qui devraient être autorisées sous certaines réserves que le projet de décret pourrait préciser.

Sur ce point, l’article 57 du décret finalement adopté a partiellement tenu compte de cette recommandation, en intégrant la possibilité de renseigner son expérience professionnelle dans le cadre de sa publicité personnelle.

  • Sur l’intégration des dispositions relatives à la publicité personnelle dans les règles professionnelles (points 156 à 159 de l’avis)

L’Autorité a constaté que l’application des règles relatives à la publicité personnelle ne renvoyait qu’à l’article 15 de l’ordonnance du 10 septembre 1817 sans viser également le règlement professionnel, qui en précise pourtant les modalités d’application.

Elle a ainsi recommandé de modifier, en ce sens, la rédaction du troisième alinéa de l’article 58 du projet de décret.

  • Sur la possibilité d’exprimer son point de vue doctrinal (points 160 à 165 de l’avis)

L’article 60 du projet de décret autorise l’avocat aux Conseils à « faire connaître son point de vue doctrinal sur la jurisprudence ou les méthodes juridictionnelles ». En revanche, il exclut expressément les commentaires sur une décision rendue dans une procédure dans laquelle l’avocat aux Conseils est intervenu.

L’Autorité, tout en prenant acte de la position de l’Ordre considère, d’une part, que l’article 60 n’est pas suffisamment précis et que, partant, il existe un risque de traitement au cas par cas des situations, voire de créer une crainte de sanctions dans l’esprit des professionnels. D’autre part, les commentaires doctrinaux sur une affaire particulière, même à laquelle l’avocat aux Conseils a participé, pourraient être encadrés.

Elle a donc recommandé d’indiquer explicitement dans le projet de décret ou dans le règlement professionnel que la diffusion d’arrêts et de commentaires doctrinaux, même ceux portant sur les affaires dans lesquelles l’avocat aux Conseils est intervenu, est autorisée.

Le décret du 1er mars 2023

Si le décret finalement adopté n’a pas pris en considération l’intégralité des recommandations visant à préciser la rédaction de certains articles du code de déontologie, l’Autorité sera attentive à ce que celles-ci soient prises en compte dans l’élaboration des règles professionnelles qui seront prochainement adoptées en application de l’article 2 de l’ordonnance du 13 avril 2022.

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Maxence Lepinoy
Maxence Lepinoy
Chargé de communication, responsable des relations avec les médias
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