L’Autorité de la concurrence est favorable à une modification de la loi afin de permettre à l’ensemble des fournisseurs d’électricité de proposer le tarif social de l’électricité.

Une telle évolution permettrait aux clients vulnérables de bénéficier d’une réduction de leur facture d’énergie.

 

L’Autorité de la concurrence publie aujourd’hui un avis rendu au gouvernement, à la suite d’une demande d’avis concernant un projet de décret relatif à l’automatisation de la procédure d’attribution des tarifs sociaux du gaz et de l’électricité, dont elle a été saisie le 19 décembre 2011. Le décret a été publié hier au Journal Officiel de la République Française.

Les tarifs sociaux de l’énergie sont compatibles avec le droit de la concurrence

Dans son avis, l’Autorité rappelle que les mécanismes sociaux visant à protéger les consommateurs vulnérables ne sont, a priori, pas incompatibles avec le droit de la concurrence. L’intervention des pouvoirs publics est légitime, dès lors qu’elle vise à corriger une défaillance du marché et à remplir un objectif d’intérêt général. Toutefois, comme elle l’a souvent rappelé, les dispositifs sociaux doivent néanmoins introduire le moins de distorsions de concurrence possible.

Les consommateurs vulnérables au tarif social de l’électricité ne peuvent pas bénéficier de la concurrence, contrairement aux autres consommateurs

Les pouvoirs publics souhaitent automatiser l’attribution des tarifs sociaux, afin de rendre plus efficaces ces dispositifs. Les modifications du processus d’attribution ne soulèvent pas en elles-mêmes d’enjeux concurrentiels significatifs.

En revanche, une caractéristique essentielle du tarif social de l’électricité pose problème depuis le 1er juillet 2007, date à laquelle les marchés de l’électricité et du gaz ont été ouverts à la concurrence pour tous les consommateurs : le code de l’énergie prévoit que seul EDF (ou l’Entreprise locale de distribution publique – ELD – concernée, sur sa zone de desserte1) puisse proposer ce tarif social.

Du fait de cette législation, les consommateurs bénéficiant du tarif social de l’électricité doivent obligatoirement s’adresser à EDF ou bien à l’ELD concernée, selon leur zone d’habitation, pour la part de leur consommation excédant le volume servi au tarif social, qui est plafonné à 1.200 kWh par an. Ce volume de 1.200 kWh par an correspond au fonctionnement normal d’un frigidaire, de plaques de cuisson et de l’éclairage d’un foyer. Il est donc en pratique très vite dépassé en cas de chauffage électrique.

Afin de diminuer la facture d’électricité des consommateurs vulnérables, l’Autorité recommande que tous les fournisseurs puissent proposer le tarif social de l’électricité, ce qui nécessite une évolution législative

Dans un contexte où l’ouverture à la concurrence du marché français de l’électricité peine à se concrétiser, le fait que le tarif social de l’électricité ne puisse pas être proposé par les fournisseurs alternatifs soulève de vraies difficultés au regard de la concurrence.

Les consommateurs bénéficiant du tarif social ne peuvent pas faire jouer la concurrence, alors même que certains fournisseurs alternatifs proposent des tarifs inférieurs à ceux d’EDF ou des ELD. Pour permettre aux consommateurs vulnérables de réduire leur facture globale d’électricité (tranche au tarif social + tranche au-delà du plafond), il serait donc nécessaire que tous les fournisseurs puissent proposer le tarif social.

Une telle distorsion de concurrence constitue en outre un frein significatif au développement des fournisseurs alternatifs sur le marché de la fourniture d’électricité, au détriment des clients vulnérables.

De plus, cette distorsion affecte également le marché du gaz naturel, car les offres associant la fourniture de l’électricité et du gaz (offres dites « duales ») jouent un rôle important dans l’animation du marché. En effet, il convient de souligner que seul EDF (ou bien l’ELD électricité concernée, sur sa zone de desserte) est en mesure de proposer aux consommateurs vulnérables une offre duale « sociale », comportant à la fois le tarif social électricité et le tarif social gaz. L’Autorité relève également que le décret prévoit que les consommateurs éligibles au tarif social de l’électricité doivent recevoir un courrier de la part du fournisseur historique (EDF ou l’ELD concernée) mentionnant qu’ils pourront bénéficier du tarif social à condition de quitter leur fournisseur actuel pour retourner chez le fournisseur historique.


En conclusion, l’Autorité de la concurrence ne peut exclure que le code de l’énergie dans sa rédaction actuelle, en obligeant les consommateurs vulnérables à s’adresser à leur fournisseur historique pour bénéficier du tarif social d’électricité, soit contraire à la directive européenne relative au marché de l’électricité. Elle recommande au gouvernement une modification législative visant à permettre à tous les fournisseurs d’électricité de proposer le tarif social de l’électricité aux consommateurs vulnérables, comme c’est le cas pour les fournisseurs de gaz avec le tarif social du gaz.

 

Le tarif social de l’électricité - « tarif de première nécessité » (TPN)

Entré en vigueur le 1er janvier 20052, ce tarif est proposé par les fournisseurs dits « historiques », c’est-à-dire EDF (sur un territoire couvrant 95% de la population) et les entreprises locales de distribution –ELD (sur le reste du territoire). Il consiste en une réduction de 40 à 60% par rapport au tarif réglementé, variant selon le nombre de personnes composant le foyer. Le volume de consommation sur lequel s’applique la réduction est plafonné à 1.200 kWh par an.

A fin 2010, environ 615.000 foyers bénéficiaient du TPN, parmi les 2 millions d’ayants droit à ce tarif, qui représentent 6% des foyers (ce sont les bénéficiaires de la couverture maladie universelle complémentaire, CMU C3). Le coût du TPN pour la collectivité, évalué à environ 45 millions d’euros par an, est financé par la contribution au service public de l’électricité (CSPE), taxe payée par l’ensemble des consommateurs d’électricité (quel que soit leur fournisseur).

Le tarif social du gaz - « tarif spécial de solidarité du gaz naturel » (TSS)

En vigueur depuis 2008, ce tarif social peut être proposé par l’ensemble des fournisseurs de gaz naturel. Il consiste en une réduction forfaitaire, qui varie selon la taille du foyer et son niveau de consommation.

A fin 2010, environ 307.000 foyers bénéficiaient du TSS, sur un total de 800.000 ayants droit raccordés au réseau de gaz naturel (selon le même critère d’attribution que le TPN). Le coût du TSS, évalué à environ 20 millions d’euros par an, est financé par la contribution au TSS (CTSS), taxe payée par les fournisseurs de gaz.


(1) Voir encadré ci-dessus : « le tarif social de l’électricité »
(2) Le TPN a été créé par le décret du 8 avril 2004. Voir à ce sujet l’avis 02-A-13 du 23 octobre 2002 rendu par le Conseil de la concurrence sur le projet de décret.
(3) Exemples : pour une personne seule vivant en métropole, si son revenu est inférieur à 648 euros mensuels, pour 2 personnes, inférieur à 971 euros.

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Yannick Le Dorze
Yannick Le Dorze
Adjoint à la directrice de la communication
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