Transports

Liaison maritime Corse – Marseille / Saisi à nouveau par Corsica Ferries, le Conseil de la concurrence ne prononce pas de mesures conservatoires mais poursuit partiellement l'instruction au fond

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Saisi le 7 mars 2007 par la société Corsica Ferries à l'encontre de pratiques mises en œuvre par la société Compagnie Méridionale de Navigation (CMN) et la Société de Navigation Maritime Corse Méditerranée (SNCM), le Conseil de la concurrence vient de rendre une décision par laquelle il rejette la demande de mesures conservatoires mais décide de poursuivre partiellement l'instruction au fond.

Contexte

Dans le cadre du renouvellement de la délégation de service public pour la desserte maritime de la Corse depuis Marseille, la collectivité territoriale de Corse a lancé en août 2006 un premier appel d'offres.

Contestant le contenu de l'offre faite par la SNCM et le déroulement de la procédure, les sociétés Corsica Ferries et la CMN (qui s'étaient présentées en groupement) avaient saisi simultanément le Conseil de la concurrence et la juridiction administrative. Ces procédures ont abouti d'une part au prononcé de mesures conservatoires par le Conseil de la concurrence le 11 décembre 2006 et d'autre part à l'annulation de la procédure de passation par le Conseil d'Etat le 15 décembre 2006.

Afin d'assurer la continuité territoriale, l'Assemblée de Corse a alors décidé de prolonger la délégation en cours jusqu'au 30 avril 2007 et de fixer au 1er mai 2007 la date de mise en service de la nouvelle délégation de service public.

Dans ce nouveau cadre, deux offres ont été déposées en février 2007 auprès de l'Office des transports de Corse :

  • une offre commune en groupement de la part de la SNCM et de la CMN
  • une offre de la part de Corsica Ferries, portant sur les lignes Ajaccio, Propriano et Porto Vecchio

Les faits dénoncés par Corsica Ferries

Dans sa saisine, la société Corsica Ferries dénonce la constitution entre la SNCM et la CMN d'un groupement qui serait, selon elle, sans justification technique ou économique et aurait pour objectif d'assécher la concurrence et de réduire fortement la pression concurrentielle qu'elle est susceptible d' exercer dans le cadre de l'appel d'offres.

Corsica Ferries reproche par ailleurs à la SNCM et à la CMN d'avoir profité de leur position dominante collective pour demander un montant de subvention excessif et manifestement disproportionné par rapport aux montants sollicités par la SNCM dans le cadre de sa précédente offre globale de 2006. Corsica Ferries fait valoir que ce niveau de subvention crée un risque de subvention croisée entre l'activité de gestion déléguée du service public depuis le port de Marseille et l'exploitation des liaisons depuis Nice et Toulon, lignes sur lesquelles elle est très active.

Le Conseil de la concurrence décide de poursuivre partiellement l'instruction

Concernant la question du groupement, le Conseil de la concurrence estime que l'objet anticoncurrentiel du groupement ne ressort pas de l'examen des justifications avancées pour sa constitution et que la réunion de la SNCM et de la CMN répond à une complémentarité technique objectivement justifiée, qui augmente leurs chances de succès dans l'appel d'offres organisé par la collectivité et est susceptible d'améliorer le cas échéant le service rendu (plus grande souplesse, optimisation des mouvements de navires, meilleure garantie de continuité de service en cas de problèmes sociaux).

Concernant la question de l'abus d'exploitation reproché à la SNCM seule ou conjointement avec la CMN, le Conseil de la concurrence considère en revanche que son existence ne peut être exclue, compte tenu du niveau très élevé de la première offre faite par le groupement, rendu possible par le pouvoir de marché très important que détient la SNCM :

  • l'offre faite par le nouveau groupement SNCM/CMN en février 2007 a été supérieure d'environ 30 % à l'offre déposée par la SNCM seule lors du précédent appel d'offres et à la subvention actuellement accordée au groupement par la collectivité.
  • la SNCM détient un pouvoir de marché incontestable du fait qu'elle est l'actuel délégataire du transport maritime entre Marseille et la Corse ; qu'elle dispose de ses moyens propres, conçus pour ces missions ou adaptés, au fil des ans, à leurs spécificités; qu'elle se sait incontournable dans l'attribution de la nouvelle délégation ; et enfin, qu'elle dispose d'une arme puissante de persuasion avec la "clause de retour" négociée lors de sa privatisation (l'Etat a consenti aux repreneurs la possibilité de sortir du capital de la SNCM si la délégation de service public n'était pas renouvelée, dans sa totalité, au profit de celle-ci).

En mars 2007, après négociation avec la collectivité et alors que l'instruction de la demande de mesures conservatoires était en cours, le groupement a substantiellement baissé son offre pour atteindre un niveau de subvention plus proche de celui déjà demandé dans des circonstances comparables en 2006.

L'ensemble de ces éléments conduit le Conseil à souhaiter que les pratiques d'abus d'exploitation reprochées par la société plaignante – dans le contexte à la fois bref et mouvant dans lequel s'inscrit la saisine - fassent l'objet d'une instruction au fond.

Le Conseil de la concurrence n'a en revanche pas prononcé les mesures conservatoires demandées, considérant qu'elles étaient pour partie non fondées (en ce qui concerne la question du groupement) et pour partie non pertinentes (en ce qui concerne la prévention d'un éventuel abus d'exploitation).

Contact(s)

Yannick Le Dorze
Yannick Le Dorze
Adjoint à la directrice de la communication
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