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L’Autorité de la concurrence publie un nouveau communiqué de procédure relatif à son programme de clémence

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L’essentiel

L’Autorité de la concurrence publie un nouveau communiqué de procédure relatif au programme de clémence qui consolide et précise le cadre juridique applicable afin d’encourager les entreprises à recourir à la procédure de clémence en leur apportant plus de clarté et de prévisibilité quant au traitement de leur demande. Il remplace le communiqué du 3 avril 2015 pour prendre en compte les modifications issues de la directive ECN+, de la loi DDADUE et du décret n° 2021-568 du 10 mai 2021.

Tout d’abord, le communiqué prend acte de la suppression par la loi DDADUE de l’avis de clémence rendu par le collège et détaille la nouvelle procédure par laquelle le rapporteur général informe l'entreprise de son éligibilité à une exonération totale ou partielle des sanctions pécuniaires encourues, qu’il appartient au collège de confirmer, lorsqu’il rend sa décision au fond.

Ensuite, le communiqué apporte une plus grande clarté sur des points majeurs : il expose les nouvelles conditions d’éligibilité aux différents types d’exonération issues du décret, explicite la pratique du marqueur permettant au demandeur de conserver sa place dans l’ordre d’arrivée et précise les garanties conférées au bénéficiaire de la clémence au regard de sa responsabilité civile ou pénale.

Enfin, il modernise la procédure de dépôt et de recueil des demandes de clémence en permettant la dématérialisation des échanges.

La mise à jour du communiqué clémence s’ajoute à l’instauration récente de la procédure de recueil et de traitement des lanceurs d’alertes pour constituer un cadre rénové et efficace de détection des pratiques anticoncurrentielles par l’Autorité.

Dès 2006, le Conseil de la concurrence s’était doté d’un communiqué de procédure exposant la manière dont les dispositions du IV de l’article L. 464-2 du code de commerce relatives à la clémence étaient mises en œuvre.

A la suite de la création de l’Autorité de la concurrence par la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie, un nouveau communiqué de procédure en matière de clémence a été adopté le 2 mars 2009. Une nouvelle version en a ensuite été publiée, le 3 avril 2015.

Les dispositions du code de commerce relatives à la clémence ont été modifiées par la loi n° 2020-1508 du 3 décembre 2020 portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne en matière économique et financière (« loi DDADUE »). Celle-ci a supprimé la procédure de l’avis de clémence, par laquelle il revenait au collège de se prononcer sur les demandes de clémence, en amont de l’instruction de l’affaire, par une décision distincte de celle à intervenir au fond. Il y a été substitué un mécanisme par lequel le rapporteur général  informe l'entreprise de son éligibilité à une exonération totale ou partielle des sanctions pécuniaires encourues, qu’il appartient au collège de confirmer, lorsqu’il rend sa décision au fond. Cette évolution importante, porteuse d’une nette économie procédurale, est un facteur de célérité de la procédure au bénéfice des entreprises.

La loi DDADUE a par ailleurs habilité le gouvernement à transposer par ordonnance la directive 2019/1 du 11 décembre 2018 visant à doter les autorités de concurrence des États membres des moyens de mettre en œuvre plus efficacement les règles de concurrence et à garantir le bon fonctionnement du marché intérieur, dite directive ECN +.

Cette directive a conféré aux autorités nationales de concurrence des pouvoirs renforcés, en vue d’une efficacité et d’une homogénéité accrues dans l’application des règles de concurrence européennes. Elle consacre son chapitre VI à la clémence, les règles gouvernant cette procédure étant ainsi pour la première fois inscrites dans un texte de droit européen.

Si la plupart des dispositions de la directive ECN + ont été transposées en droit interne par l’ordonnance n° 2021-649 du 26 mai 2021, ses articles 17 à 22, relatifs à la clémence, ont quant à eux principalement été transposés par le décret n° 2021-568 du 10 mai 2021, codifié aux articles R. 464-5 et suivants du code de commerce. Dès lors, les principes et le détail de la procédure de clémence, qui figuraient jusqu’à présent, pour l’essentiel, dans cet acte de droit souple que constituait le communiqué de l’Autorité, sont maintenant inscrits dans le droit positif.

Le nouveau communiqué publié aujourd’hui par l’Autorité tend à refléter et préciser ces nouvelles dispositions légales et règlementaires, afin d’encourager les entreprises concernées à s’engager dans une démarche de demande de clémence, en vue de bénéficier d’une exonération totale ou partielle des sanctions pécuniaires encourues.

Quels sont les apports de ce nouveau texte ?

  •  Diversifier les modalités de dépôt de la demande de clémence

Aux termes du nouveau communiqué, les entreprises peuvent désormais adresser leur demande de clémence à l’Autorité par un formulaire électronique sécurisé, depuis le site internet de l’Autorité, ou bien par remise en personne à l’accueil de l’Autorité. Il demeure par ailleurs toujours possible d’adresser leur demande, comme auparavant, par lettre recommandée avec avis de réception, ou en contactant par téléphone le conseiller clémence.

Ainsi, les entreprises peuvent désormais choisir le moyen qu’elles estiment le plus pratique et le plus sécurisé, selon les circonstances, en continuant à bénéficier des meilleures garanties de la confidentialité de leur démarche.

  • Expliciter les conditions d’éligibilité à l’exonération totale ou partielle des sanctions pécuniaires

Le communiqué précise quelles sont les conditions d’éligibilité à une exonération totale ou partielle des sanctions pécuniaires, en application du nouveau cadre normatif. Il a pour objectif de distinguer, pour accorder l’exonération totale, le cas où les éléments apportés par l’entreprise permettent à l’Autorité de procéder à des opérations de visite et saisie (cas de type dit 1A), de celui dans lequel les éléments fournis lui permettent d’établir l’existence de la pratique litigieuse (cas de type 1B).

