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Lycées d'Ile-de-France : le Conseil de la concurrence sanctionne à hauteur de 47,3 millions d'euros 12 entreprises appartenant à des groupes de BTP pour entente générale

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Par un arrêt du 27 février 2007, la cour d’appel de Paris a donné valeur définitive aux condamnations pénales prononcées le 26 octobre 2005 par le tribunal de grande instance de Paris à l’encontre de dirigeants des sociétés Bouygues Bâtiment, CBC Ile-de-France, Dumez Ile-de-France, Fougerolle, GTM, Nord France, SAEP, SCGPM et SPIE. Ceux-ci ont été condamnés, sur le fondement de l’article L. 420-6 du Code de commerce, pour avoir « pris frauduleusement (…) une part personnelle et déterminante dans la conception, l’organisation ou la mise en oeuvre d’une entente ayant pour objet ou pouvant avoir pour effet d’empêcher de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence sur le marché ».

S’appuyant sur les déclarations concordantes recueillies au cours de l’instruction pénale, le Conseil de la concurrence, qui s’est saisi d’office, mais avait également reçu plusieurs plaintes du Conseil régional d’Ile-de-France, condamne aujourd’hui les entreprises ayant participé à cette entente.

Entre 1989 et 1996, 14 sociétés, dont certaines sont issues d’une restructuration de plusieurs entreprises et appartenant aux six grands groupes de BTP opérant en France au cours de la période concernée, se sont livrées à une entente générale et continue pour se répartir 88 marchés publics d’un montant total de 10 milliards de francs.

Un dossier d’une ampleur et d’une complexité exceptionnelles

En 1990, le Conseil régional d’Ile-de-France a lancé un vaste programme de rénovation de son patrimoine immobilier scolaire. L’état médiocre des bâtiments a conduit la collectivité à attribuer 241 marchés publics de travaux, pour un coût global de 23,3 milliards de francs, le plus gros montant jamais engagé par une collectivité pour ce type d’opération, et dont faisaient partie les 88 marchés en cause.

Le nombre de marchés concernés ainsi que l’existence d’un volet pénal ont rendu l’instruction de l’affaire particulièrement longue et complexe.

Les entreprises se répartissaient les marchés avant les appels d’offre lors de réunions «tours de table»

  • Échanges d’informations et répartition des marchés

Les déclarations concordantes des dirigeants des entreprises mises en cause ont révélé que, dès 1989, avant même le lancement de la première vague de marchés, les entreprises se sont réunies et accordées sur le principe d’une répartition de tous les marchés à venir. Elles ont confirmé que les sept vagues de marchés publics lancées par la région ont fait l’objet d’autres réunions de répartition, de contacts directs entre les entreprises ou d’échanges d’informations.

Les participants à cette entente générale appartenaient aux groupes représentés lors des réunions qui en ont lancé le principe.

  • L’entente a fonctionné pendant 7 ans sous l’égide de Patrimoine Ingénierie, assistant du maître d’ouvrage

Le mode opératoire était toujours le même et a permis à l’entente de fonctionner sur la durée.
Dans un premier temps, les entreprises étaient présélectionnées par une commission occulte auprès de laquelle Patrimoine Ingénierie avait notamment pour rôle de faire respecter une règle de partage des marchés entre PME et grands groupes (1/3 ; 2/3) avalisée par le Conseil régional d’Ile-de-France.

Dans un second temps, conformément au plan de répartition convenu, chaque entreprise présélectionnée faisait en sorte soit d’obtenir l’attribution du marché en indiquant à ses « concurrents » les marchés sur lesquels ses choix s’étaient portés et en leur communiquant ses prix ; soit d’y renoncer en déposant une offre de prix délibérément majorée (offre de couverture).

La bonne exécution de ce partage général des marchés était garantie par Patrimoine Ingénierie, qui, en amont donnait des informations aux entreprises sur les opérations à venir, et en aval, veillait à ce que l’entreprise pressentie obtienne bien le marché.

Le Conseil a souligné que cette entente généralisée a causé un dommage particulièrement grave à l’économie…

Le Conseil a souligné l’extrême gravité du comportement des entreprises. En mettant en place de telles ententes, des entreprises du BTP parmi les plus importantes ont délibérément violé les règles de concurrence et ont pu réaliser indûment des marges bien supérieures aux marges habituellement constatées dans le secteur.

Le Conseil a souligné que cette entente généralisée a causé un dommage particulièrement grave à l’économie, du fait du signal donné par les majors aux autres entreprises du secteur.

… ce qui justifie le prononcé de sanctions exemplaires

Compte tenu de ces éléments, le Conseil de la concurrence a infligé aux entreprises du secteur des sanctions qui représentent 5% de leur chiffre d’affaires - soit le maximum autorisé par la législation alors applicable (1), exception faite de deux entreprises compte tenu de l’inexistence de leur chiffre d’affaires lors du dernier exercice clos.

Le Conseil a ainsi infligé aux entreprises les sanctions suivantes :

  • à la société Bouygues SA : 3 213 000 euros ;
  • à la société Bouygues Bâtiment Ile-de-France SA : 20 765 000 euros ;
  • à la société Gespace France SA : 242 100 euros ;
  • à la société Entreprise de Travaux Publics André et Max Brezillon : 13 338 000 euros ;
  • à la société Compagnie Générale de Bâtiment et de construction (CBC) SA : 9 200 euros ;
  • à la société Société Industrielle de Constructions Rapides (Sicra) SNC : 516 300 euros ;
  • à la société Fougerolle SAS : 7 600 euros ;
  • à la société Spie-SCGPM : 7 341 000 euros ;
  • à la société Vinci Construction : 270 200 euros ;
  • à la société Eiffage Construction : 527 500 euros ;
  • à la société Spie SA, anciennement dénommée Amec SA : 1 078 000 euros ;
  • à la société Nord France Boutonnat SARL : 6 300 euros.


(1) La loi NRE a depuis modifié les dispositions de l’article L. 464-2 du Code de commerce en relevant le plafond de sanctions, lequel est passé de 5% du dernier chiffre d’affaires de la société à 10% du chiffre d’affaires mondial de l’entreprise ou du groupe. En l’espèce, c’est l’ancien plafond qui s’applique dans cette affaire.

 

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Yannick Le Dorze
Yannick Le Dorze
Adjoint à la directrice de la communication
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