L'essentiel

Plusieurs thèmes qui figuraient parmi les priorités  de l’Autorité en 2019 resteront au premier rang de son action en 2020. Ils demeurent stratégiques pour que la concurrence reste vive et bénéficie aux entreprises et aux consommateurs : il s’agit des enjeux numériques, du secteur de la distribution, de la concurrence en Outre-mer.

Des thèmes nouveaux font leur apparition en 2020 et illustrent la volonté de l’Autorité de tenir compte des évolutions de l’économie en leur apportant une réponse adaptée. Elle s’intéressera en particulier à :

  • l’impact de la révolution numérique sur le secteur financier, à travers les services financiers dématérialisés, les fintechs, la technologie blockchain et l’arrivée des géants du numérique dans les services de paiement. Ces sujets feront l’objet d’une étude spécifique qui aboutira en 2020.
     
  • la prise en compte des exigences du développement durable et notamment de l’environnement. L’Autorité participera notamment à la réflexion commune engagée par le groupe des autorités de régulation sur la prise en compte de l’impératif écologique dans l’action des autorités de régulation. Elle s’attachera en outre à développer sa réflexion sur les liens entre droit de la concurrence et environnement, par exemple en ciblant les infractions au droit de la concurrence qui mettent par ailleurs en cause la protection de l’environnement.
     
  • au respect par les associations, ordres et syndicats professionnels des règles de concurrence. L’Autorité publiera en 2020 une étude  consacrée à  l'application du droit de la concurrence à ces acteurs. Elle a choisi ce thème en prévision de l’entrée en vigueur de la directive ECN+, qui devra être transposée en 2020, et qui va conduire à exposer les associations, syndicats ou ordres professionnels à des sanctions beaucoup plus lourdes et dissuasives.  Cette étude permettra de faire de la pédagogie et de  mettre en garde les acteurs sur les comportements à risque.

Enfin, l’Autorité poursuivra une politique contentieuse active en 2020, avec un certain nombre d’affaires importantes qui aboutiront dans l’année, dans les secteurs de l’alimentation, de la presse, de la santé, de l’optique, de l’électronique grand public, notamment…

De façon plus générale,  l’Autorité entend promouvoir plus largement la conformité. A cet égard, elle animera à un groupe de travail spécifique dont l’objectif est d’identifier, avec les entreprises, les politiques les plus efficaces et les meilleures pratiques en matière de conformité.

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Les secteurs et thématiques d'action

Le numérique

L’Autorité continuera de mettre le Numérique au premier rang de ses priorités en 2020. La révolution numérique affecte l’économie et les dynamiques concurrentielles en profondeur. C’est pourquoi des moyens conséquents seront dédiés au décryptage de ces enjeux : il s’agit, aussi bien, d’évaluer à leur juste mesure les mutations économiques engendrées par la révolution numérique (dans le secteur de la distribution notamment) que d’être en mesure de prévenir ou sanctionner de nouvelles formes d’ententes ou d’abus de position dominante.

Nous entendons, ainsi, renforcer encore les moyens humains consacrés à la détection et l’analyse des comportements mis en œuvre par les acteurs du numérique. Ceci se traduira par la création d’un nouveau service spécialisé, directement rattaché au Rapporteur général de l’Autorité : le service de l’économie numérique.

Cette entité sera chargée de développer une expertise poussée sur ces sujets, d’intervenir en appui dans les dossiers à forte composante numérique, qu’il s’agisse de concentrations d’entreprises ou d’investigations portant sur le respect du droit de la concurrence. Le service  s’attachera, tout d’abord, à développer les nouveaux outils (cadre conceptuel, méthodes d’investigation) permettant à l’Autorité d’appréhender efficacement l’économie des plateformes. Il travaillera en lien avec le monde académique et les institutions de recherche spécialisées dans le numérique. Il œuvrera également en étroite coopération avec les autres autorités de concurrence, au niveau européen et international, les autorités de régulation, et les services de l’Etat compétents.

L’Autorité accompagnera par ailleurs l’installation du pôle d’expertise numérique qui sera prochainement mis en place par le gouvernement et avec lequel elle a vocation à interagir.