Le communiqué ne modifie pas sur le fond les conditions d’éligibilité à l’exonération totale de type 1B, ni celles relatives à l’exonération partielle (cas de type 2) – en particulier, les fourchettes de réduction en fonction du rang du demandeur sont inchangées.

Pour accorder une exonération totale de type 1A, le communiqué, reprenant les termes du décret, introduit la condition qu’il n’ait pas déjà été procédé à des opérations de visite et saisie ni à des perquisitions pénales en rapport avec la pratique en cause.

  • Consacrer la pratique de la demande de marqueur

Le nouveau communiqué consacre la pratique du marqueur, déjà existante, qui permet au demandeur d’obtenir un délai pour rassembler les éléments nécessaires au soutien de sa demande, durant lequel il conserve la place de sa demande dans l’ordre d’arrivée.

  • Moderniser les conditions de recueil de la déclaration de clémence

Aux termes du nouveau communiqué, la déclaration de clémence et les pièces au soutien de celle-ci peuvent être transmises par voie électronique, sur une plateforme sécurisée d’échange de documents. Cette nouvelle modalité, qui offre aux entreprises plus de souplesse et de sécurité dans la communication à l’Autorité des éléments requis pour constituer leur demande, permet une économie de ressources tant pour ces demandeurs que pour l’Autorité.

De plus, une importante évolution est intervenue en matière de recevabilité des preuves dans les procédures devant l’Autorité. Dans le prolongement de la jurisprudence européenne (arrêt du Tribunal du 8 septembre 2016, Goldfish e.a./Commission, Affaire T-54/14), le standard de la liberté de la preuve, similaire à celui applicable en matière pénale, s’applique désormais, si bien par exemple que les enregistrements audio dissimulés peuvent être produits par les demandeurs de clémence.

  • Consolider la pratique quant aux suites données par le rapporteur général à la demande de clémence

La suppression de l’avis de clémence, opérée par la loi DDADUE, a fait place à une nouvelle procédure par laquelle le rapporteur général donne suite à la demande de clémence. Le nouveau communiqué vient consolider la pratique qui s’est développée depuis l’entrée en vigueur de la modification du IV de l’article L. 464-2 du code de commerce.

Selon le cas, le rapporteur général informe l’entreprise, par écrit, de son éligibilité – ou de son absence d’éligibilité – à une exonération, et ce dans les meilleurs délais. Il peut également lui indiquer, sans se prononcer sur l’éligibilité de la demande, qu’il estime n’y avoir pas lieu d’ouvrir une enquête ou de formuler une proposition d’autosaisine, ou bien que les faits sont manifestement prescrits.

L’entreprise dont la demande a été estimée éligible se voit accorder l’exonération des sanctions pécuniaires par le collège de l’Autorité, en même temps qu’est rendue la décision au fond, sous réserve qu’elle se soit conformée à son obligation de coopération, dans les termes rappelés par le rapporteur général.

Dans le cas où le rapporteur général aurait invité l’entreprise à poursuivre temporairement sa participation à la pratique concernée, cette demande est désormais formalisée par un procès-verbal.

Quand il n’est pas donné suite à la demande, le rapporteur général peut revenir sur cette position initiale et, dans ce cas, la demande de clémence est étudiée en conservant l’antériorité de sa place dans l’ordre d’arrivée, dans l’intérêt de l’entreprise concernée.

Dans ce cadre rénové, les entreprises bénéficient ainsi de plus de clarté et de prévisibilité quant au déroulé de la procédure et au traitement de leur demande de clémence.

  • Préciser les garanties conférées au bénéficiaire de la clémence au regard de la mise en jeu de sa responsabilité civile ou pénale

Le nouveau communiqué développe et précise quels mécanismes peuvent venir limiter l’étendue de l’éventuelle responsabilité civile des entreprises bénéficiant de la clémence et de la responsabilité pénale de leurs dirigeants. Ces règles ont en effet largement évolué depuis la publication du précédent communiqué, en conséquence de la transposition tant de la directive 2014/104 du 26 novembre 2014 relative à certaines règles régissant les actions en dommages et intérêts en droit national pour les infractions aux dispositions du droit de la concurrence que de la directive ECN +.

Au plan civil, en cas d’action en réparation engagée par une victime des pratiques anticoncurrentielle en cause, ces dispositions prévoient notamment la limitation de la responsabilité solidaire de l’entreprise ayant obtenu une exonération totale des sanctions encourues, (article L. 481-11 du code de commerce), ainsi que la protection de la déclaration de clémence, dont le juge saisi de cette action ne peut enjoindre la communication (article L. 483-5 du code de commerce).

Au plan pénal, il est rappelé dans le nouveau communiqué que les directeurs, gérants et autres membres du personnel d’une entreprise ayant obtenu l’exonération totale des sanctions pécuniaires sont exempts des peines prévues à l’article L. 420-6 du code de commerce, s'ils ont activement coopéré avec l'Autorité et le ministère public. Dans ce cas, l’Autorité en informe le procureur de la République, lui transmet le dossier et mentionne les personnes physiques qui lui paraissent éligibles à cette exemption.

Communiqué de procédure

du 15 décembre 2023 relatif au programme de clémence français

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Maxence Lepinoy
Maxence Lepinoy
Chargé de communication, responsable des relations avec les médias
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