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Le Conseil de la concurrence sanctionne le groupe La Poste pour abus de position dominante

Courrier

Saisi par le Syndicat national des entreprises de logistique de publicité directe (SNELPD) en 1998 et 2000, puis s'étant lui-même saisi d'office en 2002, le Conseil de la concurrence a rendu aujourd'hui une décision dans laquelle il a établi que le groupe La Poste avait abusé de sa position dominante en ne respectant pas le principe de non discrimination dans l'application de ses tarifs, au profit de certains émetteurs de courrier et au profit de sa propre filiale Datapost, faussant ainsi le jeu de la concurrence.

En accordant à certains clients de façon discriminatoire ses tarifs d'envoi en nombre (dits TG et TS), La Poste a faussé la concurrence entre routeurs, ceux-ci n'obtenant pas les mêmes conditions d'une zone à l'autre

L'instruction a fait apparaître que La Poste n'a pas accordé ses tarifs TG et TS de manière homogène sur l'ensemble du territoire national. De nombreuses discriminations dans l'obtention de ces tarifs ont en effet été observées, consistant, de la part de La Poste, à accorder des remises sur affranchissement à certains émetteurs de courrier, sans que les conditions de tri préalable et de quantité minimale de plis à déposer (seuils d'accès), nécessaires à l'obtention de ces tarifs, soient respectées.

Certains routeurs ont été localement évincés du fait de ces pratiques tarifaires discriminatoires. C'est le cas, par exemple, de la société Oberthur qui n'a pas été retenue par le GIE SESAME, lors du renouvellement du marché de la diffusion des cartes Vitale aux assurés sociaux, alors qu'elle faisait partie des quatre sociétés retenues dans l'appel d'offres initial :

Au cours de la mise en œuvre du marché qu'elle avait remporté, la société Oberthur s'est, en effet, vu appliquer strictement, par le centre de tri de Dijon, les conditions relatives aux Ecoplis en nombre, alors qu'un tarif plus avantageux était par ailleurs consenti à tort et de manière discriminatoire à ses concurrents par d'autres centres de tri (Tours, Mulhouse, Lyon et Cergy). L'avantage dont ont bénéficié les concurrents d'Oberthur (bénéficier du tarif relatif aux Ecoplis en nombre sans en remplir les conditions de seuil) a conduit le GIE Sésame à ne pas retenir la société Oberthur lors du renouvellement du marché des cartes Vitale.

Cette application tarifaire discriminatoire s'est, dans certains cas, faite au profit de La Poste elle-même ou de sa filiale Datapost

En octroyant à certains clients des tarifs auxquels ils n'auraient pas dû prétendre, La Poste a détourné ceux-ci des routeurs. Cela a notamment été le cas dans le département de l'Aisne, où certains routeurs, se trouvaient en concurrence directe avec La Poste pour la prise en charge d'opérations de marketing direct du groupe Volkswagen (VAG) ou de bus mailing de la société Maulde et Renou (imprimeur) :


La Direction départementale de La Poste de l'Aisne avait conclu avec ces deux entreprises des accords particuliers dérogatoires, compte tenu de l'importance du chiffre d'affaires qu'elle réalisait avec chacune d'entre elles.
Pour ces deux clients, la pratique du tri n'était quasiment jamais facturée alors qu'elle aurait dû l'être, puisque ces deux sociétés bénéficiaient du tarif spécial TS3.
Ces avantages, consentis de manière indue par La Poste, ont eu pour conséquence de rendre comparativement moins attractives les offres de routeurs concurrents. En effet, pour accomplir les mêmes prestations pour le compte de VAG ou de Maulde et Renou, ils n'obtenaient pas auprès de La Poste les mêmes conditions tarifaires que celles que cette dernière octroyait en direct à ses clients.


Par ailleurs, les éléments au dossier montrent également que, de 1995 à 1999, Datapost (filiale de La Poste spécialisée dans le routage) a bénéficié de la part de sa maison-mère, La Poste, d'un taux de remise unique, accordé indépendamment de toute garantie de volume des plis déposés. Cette discrimination a donné un avantage concurrentiel certain à Datapost par rapport à ses concurrents routeurs. Elle lui a notamment permis d'emporter le marché Edf-Gdf de Nice Côte d'Azur et de Gard-Cévennes.

Des pratiques graves mais qui ne relèvent pas d'une stratégie délibérée et globale d'éviction de la part de La Poste

L'activité de routage est tributaire de La Poste, le courrier devant obligatoirement être acheminé et distribué par elle, en vertu de son monopole sur le service postal de base. En tant qu'entreprise en situation de monopole sur le service postal de base et en tant qu'opérateur réglementant unilatéralement l'accès à ce service, La Poste est soumise à une obligation particulière de prudence et de vigilance et au respect scrupuleux des tarifs, d'autant plus qu'elle est en position d'abuser de sa position dominante sur le marché connexe du routage, sur lequel elle est présente, soit directement, soit par l'intermédiaire de ses filiales.

Si La Poste s'est rendue coupable de négligence, réagissant avec retard et sans aucune efficacité aux pratiques menées localement, qu'elle n'ignorait pas, l'instruction n'a cependant pas permis d'établir l'existence d'une stratégie délibérée et globale d'éviction des routeurs au profit de La Poste et de sa filiale Datapost. Plusieurs courriers accréditent le fait que La Poste ne souhaitait pas encourager ce système et avait, à plusieurs reprises, manifesté son souhait qu'il ne perdure pas.

C'est la raison pour laquelle la sanction a été limitée à un million d'euros.

Le Conseil a, par ailleurs, écarté les autres griefs qui avaient été notifiés au groupe La Poste.

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Yannick Le Dorze
Yannick Le Dorze
Adjoint à la directrice de la communication
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