En matière de lutte contre les pratiques anticoncurrentielles, l’Autorité est déterminée à faire usage de l’ensemble de ses outils pour poursuivre et sanctionner, dans un délai le plus effectif possible, les comportements anticoncurrentiels mis en œuvre par les acteurs du numérique. L’ensemble des moyens procéduraux prévus par le droit de la concurrence - mesures conservatoires, sanctions pécuniaires, injonctions - pourront être mobilisés lorsque des pratiques restreignent le libre jeu concurrentiel ou la capacité de nouveaux entrants à pénétrer un marché.  L’Autorité s’intéressera, plus particulièrement, au secteur de la publicité en ligne, aux enjeux concurrentiels liés à la collecte et à l’exploitation des données personnelles et à l’utilisation des algorithmes. Elle examinera, notamment, en mars 2020 la demande de mesures conservatoires présentée par plusieurs acteurs du secteur de la presse concernant les modalités de mise en œuvre des droits voisins.

L’Autorité participera enfin de façon active aux travaux menés pour la redéfinition des outils et objectifs de la politique de concurrence pour répondre aux enjeux de l’économie numérique, tant au niveau national qu’européen et international : parmi les sujets à l’ordre du jour figureront une adaptation du cadre juridique pour traiter des problématiques concurrentielles liées aux plateformes. L’Autorité sera force de proposition afin de permettre un renforcement et un approfondissement du contrôle des concentrations, notamment s’agissant des acquisitions prédatrices ou qui consolident le pouvoir des grandes plateformes.

 

La distribution

Le secteur de la distribution figure, depuis plusieurs années, au cœur de l’activité de l’Autorité de la concurrence.

L’année 2020 verra l’aboutissement des différentes enquêtes ouvertes à l’occasion des nouveaux rapprochements à l'achat dans le secteur de la grande distribution à dominante alimentaire qui ont été notifiés à l’Autorité. Ces enquêtes devraient notamment permettre d’établir si les risques concurrentiels identifiés par l’Autorité dans l’avis 15-A-06 du 31 mars 2015 sur les centrales d'achat peuvent se matérialiser.  

L’Autorité publiera par ailleurs en 2020  une étude consacrée aux nouvelles stratégies commerciales en matière de distribution - telles que le « phygital » (modèle intégrant distribution physique et distribution digitale) ou les stratégies « omnicanales » - à la façon dont le droit de la concurrence prend acte de ces évolutions.

 

Associations professionnelles, ordres et syndicats professionnels

L’Autorité a constaté qu’au fil des années, certains syndicats ou associations professionnels, de même que des ordres professionnels, sont régulièrement associés à des infractions au droit de la concurrence, voire en sont les instigateurs (on peut citer notamment les affaires du transport par messageries en décembre 2015, le cartel du revêtement de sols en octobre 2017, et les sanctions prononcées en 2019 pour pratiques d’entente à l’égard de certaines instances ordinales des notaires et des architectes). L’Autorité continuera de faire de la détection de telles pratiques un axe prioritaire de ses investigations.

L’année 2020 marquera par ailleurs un changement très significatif avec la transposition de la directive n° 2019/1 dite ECN+, visant à doter  les  autorités  de  concurrence  des  États  membres des  moyens  de  mettre en  œuvre plus  efficacement les  règles de  concurrence et  à  garantir le  bon  fonctionnement du  marché intérieur. En effet, il résulte de cette directive que le régime applicable aux associations d’entreprises sera substantiellement durci. Alors que les sanctions prononcées par l’Autorité de la concurrence contre les associations ou syndicats professionnels ne pouvaient, jusqu’à aujourd’hui, dépasser un montant de 3 millions d’euros, avec la directive ECN +, les sanctions pourront  atteindre un montant correspondant au cumul de 10 % du chiffre d’affaires mondial de chaque entreprise membre du syndicat ou de l’association. Les sanctions prononcées à l’encontre des  syndicats, associations professionnelles ou ordres pourront donc à l’avenir être beaucoup plus dissuasives.

Afin d’anticiper sur ce nouvel état du droit, l’Autorité a lancé en 2019 un appel à contributions et publiera en 2020 une étude thématique sur l’application du droit de la concurrence aux syndicats et organismes professionnels, qui sera publiée dans la collection « Les Essentiels ». Cette étude  aura notamment pour but de favoriser la conformité, en identifiant les pratiques qui peuvent tomber sous le coup du droit de la concurrence.

 

Le développement durable

L’Autorité souhaite inscrire le développement durable au cœur de son action et participera notamment à la réflexion collective sur la prise en compte des enjeux climatiques au sein du groupe des autorités de régulation (dans lequel l’ADLC collabore avec l’AMF, le CSA, l’ARCEP,  la CNIL, l’Hadopi, l’ART, la CRE et l’Arjel), lancée le 19 décembre 2019 (voir communiqué de presse).

