Transports

Privatisation des autoroutes : le Conseil de la concurrence rend son avis

Autoroutes

Le Conseil de la concurrence considère que la régulation des monopoles privés résultant de la privatisation posera des difficultés si une série d'obligations ne sont pas imposées aux futurs concessionnaires.

Le Conseil de la concurrence a été saisi par l'Association pour le maintien de la concurrence sur le réseau autoroutier (AMCRA) -qui regroupe des entreprises de travaux publics indépendantes - sur les problèmes de concurrence pouvant résulter de la privatisation des sociétés d'économie mixte concessionnaires d'autoroutes (SEMCA), notamment sur les marchés de travaux autoroutiers. Il rend aujourd'hui un avis dans lequel il analyse la situation juridique résultant de la privatisation à venir et les problèmes de concurrence soulevés.

Il invite les pouvoirs publics à clarifier et à renforcer le système prévu pour encadrer la gestion privée des concessions d'autoroutes.

L'évolution de la situation juridique des concessionnaires

Le gouvernement a engagé depuis juin 2005 un processus de privatisation des principales SEMCA, dont l'État détient actuellement le contrôle majoritaire. Ces dernières exploitent la majeure partie du réseau autoroutier à péage en France, soit environ 7000 km sur 8000 km.

La privatisation des SEMCA va entraîner la modification des obligations de ces opérateurs au regard des textes nationaux et communautaires relatifs à la commande publique. Si, actuellement, les SEMCA sont considérées comme pouvoirs adjudicateurs et à ce titre soumises à des règles de mise en concurrence très strictes pour la passation de leurs marchés, elles changeront très vraisemblablement de statut et sortiront de ce cadre, une fois privatisées.

En conséquence, le Conseil estime que, sauf obligations spécifiques imposées dans le contrat de concession, il est peu probable que les futurs gestionnaires accepteront de se soumettre, pour l'exécution des travaux d'entretien ou d'amélioration de leurs réseaux, aux mêmes règles de mise en concurrence que les actuelles SEMCA, notamment s'ils sont adossés ou associés à une entreprise de travaux publics.

Le Conseil souligne la nécessité de réguler les entreprises en monopole

Le Conseil considère que, compte tenu des spécificités du trajet par autoroute et de sa faible substituabilité par rapport à d'autres modes de transport, la plupart des parcours autoroutiers constitueront des monopoles privés : les péages devront donc être soumis, comme aujourd'hui, à une régulation tarifaire.

S'agissant de l'intégration éventuelle des gestionnaires d'autoroutes avec des groupes de travaux publics, il rappelle qu'il s'est déjà prononcé à différentes reprises sur des cas où des groupes verticalement intégrés disposaient d'un monopole sur un marché alors qu'ils étaient en concurrence avec d'autres opérateurs sur des marchés amonts, avals ou connexes à ce marché. Cette situation se retrouve en particulier, comme en l'espèce, dans les cas où existe un monopole « de réseau » dont il n'est pas envisageable, pour des raisons économiques ou environnementales, d'assurer la duplication.

Dans ces circonstances, le Conseil a demandé, d'une part, une séparation claire entre l'activité de monopole et les activités soumises à la concurrence, afin d'éviter notamment des mécanismes de subventions croisées qui viendraient fausser la compétition sur les activités concurrentielles, et, d'autre part, une régulation efficace des prix pratiqués par le monopole.

Le Conseil recommande que des mesures préventives soient prises pour conforter la régulation future

Le Conseil de la concurrence rappelle enfin que les modes de régulation généralement pratiqués, à savoir la fixation d'un prix assurant la couverture des coûts complets du monopole (système du cost plus) et, le système alternatif, de régulation par un prix cible sans considération des coûts (système du price cap) seront difficiles à mettre en œuvre dans le cas des autoroutes privées du fait, d'une part, de l'asymétrie d'information entre l'administration et les concessionnaires et, d'autre part, de la multiplicité des objectifs que devra prendre en compte le régulateur public (équilibre financier des autoroutes, politique de sécurité routière, politique des transports, politique environnementale).

En conséquence, le Conseil recommande que l'on se dote ou que l'on conserve d'autres instruments de nature à éviter la création et l'exploitation d'une rente de monopole, à savoir :

  • assurer la pérennité en tant que personnes juridiques distinctes, des sociétés concessionnaires privatisées, ce qui exclut leur fusion avec d'autres entreprises ou l'intégration dans leur périmètre d'activité, de services qu'elles n'assurent pas déjà elles-mêmes.
     
  • réintroduire explicitement, en ce qui concerne les marchés de travaux, l'obligation de respecter les critères de choix qui s'imposent aujourd'hui aux SEMCA, en précisant à partir de quels seuils de commande, les obligations de publicité, de mise en concurrence et d'intervention des commissions consultatives selon des procédures adéquates doivent intervenir, sans négliger les marchés de services et de fournitures.
     
  • clarifier le rôle des commissions des marchés placées auprès de chaque société, en les dotant d'un véritable pouvoir d'approbation dans le choix des titulaires des appels d'offres.

Contact(s)

Yannick Le Dorze
Yannick Le Dorze
Adjoint à la directrice de la communication
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