Acquisition d’OCS et Orange Studio par Groupe Canal Plus : l’Autorité conditionne la réalisation de l’opération à des engagements
L'essentiel
Le 11 juillet 2023, Groupe Canal Plus a notifié à l’Autorité de la concurrence le projet de prise de contrôle exclusif des sociétés OCS et Orange Studio.
L’instruction menée par l’Autorité a été caractérisée par la tenue de nombreux échanges avec Groupe Canal Plus. L’Autorité a par ailleurs procédé à une très large consultation de marché à travers l’envoi de questionnaires à des dizaines d’opérateurs du secteur et la tenue de nombreuses auditions. Elle a en outre échangé avec l’ARCOM et la Direction générale des médias et des industries culturelles.
Après examen de l’opération, l’Autorité a autorisé celle-ci sous conditions. Afin de remédier aux risques d’atteinte à la concurrence identifiés, Groupe Canal Plus a souscrit des engagements visant, notamment, à préserver la diversité de l’offre cinématographique française.
Les parties à l’opération
Groupe Canal Plus est un groupe de télévision, payante et gratuite, qui opère en France et à l’international des activités d’édition de chaînes payantes et gratuites, de distribution vidéo à la demande à l’acte et par abonnement, d’agrégation et de distribution d’offres de télévision et de services de vidéo à la demande par abonnement payants, ainsi que de production, d’acquisition et de distribution de films de cinéma et de séries télévisées. Groupe Canal Plus est actif en France métropolitaine, et dans les territoires ultra-marins via sa filiale C+I qui distribue des bouquets de chaînes de télévision payante.
OCS est, avant l’opération envisagée, une société conjointement contrôlée par Orange SA et Groupe Canal Plus. OCS opère des activités d’édition de chaînes payantes et opère un service de vidéo à la demande par abonnement et de télévision de rattrapage. OCS produit également des créations originales à travers deux labels (OCS Signature et OCS Originals). OCS est distribuée en métropole, en autodistribution ou par l’intermédiaire de distributeurs tiers. Dans les territoires ultra-marins, OCS est uniquement distribué par l’intermédiaire de distributeurs.
Orange Studio est, avant l’opération envisagée, intégralement détenue par Orange SA. Son activité principale comprend la co-production, l’acquisition, la distribution et la vente d’œuvres cinématographiques et de séries.
L’Autorité a notamment identifié un risque pour la diversité du cinéma français
Dans le cadre d’une instruction menée auprès des parties et des opérateurs des secteurs cinématographiques, télévisuels et des services de vidéos à la demande, l’Autorité a réexaminé sa pratique décisionnelle sur les marchés concernés. Elle a conclu que la segmentation selon le mode de diffusion (linéaire et non-linéaire), n’était plus pertinente aussi bien sur les marchés amont de l’acquisition de droits de diffusion que sur les marchés intermédiaires de l’édition et de la commercialisation de chaînes de télévision payantes.
L’Autorité a relevé que l’opération aurait pu avoir un impact significatif sur la diversité du cinéma français en créant une situation de monopsone (acheteur unique) sur certains marchés.
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L’opération aurait placé Groupe Canal Plus en position de pré-acheteur unique de films français récents pour une diffusion en première fenêtre payante
Les diffuseurs de première fenêtre constituent des guichets primordiaux dans le montage du financement des projets de films. Or, à ce jour, Groupe Canal Plus et OCS constituent les deux seuls guichets de première fenêtre de diffusion payante auxquels peuvent s’adresser les producteurs de cinéma français lorsqu’ils cherchent à obtenir les préfinancements de leurs projets de films.
L’opération aurait donc pour effet de faire disparaître la seule alternative à Groupe Canal Plus sur la première fenêtre, à savoir OCS. Même si les montants investis par ce dernier sont largement inférieurs à ceux de Groupe Canal Plus, il n’en demeure pas moins qu’OCS met en œuvre une politique d’investissements dans le cinéma français distincte de celle de Groupe Canal Plus. L’instruction de l’Autorité a également montré que les plateformes de vidéo à la demande par abonnement ne constituent pas des alternatives réelles et potentielles suffisantes à la nouvelle entité, notamment au regard des enjeux de diversité dans la production cinématographique française.