De son côté, l’Autorité s’attachera, notamment, à détecter les pratiques qui restreignent la concurrence entre entreprises et nuisent à la protection de l’environnement. L’Autorité a d’ores et déjà sanctionné des pratiques de ce type dans sa décision n° 17-D-20 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur des revêtements de sols résilients qui sanctionnait un comportement d’entente par lequel les entreprises membres du cartel s’étaient délibérément interdit de mettre en avant les performances environnementales allant au-delà d’un certain « standard moyen » de l’industrie. L’Autorité a relevé qu’en réduisant ainsi la concurrence sur ce paramètre, les entreprises avaient porté atteinte aux intérêts du consommateur, alors que celui-ci se montrait de plus en plus attentif aux performances environnementales des produits et cherchait à privilégier les produits les plus performants à cet égard.

En parallèle, l’Autorité portera la discussion au niveau international dans le cadre du réseau international de concurrence (International Competition Network, ICN), ainsi qu’au niveau européen, dans le cadre des discussions qui doivent intervenir en 2020 sur la révision des règlements européens d’exemption sur les restrictions verticales et sur certaines catégories d’accords de recherche et de développement, ainsi que sur  certaines catégories d'accords de spécialisation.

 

L’Outre-mer

L’Autorité a effectué en 2019 plusieurs opérations de visite et saisie en Outre-mer (Réunion, Mayotte) et s’est rendue pendant une semaine à La Réunion afin d’instruire un dossier de concentration dans la grande distribution alimentaire portant sur la cession des magasins de la société Vindemia (Jumbo, Score, Vival…) à Groupe Bernard Hayot.

Plusieurs dossiers devraient connaître une issue au cours de l’année 2020. L’Autorité restera particulièrement attentive aux infractions de la concurrence affectant les territoires d’outre-mer. Elle restera par ailleurs mobilisée sur le sujet de la vie chère en Outre-mer et sur les réformes qui peuvent animer la concurrence et faire bénéficier le consommateur ultra-marin de produits de meilleure qualité à meilleur prix, dans la ligne de l’avis sur l’outre-mer qu’elle a rendu au gouvernement en juillet 2019.

 

La Corse

L’Autorité rendra en 2020 l’avis sollicité par le Gouvernement sur les problématiques concurrentielles de l’économie corse. L’Autorité a réalisé fin 2019 un déplacement  d’une semaine sur le terrain. Cela a été l’occasion pour l’équipe dirigée par la vice-présidente Fabienne Siredey-Garnier et le Rapporteur général Stanislas Martin de rencontrer l’ensemble des acteurs de l’économie corse, tant en Corse du sud qu’en Haute-Corse. Les entretiens réalisés ont permis d’enrichir l’instruction, qui devrait déboucher sur un diagnostic et des propositions.

 

Les marchés publics

L’Autorité souhaite porter une attention particulière à la lutte contre les pratiques anticoncurrentielles dans les marchés publics. Ces derniers sont en effet particulièrement exposés au risque d’ententes, qui causent un préjudice considérable aux acheteurs publics et affectent la bonne utilisation des deniers publics.

À l’instar de ses homologues européens et internationaux, l’Autorité, en parallèle de cette vigilance accrue, travaille, en lien avec les services des ministères de l’économie et des finances et de l’action et des comptes publics, à la mise en place d’outils permettant la collecte et l’analyse automatique des  données de marchés publics afin de détecter de manière encore plus exhaustive les comportements collusifs. L’Autorité restera, par ailleurs, particulièrement vigilante sur les chantiers relatifs aux infrastructures majeures nécessitant la passation d’importants marchés publics.

 

La modernisation de l'Autorité

 

Le contrôle des concentrations

Après une phase de consultation publique approfondie menée à l’automne 2019, l’Autorité adoptera de nouvelles « lignes directrices » en matière de  contrôle des concentrations  au début de l’année 2020. L’Autorité intégrera dans ce document les évolutions de sa pratique liées à la numérisation de l’économie, par exemple pour l’évaluation de la pression concurrentielle exercée par les sites de vente en ligne.

