L’Autorité de la concurrence se penche sur la situation de la concurrence dans le secteur du transport par autocars et rejette la plainte déposée par TRANSDEV à l’encontre de la SNCF.


Saisie par TRANSDEV GROUP (TRANSDEV) de pratiques mises en œuvre par le groupe SNCF dans le secteur du transport interurbain par autocars, l’Autorité de la concurrence a décidé de rejeter la demande de mesure d’urgence ainsi que la saisine au fond de TRANSDEV, considérant que les éléments produits par la requérante n’étaient pas suffisamment probants.

La plaignante soutenait que les pratiques en cause permettaient à la SNCF d’évincer les concurrents de sa filiale Ouibus sur le marché du transport interurbain par autocar, en tirant parti des moyens matériels et immatériels issus de son monopole sur le transport ferroviaire de voyageurs.

La plainte de TRANSDEV

L’ouverture du marché du transport interurbain par autocar est intervenue en application de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, (dite « loi Macron »).

TRANSDEV, filiale de la Caisse des dépôts et consignations, est l’une des sociétés actives sur le marché du transport par autocar. Elle a saisi l’Autorité d’une plainte le 18 novembre 2016. Elle reprochait à la SNCF d’abuser de sa position dominante sur le transport ferroviaire de voyageurs, en faisant bénéficier sa filiale Ouibus des moyens tirés du monopole ferroviaire. La plainte mettait en cause plusieurs pratiques alléguées :

- subventions croisées entre les activités en monopole de la SNCF et ses activités en concurrence sur le secteur du transport interurbain par autocars ;

- tarifs de prédation ou d’éviction sur le transport intrerurbain par autocars ;

- couplage entre son offre de transport ferroviaire en monopole et son offre de transport interurbain par autocar ;

- utilisation abusive des moyens de monopole susceptible d’entraîner une confusion entre ses activités en monopole et ses activités relevant du champ concurrentiel.

Le marché émergent du transport interurbain par autocar

L’Autorité a noté dans sa décision du 1er juin 2017 plusieurs évolutions notables de ce marché.

Tout d’abord, le marché a connu depuis une évolution rapide (concentration, fluctuation des parts de marché) ainsi qu’une intense concurrence en prix, les opérateurs cherchant à attirer les voyageurs vers ce nouveau mode de transport. Les entreprises de transport ont déployé leurs réseaux à un rythme soutenu.

En à peine une année, le nombre d’acteurs présents sur le marché s’est resserré. Si 5 opérateurs étaient présents sur le marché lors de son ouverture (le groupe Transdev sous les marques Eurolines et Isilines, le groupe SNCF via sa filiale Ouibus, Flixbus, opérateur d’origine allemande, Megabus, filiale du groupe britannique Stagecoach et Starshipper, groupement d’autocaristes indépendants), seuls 3 opérateurs étaient encore actifs à l’été 2016. Megabus a en effet cessé son activité en France, une partie des actifs ayant été repris par Flixbus, et Starshipper a conclu un accord de Master franchise avec Ouibus.

Par ailleurs, les positions relatives des uns et des autres ont connu des évolutions sensibles. TRANSDEV, initialement leader du marché, a vu sa situation se détériorer rapidement. Flixbus pour sa part s’est développé fortement jusqu’à devenir leader du marché au cours du deuxième trimestre 2016. Ouibus est actuellement en deuxième position.

Après avoir examiné la situation concurrentielle et les pratiques mises en cause, l’Autorité de la concurrence rejette la saisine au fond ainsi que la demande de mesures conservatoires

L’Autorité a constaté que, malgré les pertes enregistrées par Ouibus depuis l’ouverture du marché, aucun élément au dossier relatif à son comportement tarifaire ou commercial ou à l’analyse de l’horizon de rentabilité de son activité dans le cadre d’un marché émergent, ne permettait de considérer que la politique commerciale de Ouibus était fixée dans le cadre d’un plan ayant pour but d’éliminer un ou des concurrents ni qu’elle était susceptible de provoquer des effets, potentiels ou réels, d’éviction.

En particulier, en dépit de perspectives de rentabilité relativement éloignées, les éléments au dossier ne permettent pas de considérer à ce jour que le maintien de Ouibus sur le marché, serait dépourvu de toute rationalité économique ou correspondrait à un comportement anticoncurrentiel. De plus, ni l’existence de tarifs prédateurs ou d’éviction, ni les prétendus comportements commerciaux relatifs à des surcapacités mises en place ou aux investissements marketing ne sont confirmés par le dossier.

Par ailleurs, les pièces versées à l’appui de la saisine n’ont pas non plus permis d’établir que la pratique de « couplage » dénoncée par TRANSDEV aurait pu engendrer un effet d’éviction, compte tenu notamment du faible effet de levier qui pouvait résulter de l’offre mise en place par le groupe SNCF (consistant à proposer un coupon de 10 euros par an, à valoir sur un trajet Ouibus, pour l’achat de la carte jeune SNCF).

Enfin, l’Autorité n’a pas considéré que les conditions actuelles de l’utilisation par Ouibus des moyens de la SNCF, comme notamment l’identité visuelle commune entre des activités concurrentielles et en secteur réservé (préfixe « Oui » similaire à celui utilisé pour le transport ferroviaire), ou encore des moyens de communication et humains de la SNCF, étaient susceptibles de constituer une utilisation abusive des moyens du monopole. Il ne ressort pas non plus du dossier que les conditions actuelles de l’utilisation de la marque SNCF par Ouibus seraient susceptibles de lui conférer un avantage concurrentiel non reproductible par ses concurrents, comme le montre en particulier la progression rapide de l’opérateur Flixbus, qui ne disposait d’aucune notoriété sur le marché français lors de son arrivée sur le marché.

L’Autorité de la concurrence a par conséquent décidé de ne pas poursuivre l’instruction au fond de l’affaire et, par voie de conséquence, a rejeté la demande de mesures conservatoires de TRANSDEV. Cette conclusion ne préjuge pas de l’analyse que pourrait faire l’Autorité s’il était démontré que Ouibus enregistrait des pertes sans perspectives raisonnables de retour à l’équilibre ou si de nouveaux éléments relatifs par exemple à son comportement sur le marché ou à l’utilisation des moyens de la SNCF étaient portés à la connaissance de l’Autorité.

Contact(s)

Yannick Le Dorze
Yannick Le Dorze
Adjoint à la directrice de la communication
Imprimer la page