La disparition du guichet alternatif de financement aurait ainsi porté le risque, comme cela a d’ailleurs été largement souligné par les opérateurs interrogés, d’une détérioration de la diversité du cinéma français, en faisant de la nouvelle entité l’unique investisseur de première fenêtre payante de diffusion. Dans son analyse de l’ampleur de ces effets, l’Autorité a également tenu compte de la diminution significative et récente des investissements d’OCS dans le cinéma français.
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L’Autorité a également identifié deux autres risques anticoncurrentiels
Par ailleurs, l’Autorité a notamment relevé que l’opération aurait conduit à de possibles limitations de la disponibilité des films français de catalogue d’Orange Studio sur les services de télévision de rattrapage des chaînes en clair ainsi qu’un possible appauvrissement des bouquets de chaînes proposés par certains fournisseurs d’accès à internet aux consommateurs des DROM, ces opérateurs ne disposant pas de substituts suffisants aux chaînes OCS.
Les engagements proposés
Afin de remédier aux risques d’atteinte à la concurrence identifiés par l’Autorité, Groupe Canal Plus a souscrit des engagements comportementaux.
Les engagements visent à maintenir un guichet alternatif pour le financement du cinéma français
Afin en particulier de préserver la diversité du cinéma français, Groupe Canal Plus s’est engagé à maintenir une équipe d’acquisition OCS/Ciné+, dédiée au préachat de films français de première fenêtre payante auprès de producteurs français, distincte de celle de Canal+. Afin de garantir la séparation effective et la viabilité de cette équipe séparée, Groupe Canal Plus s’est notamment engagé à :
- garantir l’indépendance stricte et effective de l’équipe Ciné+/OS dans la prise de décisions relatives au préachat de films français de première fenêtre payante auprès de producteurs français et les négociations afférentes avec ces producteurs, vis-à-vis de l’équipe Canal+ ;
- fournir à l’équipe Ciné+/OCS les moyens propres en personnel et en budget lui permettant de préacheter des films français de première fenêtre payante auprès de producteurs français. À cet égard, le budget annuel de l’équipe Ciné+/OCS correspondra au montant garanti par OCS dans le cadre de son accord interprofessionnel avec les organisations professionnelles du cinéma du 9 février 2022. Les investissements devront refléter la diversité de la production du cinéma français, notamment en matière de budgets de production, de diversité des talents, des cinéastes et des types de films financés ;
- maintenir une comptabilité analytique permettant de séparer clairement les coûts et les revenus de l’équipe OCS/Ciné+ de ceux de Canal+.
Afin de garantir encore davantage la diversité du cinéma français, Groupe Canal Plus s’est également engagé à faire, pour l’équipe Ciné+/OCS, une proposition de préachat sur un minimum de 25 projets de films français sur cinq ans, incluant un minimum de quatre projets de films français par an (dont un par an d’un devis inférieur à quatre millions d’euros) pour des films dont l’équipe d’acquisition Canal+ aura refusé une diffusion en première fenêtre payante.
Les autres engagements proposés
En outre, afin de répondre aux autres risques anticoncurrentiels identifiés, Groupe Canal Plus s’est engagé, pour les films français de catalogue dont Orange Studio est, avant l’Opération, coproducteur et ne détient pas de mandat de distribution, à ne pas s’opposer à la cession des droits de diffusion sur un service de télévision de rattrapage d’un diffuseur en clair. En outre, Groupe Canal Plus s’est engagé à proposer l’accès à l’offre Ciné+/OCS à tous les distributeurs qui en feraient la demande dans les territoires des DROM dans des conditions tarifaires objectives, transparentes et non discriminatoires.
L’ensemble de ces engagements est souscrit pour une durée de cinq ans et peut faire l’objet d’un réexamen.
Compte tenu des engagements souscrits par Groupe Canal Plus, l’Autorité a autorisé l’opération à l’issue de l’examen de phase 1.