L’Autorité continuera, par ailleurs, d’être force de proposition sur l’adaptation du contrôle des concentrations, au niveau national et européen, afin d’approfondir  cet outil indispensable pour préserver la concurrence sur les marchés. L’Autorité s’attachera à ce que soient mieux prises en compte les pratiques d’acquisition de certains acteurs et que les opérations, qui passent aujourd’hui  « sous les seuils », alors qu’elles affectent la dynamique concurrentielle des marchés, fassent l’objet d’un contrôle resserré.

 

Le renforcement des pouvoirs de l’Autorité à travers la transposition de la directive ECN+

Plusieurs modifications substantielles devraient intervenir au cours de l’année 2020 et contribueront à renforcer l’efficacité de l’Autorité.

Le projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et à la souveraineté culturelle à l’ère numérique, présenté en conseil des ministres le 5 décembre 2019 et qui sera examiné en 2020, comporte des dispositions visant à transposer la directive ECN et à moderniser le cadre procédural dans lequel l’Autorité exerce ses missions.

 

La pédagogie de la concurrence

En 2020, l'Autorité poursuivra résolument son action en matière de pédagogie de la concurrence.

En janvier, elle mettra à disposition des PME, mais aussi de tous ceux qui souhaitent comprendre les principes de base du droit de la concurrence, un « Guide de la concurrence ». Elle s’appuiera sur ce document pour poursuivre sa démarche de dialogue et d’explicitation, auprès des entreprises et de leurs associations professionnelles.

Par ailleurs, elle publiera début février, au sein de la collection « Les Essentiels » (La Documentation Française), une étude sur les engagements comportementaux en matière de concurrence. Cet ouvrage fait le point sur le recours aux engagements comportementaux par l’Autorité (buts, modalités, efficacité). Il vise à fournir aux entreprises confrontées à la préparation d’opérations de concentration ou à des procédures contentieuses des outils pour comprendre sa méthodologie et les objectifs poursuivis.

L’Autorité lancera également une réflexion sur les politiques de conformité en animant un panel  d’experts (directeurs juridiques et conformité d’entreprises notamment). Cette démarche permettra de recenser et d’identifier les outils les plus efficaces et les bonnes pratiques en matière de conformité, afin de prémunir réellement les entreprises du « risque concurrence » et favoriser la sensibilisation des dirigeants et collaborateurs d’entreprises.

 

Le renforcement de la coopération internationale

L’été  2019 a été marquée par l’adoption, à l’initiative de l’Autorité de la concurrence, d’un accord commun « Numérique et concurrence »  entre autorités de concurrence du G7 : DOJ et FTC américaines, autorités de concurrence du Canada, Italie, Royaume-Uni, Japon, Allemagne, et Commission européenne présentes lors du sommet de Chantilly sous présidence française du G7 (voir communiqué de presse du 15 juillet 2019 et l’accord commun) L’Autorité française estime que la poursuite des efforts des autorités de concurrence du G7 pour dégager des approches communes sur l’appréciation concurrentielle des sujets numériques  est cruciale. Elle  a par conséquent proposé d’inscrire cette coopération spécifique entre autorités du G7 dans la durée. Les autorités partenaires du G7 ont approuvé, à la fin de l’année 2019, cette proposition et ont décidé de poursuivre une réflexion à haut niveau dans ce cadre au cours de l’année 2020. Celle-ci comportera notamment, outre les échanges de fond, une conférence à Paris au deuxième semestre 2020 et l’approfondissement de certaines des thématiques abordées dans l’accord de juillet 2019.

L’Autorité continuera en parallèle d’être particulièrement investie dans les autres forums de coopération internationale (OCDE, ICN), au premier rang desquels le Réseau européen de concurrence. Le Réseau européen de concurrence devra discuter de projets importants, avec la révision du règlement sur les restrictions verticales et horizontales et la mise à jour, annoncée par la Commission européenne, de sa notice sur la définition des marchés pertinents.

L’ICN connaîtra par ailleurs une nouvelle avancée avec la mise en œuvre, en 2020, du nouvel outil sur l’équité procédurale en matière de procédures de concurrence, intitulé « Cadre sur les procédures des autorités de concurrence » (« Framework on Competition Agency Procedures »), adopté en 2019.

L’Autorité  continuera, enfin, en 2020, de développer la coopération bilatérale  approfondie avec son homologue allemande, et organisera en France la 9ème journée franco-allemande de la concurrence.

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Yannick Le Dorze
Yannick Le Dorze
Adjoint à la directrice de la communication
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