Accès à l’Internet haut débit par l’ADSL : le Conseil de la concurrence enjoint à France Télécom de suspendre la commercialisation des packs eXtense dans ses agences
Par une décision du 27 février 2002, le Conseil de la concurrence, saisi par la société T-Online, fournisseur d'accès à Internet sous la marque Club Internet, a prononcé des mesures conservatoires à l'encontre de France Télécom, afin que cette société mette fin à des comportements pouvant donner à sa filiale Wanadoo Interactive une avance décisive sur ses concurrents pour la fourniture de l'accès à l'Internet haut débit par l'ADSL.
Deux pratiques étaient en cause relatives, l'une au processus de vérification et de commande de lignes ADSL, l'autre à une offre de partenariat faite par France Télécom.
Sur le processus de vérification et de commande d'une ligne ADSL
La fourniture à un client d'un accès à Internet à haut débit par l'ADSL suppose de réunir deux éléments :
- un abonnement auprès d'un fournisseur d'accès à Internet ;
- une connexion rapide de technologie ADSL utilisant le réseau téléphonique local.
Compte tenu de la position de France Télécom sur le réseau local et de l'absence d'opérateurs alternatifs, France Télécom est aujourd'hui seule à offrir aux fournisseurs d'accès la prestation qui leur est nécessaire pour proposer à leurs clients le service à haut débit par l'ADSL.
Par ailleurs, la société Wanadoo Interactive, filiale de France Télécom est un fournisseur d'accès à Internet : elle est donc en concurrence avec les autres fournisseurs, et notamment Club Internet.
Cette dernière a fait valoir devant le Conseil de la concurrence que France Télécom avantagerait sa filiale Wanadoo par rapport aux autres fournisseurs d'accès Internet, en proposant le pack eXtense (accès à la technologie ADSL et abonnement à Internet), dans ses agences commerciales.
Pour Wanadoo Interactive, qui dispose du réseau des 750 agences de France Télécom avec leur personnel, la vente d'abonnement à Internet par l'ADSL s'effectue aisément. En effet, les agences détiennent les informations leur permettant de vérifier si la ligne de leur client peut être techniquement raccordée à l'ADSL. Elles disposent également des personnels pour accueillir en permanence les clients désireux de s'informer sur les conditions de l'accès à Internet à haut débit et leur offrir des réponses sûres et rapides.
Les autres fournisseurs d'accès à Internet ne disposent pas de ces facilités et les pièces du dossier montraient que France Télécom a tardé à améliorer la fiabilité de l'information donnée aux fournisseurs d'accès à Internet en ce qui concerne l'éligibilité des lignes téléphoniques.
Ces comportements ont pu conduire à des situations dans lesquelles la prise de commande d'un abonnement d'accès à Internet à haut débit se fait plus rapidement et plus sûrement pour Wanadoo Interactive que pour les autres fournisseurs d'accès, et contribuer à créer une discrimination structurelle entre les différents fournisseurs d'accès au profit de la société Wanadoo Interactive. Celle-ci détiendrait aujourd'hui environ 90 % de la clientèle résidentielle de l'accès Internet par l'ADSL.
Or, l'année 2002 sera une année cruciale pour l'accès à Internet à haut débit qui est, en raison des facilités qu'il offre, la solution de l'avenir. L'accroissement attendu de la demande est très sensible. Ainsi les abonnés qui étaient au nombre de 60 000 à la fin de l'année 2000, étaient 400 000 au 31 décembre 2001 et plus d'un million d'abonnés est prévu d'ici la fin de l'année 2002. Enfin, le nombre de clients de la société Wanadoo augmentait à la fin de l'année 2001 de 15 000 clients par semaine, alors que ce nombre était de 5 000 en septembre.
Le Conseil a considéré qu'il était important que dans ce secteur s'instaure une compétition par les mérites. Or, il existe un risque, qu'à la faveur de pratiques de France Télécom susceptibles d'être qualifiées d'anticoncurrentielles, se constitue un quasi monopole pour la fourniture d'accès Internet à haut débit.
Le Conseil de la concurrence a donc ordonné à France Télécom de mettre à la disposition de l'ensemble des fournisseurs d'accès à Internet, un serveur Extranet leur permettant d'accéder aux mêmes informations que celles dont dispose Wanadoo Interactive et de commander aux services spécialisés de France Télécom l'opération matérielle de la connexion ADSL, dans les mêmes conditions d'efficacité que celles accordées à Wanadoo Interactive.
Dans l'attente de la mise en place de ce système qui doit faciliter un traitement de masse en ligne, il est enjoint à la société France Télécom de suspendre la commercialisation des packs ADSL de la société Wanadoo Interactive dans ses agences commerciales.
Sur le projet de partenariat entre France Télécom et les fournisseurs d'accès à Internet
Par ailleurs, France Télécom a proposé aux fournisseurs d'accès de commercialiser en partenariat une offre consistant en un pack à un prix unique donnant au client le libre choix de son fournisseur d'accès à Internet. Or, dans les conditions initialement prévues, France Télécom imposait aux fournisseurs d'accès à Internet un prix minimum du service à leurs clients et un niveau de rémunération commun des enseignes de la grande distribution, faisant ainsi obstacle à la libre fixation par les fournisseurs d'accès à Internet du prix de leurs prestations.
Le Conseil a en conséquence enjoint à la société France Télécom de suspendre toute offre de cette nature.
Cette procédure d'urgence ne se substitue pas à l'instruction de la saisine au fond, laquelle sera menée ultérieurement et aboutira à une décision.