Agriculture / Agro-alimentaire

Entente dans le secteur de la commercialisation de la viande de volaille (poulet, dinde, canard, lapin, etc.)

volaille

Prenant en considération l’engagement collectif pris par la quasi-totalité des industriels de la filière de mettre en place une interprofession, l’Autorité de la concurrence a décidé, pour des raisons d’intérêt général, de déroger à sa méthode habituelle de détermination des sanctions et d’infliger à ces entreprises des amendes beaucoup plus modérées.

Elle sanctionne ainsi à hauteur de 15,2 millions d’euros 21 industriels de la volaille et deux organisations professionnelles du secteur pour s’être concertés entre 2000 et 2007 en vue de réduire l’incertitude dans le cadre de leurs négociations commerciales.

Saisie en avril 2011 sur la base d’un rapport d’enquête de la DGCCRF (ministère de l’économie) à la suite d’opérations de visites et saisies réalisées en décembre 2007, l’Autorité de la concurrence publie aujourd’hui une décision par laquelle elle condamne pour entente deux organisations professionnelles et des industriels représentant la quasi-totalité du marché de la volaille (poulet, dinde, canard, pintade, lapin) sous toutes ses formes, volailles entières prêtes à cuire, découpes ou préparations.

En raison des circonstances très particulières de cette affaire, l’Autorité a considéré que l’engagement collectif de mettre en place une interprofession dans un calendrier contraint, pris par des industriels représentant l’essentiel du marché est susceptible d’avoir, pour le respect durable des règles de la concurrence dans le secteur de la viande de volaille, une plus grande efficacité que des sanctions pécuniaires calculées selon la méthode habituelle.

Le fonctionnement du marché


Les industriels abattent et commercialisent la volaille sous la forme de viande fraîche, congelée ou en produits élaborés, auprès de leurs clients composés de la grande et moyenne distribution (GMS), des grossistes et de la restauration hors domicile (RHD).

Les relations entre les éleveurs et les industriels fonctionnent pour une très large partie selon un système « intégré », dans lequel les abattoirs fournissent aux éleveurs les poussins ainsi que l’alimentation et leur payent une rémunération, comme à un sous-traitant.  A la différence des autres filières d’abattage, la filière avicole présente donc la spécificité de faire peser sur le seul industriel le risque lié à la volatilité des prix des céréales, lesquelles représentent les deux-tiers du prix d’une volaille standard. La prise de risque sur le coût des intrants se double d’une prise de risque sur les volumes. En effet, la mise en place de poussins pour l’élevage s’opère dans le cadre de garanties d’achat des volailles prêtes à l’abattage alors même que les contrats de vente sur l’aval n’offrent aucune garantie de débouchés. Les industriels de la volaille doivent donc faire face à de très fortes pressions sur les prix, tant en amont avec les éleveurs, qu’en aval avec leurs clients.

L’engagement pris par la FIA et 17 industriels de travailler à la mise en place d’une interprofession 

Dans le cadre de leur non-contestation du grief, la Fédération des Industries Avicoles (FIA) et 17 des industriels mis en cause, représentant la quasi-totalité du marché, ont souscrit un engagement collectif inédit consistant à travailler à la mise en place d’une interprofession étendue, c’est-à-dire intégrée à l’aval en recherchant la participation de la grande distribution.

Plusieurs rapports administratifs, rendus en 2013 et 2014, ont montré que des objectifs déterminants pour le redressement de la filière ne peuvent être discutés que dans un cadre interprofessionnel. Mais cette interprofession, que les pouvoirs publics et les acteurs eux-mêmes, bien que divisés, appellent de leurs vœux, peine à voir le jour malgré l’urgence. Cet engagement, qui s’inscrit dans un calendrier resserré dont la première échéance interviendra au plus tard dix-huit mois après la notification de la présente décision, répond donc à un intérêt général clairement identifié et poursuivi par les pouvoirs publics.

Les trois engagements opposables aux dix-huit demandeurs sont ainsi rédigés :

1) Constituer et financer un Comité de Préfiguration, lancer les travaux et émettre dans les 18 mois de la date de publication de la Décision à intervenir, un rapport synthétisant les travaux réalisés et ceux restant à accomplir pour réaliser l’interprofession,

2) Faire leurs meilleurs efforts pour parvenir à la création de l’interprofession du secteur avicole dans un délai de 3 ans à compter de date de la publication de la Décision à intervenir,

3) Proposer à l’Autorité de la concurrence la désignation d’un Mandataire chargé du contrôle du respect des engagements proposés, qui en particulier :

- participera à toutes les réunions du Comité de Préfiguration et le cas échéant de l’interprofession pendant 3 ans à compter de la date de la Décision à intervenir,
- émettra un rapport tous les semestres, à la disposition de l’Autorité de la concurrence,
- disposera d’un droit d’accès aux travaux du Comité, et d’un droit d’alerte de l’Autorité de la concurrence.

