Distribution

Centrales d’achat : l’Autorité examine des propositions d’engagements

rayons supermarché

L’Autorité de la concurrence a ouvert plusieurs enquêtes pour examiner les rapprochements à l’achat dans la grande distribution. Elle a reçu des propositions d’engagements relatives aux  accords conclus entre Casino, Auchan, Metro et Schiever.

Ces propositions d’engagements visent à  réviser l’accord de coopération relatif aux produits MDD (commercialisés sous leurs marques de distributeurs) et à le restreindre pour exclure du champ de  l’accord l’achat de plusieurs catégories de produits, notamment agricoles, et pour limiter les volumes d’achats d’autres produits.

En mai 2018 (voir communiqué de presse du 16 juillet 2018), l’Autorité a décidé, à la suite de la communication de deux projets de rapprochements à l’achat – entre Auchan/Casino/Metro/Schiever, d’une part, et Carrefour/Système U, d’autre part - d’ouvrir, pour chacun de ces accords, une enquête afin d’évaluer leur impact concurrentiel à l’amont (fournisseurs) et à l’aval (consommateurs). Une autre enquête a ensuite été ouverte concernant le  rapprochement entre Carrefour et Tesco

Dans le prolongement de son enquête concernant l’accord entre Auchan/Casino/Metro/Schiever, l’Autorité s’est autosaisie au fond puis en mesures conservatoires sur le fondement du dispositif spécifique aux centrales d’achat introduit par la loi Egalim en septembre 2019. Depuis la loi Egalim du 30 octobre 2018, l’Autorité a en effet la faculté, en matière de rapprochements à l’achat, de se saisir d’office en mesures conservatoires1, ce qui peut déboucher sur la suspension des accords.
 

Un développement important des accords à l’achat


Depuis quelques années, les enseignes de la grande distribution ont conclu de nombreux accords à l’achat2 afin de massifier leurs achats et d’obtenir de meilleures conditions commerciales auprès des fournisseurs. Suivant les cas les accords peuvent comporter :

  • l’achat en commun de produits de marques de fabricants (MDF),
  • la fourniture en commun de services internationaux au bénéfice de fournisseurs,
  • l’achat en commun de produits de marques de distributeurs (MDD).
     

Des préoccupations de concurrence soulevées par l’accord entre Casino/Auchan/Métro/Schiever concernant les MDD


L’instruction des accords conclus entre Auchan et Casino a identifié des préoccupations de concurrence susceptibles d’être soulevées par le  rapprochement à l’achat, et ce, principalement sur le volet relatif aux produits de marques de distributeur (MDD).
 

  • Un risque de fragilisation des fournisseurs qui pourraient les conduire à diminuer leur capacité à investir et à innover


Le marché amont de l’approvisionnement est marqué par des conditions contractuelles plutôt défavorables aux fournisseurs (absence d’exclusivité, contrats de courte durée, absence d’engagements de volumes de la part des distributeurs). Il est également caractérisé par une diminution des volumes pendant les années précédant la mise en œuvre des accords, et connaît une rentabilité relativement faible. En outre, une part significative de l’offre est produite par des entreprises de taille réduite (PME, TPE), par nature plus exposées à un changement brutal des conditions de commercialisation de leurs produits, qu’il s’agisse d’une baisse de prix ou de la perte de volumes que pourraient engendrer la massification des achats des parties.

Or, si le cahier des charges des produits MDD est in fine défini par le distributeur, son processus d’élaboration fait également intervenir les fournisseurs en amont lors de la phase de définition des produits ceux-ci jouant alors un rôle important dans l’innovation de certains produits.

La mise en œuvre des accords de coopération pourrait ainsi fragiliser des entreprises faisant partie du processus d’innovation pour les produits MDD et diminuer la capacité, voire l’incitation, des fournisseurs à investir et à innover, et ainsi nuire au bien-être des consommateurs sur le marché de détail.
 

  • Un risque de diminution de l’animation concurrentielle entre enseignes


Les accords de coopération à l’achat portant sur les produits MDD sont également susceptibles d’avoir un impact négatif sur le marché aval, en limitant le niveau de différenciation entre les gammes de produits  MDD, et donc la concurrence, entre les enseignes. En effet, en permettant aux distributeurs de commercialiser des produits MDD aux caractéristiques identiques, la variété de l’assortiment proposé aux clients sera limitée.

Le développement de différentes formes de coopération entre distributeurs concurrents visant à aboutir à des recettes communes de leurs produits pourrait être de nature à diminuer l’intensité concurrentielle entre les deux distributeurs, voire leur incitation à se livrer concurrence à l’avenir.


Les engagements proposés : une réduction du périmètre de l’accord de coopération à l’achat existant


A la suite des échanges avec les services d’instruction, et en réponse aux problèmes de concurrence soulevés, les parties se sont rapprochées des services d’instruction pour proposer des engagements. Elles proposent de modifier l’accord de coopération existant en restreignant son périmètre.


Les engagements proposent d’exclure certaines familles ou sous-familles de produits de la coopération, soit en raison de la sensibilité des fournisseurs (producteurs agricoles notamment) aux baisses de prix d’achat ou de volumes achetés de la famille de produits en question, soit en raison du caractère potentiellement « différenciant » de ces références.


Auchan, Casino, Métro et Schiever proposent, notamment, d’exclure de l’accord de coopération, pour 5 ans :


-    le lait, les œufs, la charcuterie, les aides culinaires charcuterie.

Pour le lait et les œufs, les parties se réservent toutefois de contractualiser des contrats de filière tripartite via l’alliance à l’achat ;

-    les chips, les vinaigrettes, les soupes de poissons, pâtés, rillettes, certains produits bio…

Par ailleurs, les groupes s’engagent à limiter leur coopération à hauteur de 15 % du volume du marché  pour plusieurs familles de produits comprenant notamment les pommes de terre, farines, le sucre, les conserves de viandes, de légumes, ou de poissons…


Les suites de la procédure


Les tiers intéressés (fournisseurs, enseignes concurrentes, fédérations professionnelles, associations de consommateurs), sont invités à présenter leurs observations sur cette proposition d'engagements au plus tard le 27 juillet 2020.


Au terme de la procédure, si les engagements proposés, éventuellement complétés et amendés, sont de nature à répondre aux préoccupations de concurrence exprimées, l'Autorité pourra procéder à la clôture de l'affaire, en prenant acte des engagements, qui prendront alors un caractère obligatoire.

 

1Article L. 462-10 al. III du Code de commerce introduit par la loi EGALIM du 30 octobre 2018.
2Parmi les accords à l’achat citons : Casino/Intermarché  et Auchan/ Système U, dont les accords se sont dénoués en 2018, ou encore Carrefour/Cora, Leclerc/Rewe, Carrefour/Système U.

Contact(s)

Yannick Le Dorze
Yannick Le Dorze
Adjoint à la directrice de la communication
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