Santé

Laboratoires pharmaceutiques : le Conseil de la concurrence rend une décision relative au commerce parallèle de médicaments

Médicaments

Les laboratoires pharmaceutiques ne commettent pas d'abus de position dominante en restreignant ou en refusant des livraisons de médicaments à des exportateurs, qui souhaitent acheter en France à un prix administré, pour revendre à l'étranger à un prix plus élevé.

Saisi par plusieurs sociétés exportatrices à l'encontre de pratiques mises en œuvre par 21 laboratoires pharmaceutiques*, le Conseil de la concurrence vient de rendre une décision de non-lieu, considérant que le comportement dénoncé par les saisissantes n'était pas qualifiable d'abus de position dominante au regard du droit de la concurrence national et communautaire.

Le commerce parallèle de médicaments en Europe

Le "commerce parallèle des produits pharmaceutiques" repose sur l'existence d'un différentiel de prix du médicament entre les différents pays européens. Il correspond aux flux commerciaux de médicaments opérés entre grossistes-exportateurs et importateurs de différents pays, par opposition aux flux commerciaux opérés par les laboratoires eux-mêmes lorsqu'ils livrent directement ou par l'intermédiaire de filiales locales leurs produits dans les différents pays.

Les produits visés par le commerce parallèle sont principalement les molécules sous brevet offrant un différentiel de prix élevé (d'au moins 15 %) entre le tarif réglementé en vigueur dans l'Etat d'où partent les produits exportés et le tarif en vigueur dans le pays où ces produits sont consommés.

Le niveau des prix des médicaments français est proche de la moyenne européenne mais il est en revanche inférieur de plus de 20 % à ceux pratiqués au Royaume-Uni et en Allemagne, si bien que la France constitue une base d'exportation notamment pour ces deux marchés.

Un certain nombre de sociétés françaises ont exclusivement basé leur activité sur l'exportation : elles achètent en France des médicaments aux laboratoires pharmaceutiques au prix « administré » pour les revendre à l'étranger à un prix plus élevé.

C'est le cas de Pharma-Lab, Pharmajet, Pharmadex TMC, European Trade Company (ETC) et AD Pharm, qui sont à l'origine de l'affaire portée devant le Conseil de la concurrence. Ces sociétés se plaignaient d'être victimes, de la part des laboratoires pharmaceutiques, de restrictions de livraison, de conditions discriminatoires ou de refus de vente et imputaient ces pratiques d'une part, à une entente entre laboratoires ainsi qu'à une entente entre laboratoires et grossistes-répartiteurs, et d'autre part, à un abus de position dominante de la part de ces laboratoires.

Le Conseil de la concurrence a considéré que l'existence d'une entente entre les laboratoires ou d'un accord entre ces mêmes laboratoires et les grossistes-répartiteurs n'était pas établie

Le Conseil de la concurrence a effectivement constaté l'existence d'un certain parallélisme de comportement des grands laboratoires, consistant à restreindre progressivement leurs livraisons aux exportateurs puis à cesser ces livraisons, alors que les grossistes-répartiteurs nationaux continuaient d'être approvisionnés (y compris lorsqu'ils livraient à l'exportation par l'intermédiaire de leurs filiales spécialisées).

Cependant, il constate que les pratiques et leur évolution n'ont été identiques ni dans leurs modalités ni dans leur calendrier de mise en œuvre et qu'en tout état de cause, un tel parallélisme ne saurait suffire à lui seul à démontrer l'existence d'une entente anticoncurrentielle, laquelle doit être étayée d'indices graves, précis et concordants démontrant l'existence d'une réelle concertation.

En ce qui concerne l'existence alléguée d'une discrimination entre les exportateurs et les grossistes-répartiteurs, le Conseil de la concurrence a considéré qu'elle n'était pas non plus établie. Les deux catégories d'opérateurs interviennent en effet sur les marchés de gros des médicaments sous des régimes juridiques différents, ce qui peut justifier une différence de traitement : les grossistes-répartiteurs ont de fortes contraintes liées à leurs obligations de service public, ce qui n'est pas le cas des exportateurs.

Le Conseil de la concurrence n'a pas non plus considéré comme abusifs, les restrictions de livraisons ou refus de vente opposés par les laboratoires aux exportateurs

Il n'est pas en effet abusif pour un laboratoire de défendre ses intérêts commerciaux en refusant de livrer à un prix administré un produit qui n'est en fait recherché par un pur exportateur que dans la mesure où sa revente sur un marché étranger lui permet de dégager un profit, et qui n'est en aucun cas destiné à être vendu sur le marché national pour lequel le prix administré a été fixé.

Le Conseil, qui n'a traité dans cette décision que le cas des purs exportateurs – dont le statut est différent de celui des grossistes-répartiteurs, astreints à des obligations de service public – a estimé que les restrictions d'approvisionnement en cause constituaient des mesures raisonnables et proportionnées, qui n'étaient pas de nature, compte tenu de l'activité limitée qu'exercent les exportateurs, à empêcher le commerce parallèle.

Il s'est déclaré opposé à la suggestion, évoquée par les sociétés plaignantes, de « quotas » réservés aux exportateurs, qui créeraient de réels problèmes de concurrence.

*Glaxo-Wellcome devenu GlaxoSmithkline (GSK), Lilly France, Boehringer Ingelheim, Wyeth Lederlé, Leo France, Ferring, Abbott Medisense France, Novartis Pharma, Pfizer, Merck Sharp et Dohme-Chibret (MSD), Norgine Pharma, Fournier, Sanofi-Synthelabo, Smith Nephew, Janssen-Cilag, Shering Plough, LifeScan, Aventis, Bayer Diagnostics, NovoNordisk et Astra Zeneca.

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Yannick Le Dorze
Yannick Le Dorze
Adjoint à la directrice de la communication
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