L’entente sanctionnée

Les réunions et contacts illicites, qui se sont déroulés dans leur quasi-totalité à l’initiative de la fédération des industries avicoles, la FIA, ont connu deux phases différentes, qui n’ont pas eu la même intensité.

La période comprise entre 2001 et fin 2006

Pendant cette première phase, 2001-2006, les industriels du secteur de la volaille ont eu des réunions et des contacts, qui n’avaient aucune régularité, au cours desquelles ils discutaient des prix constatés sur le marché à l’occasion d’échanges sur la conjoncture, des objectifs de prix de gros, notamment à Rungis, et des prix conseillés, notamment ceux qui ont fait l’objet des tableaux de « prix de vente au consommateur » conseillés pour les promotions, transmis aux GMS. Ces échanges illicites entre concurrents n’ont pas permis d’instaurer une véritable entente tarifaire pour piloter les prix de gros ou de détail sur les marchés en cause, mais ont sensiblement réduit l’incertitude de chaque opérateur pour mener ses négociations avec les différents canaux de distribution.

La période comprise entre fin 2006 et fin 2007

 Cette période est caractérisée par un nombre très élevé de réunions (près de 60 réunions en une année). Ces échanges très nombreux s’expliquent par la crise des prix des céréales, dont les cours ont doublé en quelques mois, et par la volonté des industriels de répercuter la hausse des coûts de production sur les prix de vente aux GMS. Cette concertation illicite leur a permis d’engager des discussions avec les distributeurs à partir de demandes communes ce qui a aussi eu pour effet de fausser leur déroulement puisque chaque négociation bilatérale a fait l’objet d’un suivi commun. Malgré le caractère massif des réunions, celles-ci n’ont toutefois pas conduit à vider de leur contenu les discussions commerciales qui ont abouti à des résultats différents suivant les enseignes et les industriels, aussi bien en termes de taux de hausse de prix qu’en termes de calendrier. De manière générale, les hausses collectivement demandées par les industriels n’ont été que partiellement acceptées par la grande distribution.

L’importance de l’engagement de créer une interprofession au regard des pratiques constatées

Les échanges portant sur les prix de gros constatés ne poursuivaient pas un objectif illégal en soi, objectif qui pourrait d’ailleurs être facilement atteint par des moyens légaux dans le cadre d’une interprofession bien organisée. Ainsi, l’élaboration de mercuriales de prix anonymisées dans des conditions ne portant pas atteinte à la concurrence pourrait être assurée par la FIA en respectant des principes simples, qui ont été fixés dans plusieurs avis de l’Autorité de la concurrence.

De même, des textes, entrés en vigueur après 2007, permettent aujourd’hui de disposer d’outils légaux pour encadrer les conditions de répercussion des hausses de prix à l’aval d’une filière en cas de fluctuations excessives. A titre d’exemple, l’article 62 de la loi n°2014-344 du 17 mars 2014 sur la consommation, dite loi Hamon, prévoit que les ventes de produits dont les prix sont significativement affectés par des fluctuations du cours des matières premières agricoles comportent une clause de renégociation du prix permettant de prendre en compte ces fluctuations à la hausse comme à la baisse.

Ces outils n’existaient pas en 2007 lors de la crise traversée par les volaillers, ce qui explique, sans l’excuser, ce qu’on pourrait appeler une régulation interprofessionnelle « informelle ou sauvage » mise en place par la FIA pour faire face à l’urgence. Là encore, une interprofession bien organisée devrait rendre inutile ce type de comportement illégal et inefficace.

Les entreprises sanctionnées

Les montants forfaitaires de sanction ont été déterminés en fonction de l’importance des opérateurs sur le marché et du degré plus ou moins élevé de leur participation à l’entente. Ils ont ensuite fait l’objet d’abattements supplémentaires pour tenir compte des difficultés financières de certaines entreprises.



Par ailleurs, deux organismes professionnels et une quinzaine d’entreprises ont été, soit mis hors de cause pour insuffisance de preuves de leur participation à l’entente, soit exonérés de sanction du fait notamment de leur liquidation judiciaire en cours de procédure ou de leurs grandes difficultés financières, ce qui est notamment le cas de Doux, acteur majeur du secteur au moment des pratiques.

Contact(s)

Virginie Guin
Directrice de la communication
Yannick Le Dorze
Yannick Le Dorze
Adjoint à la directrice de la communication
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