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Internet ADSL haut débit : le Conseil de la concurrence prononce une sanction pécuniaire de 20 millions d’euros à l’encontre de France Télécom

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Saisi par 9 Télécom, le Conseil de la concurrence a sanctionné France Télécom pour ne pas avoir respecté l’injonction prononcée à son encontre dans le cadre de mesures conservatoires, le 18 février 2000. Il lui a infligé une sanction pécuniaire d’un montant de 20 millions d’euros.

Rappel du contexte

Pour offrir au détail des services d’accès à internet haut débit (ADSL), les fournisseurs d’accès internet (FAI) ont recours à des offres de gros proposées par France Télécom ou par des opérateurs alternatifs. France Télécom et ces opérateurs se partagent ce marché de gros selon trois options définies par l’Autorité de régulation des télécommunications (ART). L’option 1 permet à l’opérateur alternatif de brancher ses équipements et de commencer son service dès le point d’arrivée de la ligne du client final au central téléphonique (dégroupage). L’option 5, à l’inverse, laisse à France Télécom la responsabilité presque entière de la collecte et du transport des communications internet du client final. L’option 3 correspond à un partage intermédiaire des tâches assurées par France Télécom et l’opérateur alternatif.

Pour effectuer ce partage, l’option 3 confie à l’opérateur concurrent des « circuits virtuels » découpés dans les équipements de France Télécom et lui en attribue la gestion. La mise en œuvre de cette option permet à l’abonné d’être le client d’un opérateur alternatif pour le service de transport de données à haut débit, tout en restant client de France Télécom pour le service téléphonique.

Les mesures conservatoires prononcées en février 2000

Constatant que France Télécom n’offrait pas aux opérateurs alternatifs la possibilité d’exploiter l’option 3 définie par l’ART, ce qui les empêchait d’élaborer des offres spécifiques, le Conseil de la concurrence, saisi par 9 Télécom, a prononcé des mesures conservatoires et a enjoint à France Télécom :
« de proposer aux opérateurs tiers, dans un délai maximum de huit semaines […], une offre technique et commerciale d’accès au circuit virtuel permanent pour la fourniture d’accès à internet par la technologie ADSL ou tout autre solution technique et économique équivalente permettant aux opérateurs d’exercer une concurrence effective, tant par les prix que par la nature des prestations offertes » (décision 00-MC-01).

La saisine de 9 Télécom pour non-respect d’injonction

Un an plus tard, la société 9 Télécom a saisi le Conseil pour non-respect de cette injonction par France Télécom.

Elle expose que, suite à cette injonction, France Télécom a effectivement transmis, le 18 avril 2000, une offre aux opérateurs tiers - dite « ADSL Connect ATM » - mais fait valoir que celle-ci contient de nombreuses restrictions techniques et tarifaires et qu’elle n’est, de ce fait, pas conforme à l’injonction donnée par le Conseil.

France Télécom n’a pas respecté l’injonction du Conseil

La condition posée par l’injonction du Conseil - l’exercice d’une concurrence effective - implique de s’assurer que les conditions économiques de cette offre sont telles, qu’elles permettent à des opérateurs tiers efficaces y recourant, de fournir des prestations équivalentes à celles proposées par France Télécom aux fournisseurs d’accès internet (FAI).

De façon concrète, il s’agit de vérifier si un opérateur efficace qui achèterait à France Télécom les prestations correspondant à l’option 3 pour revendre aux FAI un service équivalent à celui offert, par ailleurs, par France Télécom pourrait dégager une marge suffisante pour faire face à ses coûts.

En raison de la grande complexité des tarifs de France Télécom, plusieurs modèles basés sur des hypothèses multiples ont été utilisés. Ils montrent que, dans tous les cas de figure réalistes, la marge nette dégagée est nulle ou négative : les recettes que les opérateurs tireraient de leurs offres aux FAI - concurrentes à celles de France Télécom - ne pourraient couvrir les coûts d’accès au titre du service de l’option 3 et leurs coûts propres. Le niveau du tarif de l’option 3 au regard de celui de l’offre de France Télécom laisse, en effet, un espace économique insuffisant aux opérateurs tiers pour développer une offre rentable de service ADSL en direction des FAI. Il y a ciseau tarifaire.

Le Conseil de la concurrence a donc considéré que France Télécom ne s’est pas conformé à l’injonction prononcée le 18 juillet 2000.

Un comportement anticoncurrentiel majeur de la part de France Télécom

Le non respect d’une injonction prononcée par le Conseil constitue une pratique qui présente en elle-même, par sa nature, une gravité exceptionnelle.

Dans un contexte où le dégroupage de la boucle locale ne pouvait démarrer réglementairement qu’à partir de septembre 2000 et n’a démarré effectivement qu’en 2003 (dégroupage effectif de 2 700 lignes en décembre 2002), le non respect de l’injonction du Conseil a permis à France Télécom de fermer à ses concurrents le seul canal technique qui leur restait ouvert, l’option 3, et de rester sur le marché en situation proche du monopole.

La persistance de son comportement anticoncurrentiel malgré l’injonction du Conseil, a vidé de son contenu la mise en œuvre de l’option 3 et a durablement fermé le marché aux opérateurs concurrents, jusqu’à ce que l’ART obtienne, en octobre 2002, un ensemble de baisses de prix permettant de débloquer la situation. Les souscriptions à l’offre ADSL en option 3 n’ont démarré qu’à partir de l’année 2003.

Alors que l’accès à Internet à haut débit correspond à un besoin fort des utilisateurs finals, ce besoin n’a été essentiellement satisfait, durant la période de montée en régime et de conquête de cette clientèle nouvelle, que par l’option 5, option totalement sous contrôle de France Télécom, dès lors que l’option 1 n’était pas encore développée et l’option 3 volontairement verrouillée par la mise en place, au mépris de l’injonction du Conseil, d’un ciseau tarifaire.

Au total, les opérateurs tiers ont été exclus du marché naissant de la fourniture en gros des accès ADSL et les FAI ont dû faire face à un fournisseur se maintenant artificiellement en situation de quasi monopole, pour des prestations qui constituent une part importante de leurs charges et conditionnent largement leur rentabilité ou les prix qu’ils sont en mesure de proposer aux consommateurs.

 

Contact(s)

Yannick Le Dorze
Yannick Le Dorze
Adjoint à la directrice de la communication
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